Ecole : quatre libertés à reconquérir (07/01/2014)

Elles sont énoncées par Lionel Devic, président de la Fondation pour l'école. Bien que formulées dans le contexte français, elles sont tout aussi bien adaptées aux réalités scolaires de notre pays où le fonctionnarisme asservi à l'idéologie étouffe l'enseignement :

Les libertés sont en recul dans notre société, et en particulier à l’école. Chacun le ressent, mais pas question de s’y résoudre ! La première liberté de l’école est… d’être une école, c’est-à-dire un lieu consacré avant tout à l’instruction des enfants.

Ce qui nous semble une lapalissade ne va plus de soi pour ceux qui nous gouvernent : le ministre Peillon affirme ainsi vouloir se servir de l’école pour changer les mentalités, rééduquer les consciences en brisant les stéréotypes culturels, bref instrumentaliser l’école à des fins politiques. Cette dérive de l’institution scolaire n’est bien sûr pas neuve : la transformation en 1932 du ministère de l’«Instruction publique» en celui de l’«Éducation nationale» le prouve. Cette ingérence étatique dans l’éducation des consciences a eu pour conséquence malheureuse une perte d’efficacité de l’école dans sa mission constitutive qui est d’instruire. C’est en chargeant l’école de missions étrangères à sa nature qu’on a enclenché son déclin : depuis qu’elle est priée de casser les mécanismes de reproduction sociale, elle est devenue un accélérateur d’inégalités. Les tests PISA de l’OCDE montrent que la France est le pays où les origines sociales pèsent le plus dans les différences de résultats académiques des enfants, et où les disparités de niveau entre élèves sont les plus fortes. Bref, l’obsession égalitariste de l’école n’a su que conduire au creusement des inégalités sociales par l’école. C’est en instruisant sans faire de politique que l’école redeviendra un outil de justice sociale.

La deuxième liberté fondamentale dans une école est la liberté d’enseigner des professeurs : ces derniers doivent pouvoir choisir leur établissement puis sélectionner eux-mêmes les œuvres qu’ils étudieront et les méthodes qu’ils emploieront, au regard des besoins de leurs élèves.Cela se fera bien sûr dans le cadre fixé par la loi et par la charte éducative de l’établissement, mais ce cadre doit être clair, stable dans le temps, et limité à l’essentiel. Le détail de la progression, le choix des œuvres à étudier doivent relever de la liberté des maîtres. Dès lors que le professeur se pense en exécutant, en petit fonctionnaire docile aux ordres de la dernière circulaire, tremblant à l’idée d’une possible inspection académique, il perd la liberté intérieure et la dignité nécessaires pour fournir un enseignement véritable.La liberté d’enseignement, la liberté pédagogique, la liberté de conscience des professeurs ne sont pas négociables, même dans un établissement public.

La troisième liberté de l’école est la liberté d’entreprise. Que les âmes sensibles qui défaillent lorsqu’elles entendent les mots marché, entreprise, concurrence, efficacité ne tournent pas de l’œil : il ne s’agit pas de cela ici mais simplement de la liberté d’entreprendre, c’est-à-dire de la faculté qui est laissée au directeur d’une école de pouvoir s’organiser librement (en fixant lui-même les moyens éducatifs à mettre en œuvre pour atteindre les fins qu’il s’est fixées) et de recruter une équipe professorale en harmonie avec le projet pédagogique de son école−ce qui n’est le cas aujourd’hui ni dans le public ni dans le sous-contrat pour les titulaires. Comment s’étonner que les établissements scolaires publics actuels,dont le chef ne peut choisir ni ce qu’il fait ni avec qui ni comment, rencontrent de graves difficultés ?

La quatrième liberté de l’école est celle d’alimenter suffisamment l’intelligence des enfants : nous réclamons la liberté pour l’école de pouvoir nourrir l’enfant dans sa recherche de la vérité, dans sa quête de sens. Il ne s’agit pas de l’endoctriner, mais simplement de répondre à sa soif d’absolu, de grandeur, d’exemplarité, de proposer à son admiration de grands hommes et des œuvres géniales. Aujourd’hui, les programmes scolaires imposés condamnent trop souvent nos enfants et leurs professeurs à s’escrimer sur des textes médiocres par leur fond comme par leur forme. Les anti-héros sont préférés aux héros.Tout ce qui pourrait édifier fait horreur. Pourquoi ne leur donner que des anti-modèles ? On voudrait les déprimer que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

Bref, réclamons la liberté de choisir des œuvres touchant à l’universalité de l’homme. Réclamons la liberté pour l’école d’échapper à la montée de l’insignifiance.

Lionel Devic, président de la Fondation pour l’école

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