La Croatie n’est pas la Belgique (29/11/2013)

Les électeurs de ce pays très catholique doivent dire dimanche premier décembre s’ils veulent inscrire dans la Constitution une clause définissant le mariage comme une union pour la vie entre un homme et une femme.

L’initiative « Au nom de la famille » a conduit au premier « référendum citoyen » depuis l’indépendance.

La victoire attendue du « oui » manifeste la défiance envers les évolutions en cours dans l’Union européenne.

Dans le quotidien « La Croix » :

« Êtes-vous pour l’introduction, dans la Constitution du pays, d’une clause définissant le mariage comme une union pour la vie entre un homme et une femme ? » C’est pour répondre par référendum à cette question que les Croates sont appelés aux urnes dimanche premier décembre pour le premier référendum citoyen organisé dans le pays depuis son indépendance en 1991. Si le « pour » l’emporte, la Constitution devra être amendée.

« Bien sûr, je vais voter “pour” ! Le mariage concerne un homme et une femme. Toute autre forme d’union doit être appelée autrement », lance Marina, 25 ans. Elle fait partie des 700 000 signataires de la pétition qui réclamait la tenue de ce référendum, alors que 400 000 signatures étaient nécessaires.

« AU NOM DE LA FAMILLE »

Dans ce pays à large majorité catholique, l’initiative « Au nom de la famille », lancée par des laïcs, a reçu le soutien de plusieurs confessions religieuses, dont celui de la très puissante Église catholique. « C’est l’essence même du catholicisme : on ne peut pas à la fois être catholique et contre cette définition du mariage ! », affirme le P. Damir Stojic, salésien, aumônier des étudiants à Zagreb. Pour lui, deux hommes ou deux femmes« peuvent vivre ensemble », « avoir certains droits » sur des questions de propriété ou d’héritage, mais il lui est inconcevable de nommer une telle union « mariage ».

Cette campagne en faveur du « pour » « oublie ou ignore volontairement un niveau de lecture », regrette en revanche un père de famille. « En bon catholique, je suis d’accord avec cette définition du mariage, mais je vais voter “contre”, car je suis contre le fait qu’on l’inscrive dans la Constitution. Elle n’a rien à y faire et cela discrimine les personnes homosexuelles. »

COUPLES MARIÉS

Pour les partisans du « contre », au-delà de la question sémantique, cette question vise surtout à bloquer toute possibilité future de « mariage homosexuel ». Les associations LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), soutenues par des associations de défense des droits de l’homme, ont ainsi mené plusieurs campagnes appelant à voter « contre », à défaut d’avoir su empêcher la tenue du référendum.

« S’il passe, cela créera de facto deux classes de citoyens : ceux qui ont droit au “mariage”, élevé en valeur suprême de la société, et les autres »,détaille Ivan Novosel, membre de YIHR, une initiative de la jeunesse pour les droits de l’homme, et de l’association pour la Gay Pride à Zagreb.« Même si en substance les couples de même sexe obtiennent les mêmes droits que les couples mariés, le futur amendement empêcherait toute égalité formelle. »

CATHOLIQUES CONSERVATEURS

Au cours des dernières semaines, la campagne s’est radicalisée. D’un côté, les « pour » sont largement soutenus par l’Église et les partis de droite. De l’autre, les « contre » le sont par le gouvernement de centre gauche et la plupart des médias. Chacun accuse l’autre camp de manipulations et de mensonges. Les débats sont restés assez superficiels, les attaques ont souvent été personnelles.

« Ces tensions révèlent à quel point la Croatie est divisée. Cela dépasse d’ailleurs largement la question posée », analyse Zoran Kurelic, docteur en sciences politiques. Il y a quelques mois, le gouvernement et des catholiques conservateurs s’étaient déjà affrontés sur le sujet sensible de l’éducation sexuelle dans les écoles. La Cour constitutionnelle avait finalement suspendu le programme en mai, reprochant au gouvernement de ne pas avoir consulté les associations de parents sur son contenu.

FOSSÉ ENTRE « DEUX CROATIE »

L’initiative pour ce référendum, poursuit Zoran Kurelic, doit aussi se comprendre en réaction au contexte européen et mondial – notamment après le débat français sur le « mariage pour tous ». En ce sens, amender la Constitution revient surtout, pour les défenseurs du mariage hétérosexuel, à « poser un garde-fou politique et culturel », à protéger le pays de ce qu’ils « considèrent comme un relativisme moral », incluant une« tendance à la légalisation des mariages homosexuels ».

Associations, partis politiques, laïcs, prêtres… chacun est convaincu que le référendum passera. Restent deux inconnues : le taux de participation, alors que l’abstention électorale est traditionnellement élevée (1). Mais surtout l’importance de l’écart entre les « pour » et les « contre » et donc du fossé entre les deux Croatie.

Référence : La Croatie se prononce sur le mariage

JPSC

 

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