Euthanasier les mineurs d’âge en Belgique : vote en commission au Sénat de Belgique ce mercredi ? (25/11/2013)

Mercredi prochain, 27 novembre, les commissions réunies de la justice et des affaires sociales du sénat belge devraient voter, paraît-il, une proposition d’élargissement de l’euthanasie aux mineurs. L’émission télévisée « mise au point » de ce dimanche était consacrée à la question. Voici le résumé du débat proposé sur le site web de RTBF-info :

Que faut-il faire si un enfant atteint d'une maladie incurable demande qu'on abrège ses souffrances? Une majorité se dessine au sein d'une commission du Sénat pour étendre la loi sur l'euthanasie aux mineurs. C'était l'objet d'un débat animé ce dimanche sur le plateau de Mise au Point, où les notions d'âge et de capacité de discernement des enfants dans leur décision d'en finir, ou encore de consentement des parents, ont été vivement discutées.

Pour Philippe Mahoux, chef de groupe PS au Sénat, "le débat est mûr""Depuis de nombreuses années, dit-il, des pédiatres qui sont confrontés à des situations dramatiques nous demandent de poser ce geste ultime d’humanité pour les patients".

Le cdH, qui fait partie de la majorité, s’oppose pourtant à la proposition telle qu'elle est formulée jusqu'ici. Faut-il avancer sans lui, en formant une majorité alternative à la majorité gouvernementale? "Pour des problèmes d’une telle envergure, on parle de convictions personnelles et non de majorité ou d’opposition", répond Philippe Mahoux, en évoquant une "solution humaine" partagée "par une majorité de collègues".

Francis Delpérée, chef de groupe cdH au Sénat, rappelle que c’est une commission parlementaire qui devra d’abord prendre une décision, qui devra ensuite elle-même être votée en séance plénière au Sénat, puis à la Chambre. Enfin le gouvernement fédéral devra lui aussi se faire son propre jugement sur le sujet, dit-il en parlant d’"un périple qui doit encore être accompli".

A-t-on une idée assez claire de la loi de 2002 pour l'élargir aux mineurs?

Même s'il précise que le lancement du débat est selon lui "une excellente chose", Michel Dupuis, professeur d'éthique biomédicale à l'UCL et président du Comité consultatif de Bioéthique, veut adresser un message de prudence avant d'aller plus loin. "J’ai le sentiment qu’il est trop tôt pour une raison logique", déclare-t-il : "Après dix ans d’application de la loi, nombreux sont les professionnels soignants qui n’ont pas une idée claire de son fonctionnement". Or pour lui il est primordial de bien la comprendre avant de l’étendre.

Mais quand Michel Dupuis veut temporiser, Jacques Brotchi, sénateur MR et neurochirurgien, voit plutôt une urgence. Il parle d'une pratique à laquelle on recourrait déjà abondamment, et dit préférer "la transparence à la clandestinité" "Je respecte les opinions de chacun, dit-il, mais je souhaite aussi qu’on entende celui qui veut mourir dans la dignité selon les critères qui sont les siens, exactement comme on entend celui qui réclame des soins palliatifs".

Euthanasie ou soins palliatifs: y a-t-il un choix indigne?

Benoît Beuselinck, oncologue et initiateur de la plateforme Euthanasie STOP qui craint que l'on banalise l'euthanasie en étendant progressivement la loi, insiste alors : pour lui, "les soins palliatifs sont aussi une façon très digne de mourir". Cette pratique est même selon lui "plus digne que d’administrer directement la mort au malade". Il ajoute même que les soins palliatifs sont souvent un facteur de "resserrement des liens familiaux".

Mais ce débat sur la façon "la plus digne" d'accompagner le malade en fin de vie ne plaît pas à Jacqueline Herremans. La présidente de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, ne veut pas "qualifier de digne ou d’indigne tel ou tel choix""Ils le sont tous", insiste-t-elle. "Etre opposé à l’euthanasie est votre droit", dit-elle à Benoît Beuselinck. "Mais laissez au moins chacun faire ses propres choix. Notre attitude est inclusive, la vôtre est exclusive".

