L'argument du libre choix, un faux argument (13/02/2014)

Un ami nous fait part de ses réflexions :

Dans les débats éthiques comme celui de l’euthanasie des mineurs, une question/objection revient souvent :  personne ne vous oblige de demander l’euthanasie, alors pourquoi vous ne respectez pas le choix de ceux qui ne pensent pas comme vous ?

Difficile de répondre à une question pareille tant qu’on reste sur le plan des idées :  il ne faut pas s’attendre à ce que ceux qui sont pour la liberté de choix acceptent nos valeurs de respect et de dignité de la vie humaine. 

Par contre, lorsqu’on regarde la réalité, les choses se présentent autrement.  L’argument du libre choix était déjà utilisé lors du débat sur l’avortement.  Or, la réalité est qu’un grand nombre de femmes se font avorter sous pression, parfois même de la part des médecins qui les culpabilisent avec l’idée d’un enfant qui sera handicapé, et donc une charge pour la société. 

Dans le cas de l’euthanasie des adultes, la pression directe est sans doute moins fréquente ; mais il y a aussi moyen de faire sentir à quelqu’un que sa présence n’est plus souhaitée à travers des regards, des gestes, des paroles désobligeantes…  Le comble est qu’en notre pays où on prône le libre choix, on manque tellement de personnel soignant que les patients hospitalisés doivent parfois attendre des heures pour qu’on s’occupe de besoins élémentaires.  Récemment, à trois heures de l’après-midi, une infirmière me confiait qu’elle n’avait pas encore terminé les toilettes du matin… et qu’en est-il des demandes urgentes et imprévues que les patients peuvent manifester à tout moment ?

Ce n’est évidemment pas le personnel soignant qui doit être rendu responsable de telles situations.  Mais pourquoi est-ce que les pouvoirs publics ne consacrent pas davantage de moyens financiers aux soins des malades, alors qu’on dépense annuellement des dizaines de millions d’euros pour la fécondation in vitro ? 

Revenons à l’euthanasie des mineurs.  S’il y a trente-six façons de faire pression sur un adulte malade pour qu’il se fasse euthanasier, ce n’est certes pas plus compliqué pour un enfant.  Dans les débats, on nous répond souvent par les garde-fous que la loi prévoit.  C’était déjà le cas pour l’avortement et pour l’euthanasie des adultes.  La réalité est que dans la plupart des cas, la loi n’est tout simplement pas respectée.  C’est peut-être une des raisons pour lesquelles en Wallonie, le nombre d’euthanasies déclarées est tellement bas par rapport à la Flandre.  Pourquoi d’ailleurs un médecin passerait-il  tant de temps avec des paperasses alors qu’il est déjà surchargé ?  Et plus de vingt ans après la dépénalisation partielle de l’avortement, quel médecin connaît encore toutes les conditions qui doivent être réunies pour qu’en Belgique, l’avortement soit réellement dépénalisé ?

On pourrait citer de nombreux autres exemples, analyses et cas concrets pour arriver toujours à la même conclusion :  la réalité montre bien que l’argument du libre choix est un faux argument. 

Pour finir, une anecdote.  En 1996, j’assistais à une conférence de Roger Lallemand sur l’euthanasie.  Il disait dans son exposé qu’une personne en grande souffrance n’était pas totalement libre.  A la question de savoir comment on peut alors parler de libre choix dans le cas de l’euthanasie, le spécialiste en bioéthique du PS n’avait pas de réponse…

La culture de la mort est comme un salami :  personne n’a envie de l’avaler en entier.  Mais quand on le coupe en tranches pour le glisser dans un sandwich, la majorité de nos concitoyens le mangent sans s’en rendre compte.

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