Jacques Brel aux Marquises : le témoignage de Soeur Rose (09/10/2013)

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Sœur ROSE nous dit : « Avec Jacques BREL, gémir n’est pas de mise aux Marquise »

Arrivée au collège d’Atuona (île d’Hiva Oa) en 1947, après 42 jours de mer, plus 5 jours pour venir de Tahiti, elle a bien connu Jacques BREL venu passer sur l’île les dernières années de sa vie à la fin des années 70. Elle nous rapporte quelques souvenirs « Ici, il ne montrait pas du tout l’aspect “anti-religieux ”de certaines de ses chansons. 

La première fois qu’il est venu, un professeur de français nous l’avait amené en disant que ça serait bien si on présentait une vedette aux enfants. Il n’y avait pas de télé ici. Il n’aime pas beaucoup les curés et les bonnes sœurs, m’avait dit le professeur, alors, j’ai hésité à assister au cours. Quand je l’ai rencontré, tout simple, il m’a dit : “Vous savez ici, les femmes fument trop ”et je lui ai répondu : "Ca serait bien de sensibiliser les jeunes là-dessus."

Avec son avion (Jojo), il allait chercher des légumes pour lui et il nous avait demandé si on voulait quelque chose. Je lui ai dit “Je voudrais bien un beau fromage ”. Lorsqu’il fut de retour après avoir piloté son avion avec beaucoup de fatigue, il l’a déchargé… Au lieu d’aller porter ses provisions chez lui, il est venu apporter le fromage tout de suite, ça m’a beaucoup touché. C’était sa sensibilité. 

Quand il a appris qu’on fai- sait une kermesse, sa compagne étant une ancienne danseuse des Claudettes, il a proposé qu’elle apprenne la danse moderne à nos gamines. Il avait commandé une chaîne « hi-fi » à Tahiti ; il l'a installée chez nous avant de l'installer chez lui. 

À cette époque, il n’y avait pas de pendule pour sonner minuit dans la pièce « Cendrillon ». Il a enregistré le chant de son coq sur bande et il s’est occupé de la régie du spectacle, tout heureux comme un enfant. Il aimait être traité comme cela ; il était très simple.

À cette époque, il n’y avait pas de liaison régulière, il n’y avait que son avion. Or, 2 ou 3 de nos filles n’avaient pas pu partir en vacances à Ua Pou. Comme il s’occupait du courrier avec cette île voisine, il partait tous les vendredis matin à 6 h. Ainsi, il a pris nos 3 filles à son bord. Quand je lui ai demandé à son retour comment cela s’était passé, il m’a répondu “J’ai perdu vos filles, lorsque je me suis retourné, elles n’étaient plus là ”. Elles étaient parties rapidement rejoindre leurs familles, car elles étaient impressionnées et intimidées par ce grand homme. Il ne s’en est même pas offusqué, il cherchait juste à rendre service ; c’était sa gentillesse.

Ici, depuis qu’il est mort, je n’ai jamais entendu quelqu’un du pays le critiquer. Vous savez, il faisait des évacuations sanitaires sur Tahiti même de nuit, en refaisant le plein de carburant à Rangiroa (Tuamotu). Jamais il ne s'est vanté de dire : "On est allé avec des voitures pour éclairer l'extrémité de la piste." Il ne faisait pas cela pour la gloriole.

Propos recueillis par Daniel et Pierre-Emmanuel Garot

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