Le langage du pape, un langage qui remue les consciences (29/11/2013)

Sur la LibreChristian Laporte donne la parole à Eric de Beukelaer au sujet de l'Exhortation apostolique "Evangelium gaudii" :

"Un langage papal qui remue les consciences" :

Eric de Beukelaer a détecté une influence très ignatienne derrière le discours prophétique du Pape.

L’Exhortation apostolique "Evangelium gaudii" du pape François n’est pas une encyclique mais, de l’avis même de son auteur, elle a une "signification programmatique" évidente. Elle suscite en tout cas de très nombreuses réactions. Dans le sérail ecclésial comme en dehors.

Ainsi certains observateurs de l’Eglise vont très loin, à l’instar du vaticaniste américain John L. Allen Jr, qui n’hésite pas à faire une comparaison entre le texte du pape François et le fameux discours de Martin Luther King "I have a dream".

Plus classiquement, on retiendra que l’archevêque de Paris, le cardinal Vingt-Trois retient du texte qu’il s’agit davantage d’"un texte stimulant que d’un catalogue dogmatique" et que c’est dès lors "un instrument de travail".

"Pas de scoop mais une vision"

Le doyen de Liège-Centre, Eric de Beukelaer, qui fut porte-parole de la Conférence épiscopale de Belgique et qui connaît parfaitement l’art de la communication ecclésiale, évoque d’emblée "un langage clair qui remue les consciences". "Il faut préciser, si besoin en était encore, que ce n’est pas une encyclique mais une exhortation, prolongeant au fond le dernier synode des évêques. En même temps, le style faisant l’homme, le pape François renvoie vers les conférences épiscopales, tout en présentant un extraordinaire programme à réaliser autant que possible. On savait déjà, par ses interventions précédentes, ce que voulait entreprendre le Pape, mais ici, il nous livre un document dans lequel il engage toute sa responsabilité et il est d’autant plus important que son texte, qu’il a écrit lui-même, a certainement été relu avec la plus grande attention. Comme ce n’est pas une encyclique officielle, on est d’autant plus séduit par sa grande liberté de ton." Pour l’abbé de Beukelaer "ce n’est donc pas un enseignement mais un élan dans la nouvelle évangélisation, où le Pape nous dit comment transmettre l’amour de Jésus dans le monde actuel".

Anticipant les commentaires, le doyen de Beukelaer admet "qu’il ne nous livre pas de scoop mais une vision très claire de ce que doivent entreprendre les catholiques". Et pour ce faire, "il ne craint pas de se mettre en danger lui-même, au sens noble du terme, en s’interrogeant sur ses propres fonction et mission, mais il y associe les conférences épiscopales en plaidant pour une plus grande collégialité dans l’esprit du concile Vatican II".

"Culture du déchet"

Pour Eric de Beukelaer, le document est aussi très fort par son regard sans concession sur l’évolution économique mondiale. "Il n’a pas de mots assez durs sur la mondialisation du capitalisme sauvage, n’hésitant pas à parler de la culture du déchet. S’il le dit de la sorte, c’est parce qu’il le ressent comme tel au plus profond de son être. Et là se découvre une voix prophétique qui nous met aussi en garde contre ce qu’il définit comme la mondialisation de l’indifférence."

A la remarque un peu amère de certains qui déplorent que le Pape, qu’ils croyaient plus progressiste, ne se soit pas engagé davantage depuis son accession au pontificat sur des questions morales et éthiques, voire sur une ouverture aux femmes, Eric de Beukelaer réplique qu’il faut réellement le lire dans le texte. "Certes, il ne change pas d’un iota sur la position de l’Eglise face à l’avortement, mais il évoque là plutôt la vie à naître. Et s’il reste opposé à l’ordination des femmes au sacerdoce, il ne ferme pas pour autant la porte à certaines réévaluations. Il est de ceux qui estiment que les femmes doivent pouvoir accéder aux cercles de responsabilités les plus élevés."

Sans jouer sur les mots, il est rétif aux révolutions mais pas aux mutations.

"Son autorité prophétique est bien plus que celle d’un exécutant de la règle moralisatrice. Il ne remet pas le fonctionnement de l’Eglise en cause en tant que tel mais, au fond, il est très ignatien, il s’inscrit dans la lignée des Exercices du fondateur de la Compagnie de Jésus, de la sienne donc. Ignace de Loyola était aussi un homme qui se demandait ce qui peut remplir nos existences de joies. Pour le pape François, c’est quand on perd les repères de l’Evangile qu’une certaine forme de tristesse s’installe. Comment ne pas partager son analyse lorsqu’il nous dit que le grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée. Car quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Le Pape ajoute que les croyants courent aussi ce risque, certain et permanent. Beaucoup y succombent et se transforment en personnes vexées, mécontentes, sans vie…"

Le texte intégral est disponible sur www.vatican.va

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