Divorcés-remariés : des discours romains contradictoires ? (28/10/2013)

Selon Isabelle de Gaulmyn dans le journal « La Croix »  (extraits):

« …La parole de l’Église dans l’espace médiatique est dominée par un discours romain par nature normatif. C’est ce que le pape François pointe, lorsqu’il explique, dans son entretien avec les revues jésuites, que l’Église ne doit pas « être obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines à imposer avec insistance ». Lors de son premier angélus, quatre jours après son élection, François a justement cité le livre du cardinal Kasper, sur la miséricorde, plaçant ainsi son pontificat sous ce signe.

En l’élisant sur le siège de Pierre, les cardinaux avaient d’ailleurs voulu mettre à la tête de l’Église une personnalité pastorale, avec une expression moins doctrinale que ses prédécesseurs. Le pape fait donc le pasteur, et de ce point de vue, François remplit parfaitement la tâche. Mais cela n’empêche pas l’institution romaine, elle, de continuer de « faire son job » et de rappeler ce qui constitue les principes « non négociables » de la morale chrétienne, avec ses fondements théologiques.

 Texte sur les divorcés-remariés

Rien d’étonnant à ce que le cardinal [sic] Gerhard Müller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, publie donc un texte au sujet des divorcés-remariés pour rappeler à ses collègues allemands le point de vue de l’Église. Après tout, il est là pour cela, et il a raison d’écrire que la question des divorcés remariés, et de leur accès à la communion n’est pas seulement d’ordre pastoral, et touche à la théologie du sacrement du mariage. C’est bien parce que le problème est complexe, que le pape a convoqué un synode sur ce sujet l’an prochain.

Mais pour le fidèle catholique, qui reçoit ces deux discours en provenance de Rome, le message risque de se brouiller singulièrement. D’autant plus que plusieurs passages de ce texte du cardinal Müller semblent prendre l’exact contre-pied d’autres expressions du pape François.

contradictions 

Ainsi, lorsque le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi explique qu’avec ce qui est « objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner ». Ou encore lorsqu’il oppose la conscience des fidèles à l’obéissance au magistère, on peut trouver une certaine contradiction avec les propos du pape, sur ce sujet, dans un entretien avec l’éditorialiste italien Eugenio Scalfari.

À l’heure où tout propos est immédiatement amplifié par les médias, la difficulté n’est pas mince. Le pape est aussi celui dont la parole a valeur magistérielle, du moins dans certaines conditions. Il est évident que l’un des enjeux majeurs pour l’Église, à son plus haut niveau, sera de trouver une nouvelle manière, adaptée au XXIe siècle, de conjuguer ces deux aspects: la miséricorde et la morale. »

Réf : Quand Rome hésite entre pastorale et magistère

Comme l’observe un lecteur sous l’article de Mme de Gaulmyn  «  Il ne peut y avoir de dichotomie entre la pastorale et le magistère . La pastorale doit toujours se faire dans le cadre du magistère… ou alors ce n’est plus de la pastorale. Le pape François a bien dit que l’Eglise n’est pas une ONG. Son prédécesseur disait à cet égard dans « La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité » écrit en 1998, quand il était responsable de la Congrégation pour la doctrine de la foi : « Certes, il est difficile de faire comprendre les exigences de l’Évangile à l’homme sécularisé. Mais cette difficulté pastorale ne peut amener à des compromis avec la vérité. Dans sa lettre encyclique Veritatis Splendor, Jean Paul II a clairement repoussé les solutions prétendument « pastorales », qui sont en contradiction avec les déclarations du Magistère ».

Toujours sous l'article de "La Croix", on peut lire cette réaction:

 "Concernent les orthodoxes et leur vision libérale du mariage, voilà ce qu’a écrit le Cardinal Ratzinger :

— « Dans l’Eglise impériale, après Constantin, on chercha, à la suite de l’imbrication toujours plus forte entre l’Etat et l’Eglise, une plus grande souplesse et une plus grande disponibilité au compromis dans des situations matrimoniales difficiles. Jusqu’à la réforme grégorienne, cette tendance se manifesta aussi dans les milieux gaulois et germanique. Dans les Eglises orientales séparées de Rome, ce développement se poursuivit au cours du second millénaire et conduisit à une pratique toujours plus libérale. Il existe aujourd’hui, en de nombreuses Eglises orientales, toute une série de motifs de divorce, sinon même une «théologie du divorce», qui n’est, en aucune manière, conciliable avec les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage. Ce problème doit être absolument abordé dans le dialogue œcuménique.

 — En Occident, grâce à la réforme grégorienne, on retrouva la conception originelle des Pères. Ce développement trouva, d’une certaine manière, sa confirmation lors du concile de Trente et fut à nouveau proposé comme doctrine de l'Eglise par le concile Vatican II.

La pratique des Eglises orientales séparées de Rome, conséquence d’un processus historique complexe, d’une interprétation toujours plus libérale — et qui s’éloignait toujours davantage de la Parole du Seigneur — de certains passages patristiques obscurs, influencée aussi à l’évidence par la législation civile, ne peut pas, pour des motifs doctrinaux, être assumée par l’Eglise catholique. A cet égard, il n’est pas exact d’affirmer que l’Eglise catholique aurait simplement toléré la pratique orientale. Certes, le concile de Trente n’a prononcé aucune condamnation formelle. Néanmoins, les canonistes médiévaux en ont parlé constamment comme d’une pratique abusive. De plus, il existe des témoignages selon lesquels des groupes de fidèles orthodoxes, qui devenaient catholiques, devaient signer une confession de foi avec mention expresse de l’impossibilité d’un second mariage. »

Il apparaît donc que les orthodoxes sont en dehors des clous concernant les divorcés-remariés puisque pour Jésus, l’indissolubilité du mariage « découle de la volonté du Seigneur, l’Eglise n’ayant aucun pouvoir sur elle ».

J'ajouterais cependant ceci, pour ceux qui veulent approfondir la réflexion sur ce vaste sujet de l'indissolubilité du mariage: lire sur le site officiel du Vatican les citations plus complètes de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, que fait Mgr Fernando Ocariz (Vicaire Général de l'Opus Dei), dans un article publié par " l’Osservatore Romano" le 1.12.2011. C'est sur news.va, ici : La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité .

JPSC 

Lire également : Rome/divorcés-remariés-qu'a dit le préfet du Saint-Office?

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