La collégiale Sainte-Croix à Liège : un des monuments les plus menacés de la planète (27/10/2013)

sc-exter-complet.jpgLu sur La Libre - Gazette de Liège :

Quel chemin pour Ste-Croix ?

Un SOS mondial a été lancé pour la collégiale. Ville et Région se renvoient la balle.

C’est une première en Région wallonne : depuis quelques jours, la collégiale Sainte-Croix de Liège figure sur la liste des monuments les plus menacés de la planète, dressée par le World Monuments Fund qui a son siège à New York. Ce n’est évidemment pas un compliment pour nos responsables du patrimoine. Mais entre la Ville et la Région, on se renvoie la balle…

"Ce classement est un signal d’alarme, explique Mathieu Piavaux, de l’ASBL SOS Sainte-Croix, par ailleurs chargé de cours à l’Université de Namur. A Bruxelles, la maison de la Radio place Flagey et le site de Tour et Taxis ont figuré sur la liste Monument Watch et cela a contribué à les sauver. Cette fondation est comme l’Unesco ou comme Amnesty International. Elle ne donne pas les fonds pour lutter contre ce qu’elle dénonce, mais elle est une caution morale, une légitimité". Le message fera-t-il de la restauration de l’édifice médiéval une priorité ? C’est évidemment ce qu’espèrent ses défenseurs qui ont monté le dossier adressé à la fondation américaine.

Mais il y a du pain sur la planche. Bien qu’inscrite au Patrimoine exceptionnel de Wallonie, Sainte-Croix n’offre aux passants que le triste spectacle de sa dégradation et, depuis une décennie, de ses filets destinés à protéger nos têtes. "Sa restauration au XIXè siècle n’a pas été achevée, précise Mathieu Piavaux. Et par la suite, il n’y a eu que des restaurations ponctuelles comme les dommages de guerre. Dans les années ‘70, des chutes de pierre ont entraîné une intervention d’urgence menée par l’architecte Hubert-Fernand Joway. Il a fait tomber les pierres qui menaçaient et les a remplacées par ces horribles briques de ciment qu’on peut voir. C’était provisoire, mais on attend toujours. On en est à devoir consolider les consolidations…" Comme le roofing en toiture pour empêcher les infiltrations d’eau… qui a été cloué en cassant des ardoises !

Immobilisme de la Ville ?

Le SOS a-t-il été entendu à Namur ? Au cabinet de Carlo Di Antonio (CDH), en charge du Patrimoine, on déclare attendre que la Ville de Liège prenne les devants : "La Région n’est que le pouvoir subsidiant, c’est la Ville qui est propriétaire de la collégiale et elle doit donc engager les démarches, affirme la porte-parole du ministre Marie Minet. Or, elle ne l’a jamais fait. On déplore vraiment cet immobilisme de la Ville…"

Coup de fil, dès lors, à l’échevin Michel Firket (CDH) qui compte le Patrimoine parmi ses compétences… et qui tombe des nues : "J’ai des courriers écrits à plusieurs reprises, nous dit-il. La Ville a travaillé sur ce sujet avec la Région. Le ministre Marcourt (précédemment en charge du Patrimoine, ndlr) a marqué son accord sur le futur Circuit des collégiales". Un projet touristique qui, bien sûr, passerait par le Publémont. La dernière lettre adressée en ce sens au ministre, dont nous avons eu connaissance, est datée d’août 2012 et il y est notamment question de Sainte-Croix "dont l’état alarmant demande une restauration le plus rapidement possible". Pourtant, rien n’a avancé, depuis… "Beaucoup de choses ont été faites à Liège, nuance Michel Firket. Sainte-Croix doit être prise en compte, bien sûr, mais les budgets régionaux ne sont pas extensibles à l’infini".

En attendant, le dossier est resté en panne et même les opérations de maintenance ont été arrêtées par le ministère de la Région wallonne. En cas d’accord entre les niveaux de pouvoir, la Ville serait pourtant gagnante puisque le régional prendrait sur lui 95 % des frais, estimés ici à 25 millions d’euros au minimum. Mais on nous rapporte qu’à la Violette, en ces temps d’austérité, ce qu’il resterait à assurer - à commencer par l’engagement d’un auteur de projet - serait quand même jugé trop coûteux. Plus en amont, les travaux les plus urgents, qui sont ceux de la toiture, auraient été bloqués par une dispute entre la Ville et la fabrique d’église sur le point de savoir qui est propriétaire…

Malgré tout, une avancée a été réalisée en faveur du diagnostic sanitaire du bâtiment, un préalable indispensable avant toute intervention. Mais pour aller plus loin, il faudra au minimum que la communication s’améliore entre échevinat et ministère… ou en leur sein.

Quant à trouver un "repreneur" privé… "Cela équivaut à une défaite, on baisse les bras", dit Mathieu Piavaux. Et ce n’est pas sans risque : "Imaginez si c’est un émir ou un Russe qui vient faire un truc bling-bling !"

Paul Vaute

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