Belgique, euthanasie des mineurs : l'ensauvagement de la mort (11/12/2013)

De Caroline Eliacheff (sur les Matins de France Culture) (texte reproduit ICI) :

L'ensauvagement de la mort

Disons-le tout net : en autorisant l'euthanasie active pour les mineurs, les Belges nous choquent. Cette loi a été adoptée par la commission des Affaires sociales et de la justice du Sénat le 27 novembre dernier avant d'être examinée en séance plénière puis au Parlement.

En 2002, à la suite des Pays Bas, la Belgique avait dépénalisé l'euthanasie active pour les adultes. Depuis, bien que la population approuve cette mesure, deux tendances opposées s'affrontent dans le pays: d'un côté, de virulentes critiques émanent notamment d'Etienne Montero, doyen de la faculté de droit de Namur ou de Carine Brochier, coordinatrice de projets à l'Institut européen de bioéthique de Bruxelles. La principale critique concerne la faiblesse du contrôle de la loi dont le critère central est "le caractère insupportable et inapaisable de la souffrance, physique ou psychique". Or, le contrôle se fait a posteriori et repose sur une déclaration du médecin. En onze ans, aucun médecin n'a été sanctionné d'autant que pour éviter de l'être, il suffit, selon Carine Brochier, de ne pas déclarer l'euthanasie qui n'en augmente pas moins de 25% par an. De l'autre, en dix ans, trente à quarante propositions de loi ont été déposées au Parlement visant à assouplir les conditions de la loi ou à étendre son champ d'application notamment aux mineurs et aux déments.

Le vote concernant les mineurs a été obtenu par consensus en réduisant la portée de la proposition initiale: celle-ci incluait les déments autrement dit les patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Ils n'y figurent plus. La souffrance psychologique du mineur, initialement prise en compte et légalisée pour les adultes, forme de suicide assisté distinct de la fin de vie, a été recalée. En l'état actuel, la loi concerne les mineurs sans indication d'âge, atteints d'une maladie incurable sans précision sur la nature de cette maladie, en phase terminale, et dont les souffrances ne peuvent être soulagées. La capacité de discernement du mineur devra être évaluée par deux médecins et une tierce personne. L'accord des parents sera requis.

Alors que les Belges s'enorgueillissent d'échapper à l'affrontement partisan qui leur paraît être la marque de fabrique des débats français, il n'en existe pas moins de fortes critiques. Le nombre de mineurs concernés serait de dix à douze par an. Faut-il une loi pour ces cas certes tragiques mais exceptionnels au risque de banaliser ce qui ne devrait pas l'être? Les pédiatres belges invoquent je cite "la très grande maturité des enfants en cas de maladie grave et de décès imminent". Ils oublient de dire que cette maturité les pousse aussi à vouloir diminuer la souffrance qu'ils pensent infliger à leurs parents du fait de leur état. Peut-on à la fois considérer les mineurs comme juridiquement incapables et aptes à demander eux-mêmes à mourir tout en ayant besoin de l'accord parental avec lequel ceux-ci devront survivre?

Si l'on considère que la loi a pour but de protéger les plus vulnérables avant les médecins, on peut légitimement douter de son intérêt et avoir du mal à saisir quels intérêts elle satisfait.

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