Zakia Khattabi, sénatrice Ecolo, soutient cette conception : "Notre travail n’est pas de porter un jugement mais bien de donner à chacun la possibilité de décider de la façon dont il souhaite partir". "Il ne s’agit pas d’imposer quelque chose à qui que ce soit", dit-elle en rappelant que depuis 2002, les médecins qui refusent de pratiquer l'euthanasie ne la pratiquent pas.

Un enfant peut-il décider seul de sa mort de façon raisonnée?

La proposition pour laquelle une majorité se dégage en commission parlementaire, définit les conditions dans lesquelles l’euthanasie peut être pratiquée sur une personne mineure. Philippe Mahoux explique ainsi qu’il faut que le malade éprouve "une souffrance physique intolérable, qu’on ne peut soulager, à cause d’une maladie incurable". La requête doit être formulée par le patient lui-même, réfléchie et répétée.

Un autre changement concerne la faculté de discernement, soit la faculté d’intégrer, de sous-peser de manière suffisante la question de la mort, continue-t-il.

Francis Delpérée y voit précisément un fameux paradoxe. Si les jeunes de moins de 18 ans sont légalement considérés comme incapables de se marier ou d’acheter une maison, il s'étonne que la loi les rende, d’un coup, capables de choisir de mourir.

Mais selon Zakia Khattabi, c'est justement la maladie qui peut donner à un enfant une capacité de discernement avancée. "Les professionnels nous disent que l’expérience de la souffrance fait que l’enfant ou l’adolescent a une maturité beaucoup plus grande". Et elle ajoute que dès le moment où un enfant demande de mourir, "un pédopsychiatre ou une équipe va l'entourer pour évaluer cette capacité de discernement".

Comment "rester ouvert à l’expérience particulière de chaque enfant" ?

Mais à nouveau, Michel Dupuis invite au recul critique. "Dans cette pratique extrêmement délicate de l’accompagnement de la souffrance, dit-il, il faut accepter de travailler dans le brouillard". Pour lui il faut abandonner "un certain nombre de repères très utiles du droit, mais qui sont des fictions dans ce domaine".

Il plaide pour un abandon des critères comme l’âge, pour mettre en place des "dispositifs qui permettent de déterminer la position clinique du patient pour garder le sens de la situation unique".Mais il demande alors : "Les législateurs sont-ils prêts à intégrer cela?"

Quoiqu'il en soit pour Zakia Khattabi, l’âge est un exemple futile puisque, dit-elle, c’est en vertu de cette même notion de capacité de discernement qu’on peut observer un niveau de maturité différent chez deux enfants de huit ans. "Cela permet de rester ouvert à l’expérience particulière et singulière de chaque enfant".

Rôle des parents : faut-il demander leur accord?

Benoît Beuselinck déplore le fait que, selon lui, "on ne tient pas compte de la famille". Les parents sont soi-disant responsable de leur enfant avant 18 ans, dit-il, en posant la question de leur responsabilité.

Car comme le précise Zakia Khattabi, en renvoyant à la loi sur le droit du patient (et donc à la volonté de son parti de changer certains aspects de la proposition), "dès le moment où on reconnaît au mineur une capacité de discernement, cette loi dit que le mineur devient totalement autonome dans ses décisions""De ce point de vue-là, il nous semble que le texte n’est pas bon. Le clarifier permettrait d’éviter les déchirements entre des parents en désaccord".

Pour Francis Delpérée, c'est la multitude de personnes qui gravitent autour de l'enfant au moment de cette décision qui pose problème, parce qu'"on n'est plus dans le choix individuel" comme celui de la loi de 2002, dit-il.

"On met des balises supplémentaires parce qu’il s’agit de mineurs", réagit Philippe Mahoux. Et le sénateur socialiste d'ajouter : "On discute du mourir et pas de la mort, et de la possibilité de mourir sans que ce qui apparaît comme une fatalité, à savoir la mort dans la souffrance, puisse être contournée".

