Les coups de griffe d'un vilain matou (21/01/2014)

Un bien vilain matou sort ses griffes aujourd’hui dans La Libre pour règler ses comptes avec notre archevêque. L’occasion lui en est fournie par la non-désignation du primat de Belgique au cardinalat. Il exploite ce qu’il interprète comme un désaveu de la part de Rome pour s’acharner contre Mgr Léonard avec une hargne qui s’apparente fort peu à la charité évangélique ou même à cet art de la correction fraternelle recommandée par saint Paul.

Notre fin connaisseur des questions vaticanes écarte d’un revers de main les explications avancées par de nombreux observateurs pour expliquer pourquoi on ne verra pas la barrette cardinalice coiffer les titulaires de sièges qui y sont généralement associés (Venise, Lisbonne, Turin... et aussi Malines-Bruxelles) ni de représentants de pays aussi importants que la France ou même les Etats-Unis. Foin de tout cela : Mgr Léonard est mis dans le coin parce que le pape François ne porterait pas dans son cœur ce prélat conservateur tout à la dévotion du pape précédent, le méchant Ratzinger (le « panzerkardinal » avec lequel le nouvel évêque de Rome serait en froid). Pour renforcer sa thèse, notre rigoureux analyste n’hésite pas à mettre en relation d’autres actes qui manifesteraient la volonté de rupture de Jorge Mario Bergoglio tels que les baptêmes qu’il a administrés à deux enfants ne venant pas de couples traditionnels. On sait aujourd’hui que les raisons qui ont conduit le pape à le faire consistaient notamment à encourager une jeune femme célibataire qui a préféré garder son enfant plutôt que de l’avorter, mais Monsieur Mathoux n'y voit que ce qu’il veut bien y voir...

Avant de conclure à un dissentiment entre le pape François et Mgr Léonard sur le plan éthique, il faudrait que notre journaliste-historien de service puisse produire un seul point où il y a divergence avérée, en paroles ou en actes, entre ces deux serviteurs de l’Eglise. Le pape a affirmé à plusieurs reprises son ferme propos de ne pas s’éloigner des positions de ses prédécesseurs, positions dont Mgr Léonard s’est toujours fait l’écho fidèle.

Mais, nous dit ce Monsieur qui se fait à présent théologien, c’est un principe de sexuation qui vicie la vision de l’archevêque de Malines-Bruxelles. En effet, ce prélat serait obnubilé par une vision ecclésiologique posant le Christ en principe masculin, époux de l’Eglise, tandis que celle-ci serait irrémédiablement enfermée dans une posture féminine. Là, notre auteur fait très fort parce qu’il semble tout ignorer de la tradition qui fait que dans l’Ancien Testament déjà, Dieu est présenté comme l’époux et le peuple choisi comme l’épouse (Osée) ; c’est saint Paul, le premier, qui reprend la même figure pour symboliser la relation « conjugale » entre le Christ et l’Eglise (« maris, aimez vos femmes comme le Christ aime l’Eglise ») et toute la tradition patristique s’en fera l’écho. (Une petite recherche sur google?) Il serait intéressant que Monsieur Mathoux analyse les écrits de François, avant et après son accession au Souverain pontificat, pour voir si le pape contredit cette vision on ne peut plus classique du rapport entre le Christ-époux et l’Eglise-épouse. A titre d'exemple, nous renvoyons notre savant polémiste à l'article 104 d'Evangelii Gaudium du pape François où il est affirmé : "le sacerdoce réservé aux hommes, comme signe du Christ Époux qui se livre dans l’Eucharistie, est une question qui ne se discute pas."

Mais le polémiste va plus loin. Il prétend que «  cette conception d’une Eglise "sexuée" constitue un obstacle théorique de poids aux réformes que le pape François entend apporter au fonctionnement de la vieille institution romaine - que ce soit dans l’abandon progressif du célibat obligatoire des prêtres, ou peut-être demain, dans l’ordination de femmes… » Et ici, il triche parce qu’aucun discours du pape ne peut laisser penser qu’il entre dans ses intentions d’abandonner le célibat ecclésiastique ni bien sûr d’ordonner des femmes (les deux questions n’étant d’ailleurs pas du même ordre).

Cette volonté d’instrumentaliser la non-désignation de Mgr Léonard au cardinalat pour en faire le gage d’une volonté de la part du pape de changer l’Eglise dans la direction où Monsieur Mathoux souhaiterait qu’elle évolue nous paraît procéder d’une lecture partisane et malhonnête. Dommage que l'abstention romaine ait donné à de telles gens l'occasion de s'acharner contre un prélat que le monde du politiquement et culturellement correct maltraite sans relâche.

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