Au sens de la proposition de loi, l'accord des parents sera toujours nécessaire. Mais pour Jacqueline Herremans, "cela fait peser le poids de cette décision sur leurs épaules". Pour elle, la demande devrait "ne pas rencontrer l'opposition" des parents, ce qu'elle juge plus positif que de demander leur accord.

Enfin Benoît Beuselinck dit disposer de chiffres de la VUB, qui feraient état de 600 cas d’euthanasie non déclarée en Belgique. "Je ne suis pas certain que le contrôle soit bien fait car aucun cas n’a été référé au parquet en 10 ans", dit-il en ajoutant qu'"avant d’étendre l’euthanasie aux enfants, et plus tard peut-être aux déments, il faut repenser le contrôle de la loi".

G. Renier avec O. Maroy

Ce dimanche, les invités d'Olivier Maroy sur le plateau de Mise au Point étaient :

Philippe Mahoux, chef de groupe PS au Sénat ;

Francis Delpérée, chef de groupe CDH au Sénat ;

Jacques Brotchi, sénateur MR et neurochirurgien ;

Zakia Khattabi, sénatrice Ecolo ;

Michel Dupuis, professeur d'éthique biomédicale à l'UCL et président du Comité consultatif de Bioéthique ;

Benoît Beuselinck, oncologue et initiateur de la plateforme Euthanasie STOP ;

Jacqueline Herremans, présidente de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. »

 Réf. Euthanasie aux mineurs: "Un enfant malade a une maturité plus grande"

A l’origine,  l’objet du débat sur l’euthanasie n’a jamais été celui du « droit » à se donner la mort : cette dernière éteint par hypothèse les poursuites contre l’auteur principal (de toute façon irresponsable s’il est mineur). Le problème est celui de la circonstance absolutoire créée pour les co-auteurs et les complices d’un tel suicide assisté.

S’agissant de l’euthanasie des  adultes, c’est soit le principe même, soit le caractère libéral de la loi qui peuvent être contestés. Plus de dix ans après son entrée en vigueur (2002), on ne dispose encore d’aucun rapport fiable sur l’application de celle-ci, ce qui obère tout débat sérieux sur sa révision et, a fortiori, son extension.

Pour les mineurs (comme pour demain, peut-être, les déments) la question débattue porte sur la validité du consentement de la personne à euthanasier. En Belgique, les personnes de moins de 18 ans sont, en effet, réputées irresponsables sur tous les plans : au civil comme au pénal. Pour contourner ces principes, les auteurs de la proposition de loi introduisent un concept d’aptitude au discernement . Ce brevet d’aptitude pourrait être décerné au mineur d’âge consentant par un aréopage de spécialistes dont les critères techniques d’appréciation ne sont pas autrement définis. Rendus ainsi capacitaires pour acquiescer à leur mise à mort, les mineurs devraient-ils en outre obtenir l’accord formel de leurs deux parents ? Voilà qui n’est pas non plus très clair dans l’état actuel des délibérations sénatoriales.

Concluons :

En premier lieu, cette proposition contient, en l’état, les germes d’une atteinte grave au principe même de la liberté humaine.

En second lieu, n’est-ce pas le genre de législation qu’il convient de contester à la racine.

De quoi parle-t-on en effet : d’un droit à se (faire) donner la mort ? Si la vie est, en soi, un bien c’est vers lui que doit être orientée la législation que la société se donne et non l’inverse.

S’agit-il du problème de la souffrance liée à toute condition humaine ? Les spécialistes des soins, notamment palliatifs, nous disent que la question de la douleur est largement maîtrisée, en dehors de tout processus mortifère. Et pour ce qui est de l'humanité envers les personnes, un peu d’amour est sûrement préférable à une compassion létale. Mais de cela, on ne parle guère.

JPSC

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