Benoît Mariage ou quand un cinéaste va à la messe... (18/03/2014)

Des Echos Sainte-Julienne (Salzinnes) - Dimanche n°2, mars-avril 2014 (version papier)

Benoît Mariage, un cinéaste à la messe

En pleine campagne promotionnelle de son film Les rayures du zèbre, Benoît Mariage évoque l'origine de son retour à la foi.

Benoît Mariage, vous allez à la messe ?

Benoît Mariage. Ça fait très longtemps que je n'y allais plus surtout. Plus de trente ans ! Pourtant, j'ai eu une éducation chrétienne, j'ai été enfant de chœur à la paroisse de Jambes Montagne, puis à l'adolescence, j'ai quitté l'église pour y retourner à cinquante ans...

Qu'est-ce qui s'est passé ?

En fait, j'ai très souvent ressenti une entrave profonde au bonheur, comme des blessures, des freins qui m'empêchaient d'être pleinement présent et d'avoir une vraie joie. Et je me suis dit : comment guérir de ces blessures ? Longtemps, j'ai consulté et ai été voir des thérapeutes. J'ai fait tout un travail psychologique où j'ai nommé les choses pour aller vers la vérité de mon histoire. Souvent, je me suis dit : «J'ai un cœur de pierre et qui va me guérir de ce cœur de pierre ?» Et je me suis tout doucement rapproché, par des lectures et des rencontres du spirituel, comme outil de guérison. Pour sauver, en quelque sorte ma peau... Aujourd'hui, très modestement, je prie et... je vais à la messe, malgré une vraie réticence de départ liée à un fort penchant à l'autonomie et l'individualité. Un ami m'a dit un jour : «Attends, être chrétien, ce n'est pas être seul dans son coin». Titillé par ces propos, je suis allé une première fois à la messe, et puis si j'y retourne aujourd'hui, c'est parce que l'office dégage beauté et profondeur. J'aime tout particulièrement la chorale, je suis sensible à la sensualité de cette messe...

Cet éveil à la spiritualité, comment c'est arrivé ?

J'avais plus de quarante ans. Comme je l'ai dit, ma vie était entravée. Ma grande sœur Joëlle, très croyante et très intuitive m'a tendu un bouquin de Simone Pacot (L'évangélisation des profondeurs). Simone Pacot fait le pont entre la psychologie et la spiritualité et ça m'a très fort interpellé. À l'aide de ces lectures, je pressentais que la guérison de ces blessures devait passer par le spirituel. Je suis entré en résonnance avec ces livres -d'une grande puissance (dont le magnifique Ouvre la porte à l'Esprit) et de là je suis parti dans une recherche personnelle empreinte de recueillement. J'ai trouvé réconfort dans le silence.

Et puis, à 50 ans, j'ai fait une retraite, une sorte d'Agape au Puy-en-Velay. Cette retraite constituait en une relecture de sa propre vie sous le regard de Dieu. Je me suis senti un peu imposteur, avec ma foi balbutiante et toute fraîche dans cette expérience... Pourtant, j'ai senti après coup que, dans la prière, je pouvais ouvrir mon cœur. Je pense que Dieu nous touche là où on est le plus blessé et que s'accepter comme impotent, c'est peut être ça, le début de la guérison ! J'avais tellement mis d'énergie à vouloir retirer de moi ces fragilités qui me handicapaient que j'en avais refusé de m'aimer comme j'étais !

Comme j'avais été bien ingrat avec mes infirmités ! Ce sont elles pourtant qui m'ont donné ce talent de cinéaste. J'aime mettre en scène des loosers et des «crétins» parce qu'au fond, ils me ressemblent tellement. Et trouver leurs failles n'est pas un problème pour moi.

Dieu est devenu quelqu'un pour vous ?

Pour moi, c'est très compliqué d'en parler, tellement c'est fragile : on est en communion, on prie, une chaleur vient de l'intérieur, dépasse l'intellect, me réchauffe... Je m'en fais pour des tas de choses, mais à ce moment-là, ce n'est plus grave, tout s'éclaire et s'apaise. Ces moments viennent et partent. Quand c'est parti, il y a de la nostalgie. J'aimerais qu'ils reviennent. Et ça revient parfois. Quand je suis en paix. «Sans Dieu, l'homme ne peut rien faire»,  cette maxime, avant, c'est quelque chose qui me paraissait totalement idiot. Pendant de longues années, j'ai d'ailleurs essayé de faire tout de mes propres forces et, un jour, je me suis aperçu que je n'y arriverais pas. Et si c'était ça, le drame de la condition humaine, vivre sans Dieu... J'y réfléchis de plus en plus... Chercher à être aimé m'a fait perdre beaucoup d'énergie dans mes relations et dans ma vie. Et là, où je pensais donner de l'amour, je cherchais juste de la reconnaissance. Pour ceux qui se sentent aimés de Dieu, ça les dispense d'une telle débauche d'énergie...

Il manque une chaleur au monde aujourd'hui ?

Bien sûr. C'est terrible et je ne m'exclus en rien de ce manque d'amour. Le voyage le plus compliqué pour moi, c'est celui de la tête au cœur. L'homme a marché sur la Lune, mais il franchit rarement la plus courte distance qui est la plus difficile : celle qui le sépare de lui-même...

Se laisser aimer par Dieu, c'est le chemin

Effectivement, on n'a juste que ça à faire ! J'en suis convaincu intellectuellement en tout cas, dans la pratique pour moi, c'est plus compliqué ! J'en suis loin, parce que quand j'en parle avec ma compagne, elle me dit parfois : «M'enfin, chrétien de mes deux, quoi». Je lui dis : «Mais attends, ce n'est pas parce que je vais à la messe que je suis irréprochable et infaillible, que au contraire...» Parfois dans le monde chrétien, il y a quelque chose qui m'ennuie, de l'ordre du consensus mou, ce côté...

… «gentillet» ?

Oui, un ronron, une sorte de conformisme rassurant. Mais c'est un préjugé qui vient de mon milieu. Où il est moins honteux de rentrer dans un peep-show que dans une église !

Vous êtes rentré dans une église. Pourtant, les églises se vident ?

Oui, mais pas à Salzinnes... Ce que j'aime chez le père Cédric (prêtre à la paroisse de Salzinnes), c'est qu'il mouille le maillot, qu'il va auprès des jeunes et descend dans la rue. Non, c'est vraiment triste la perte de spiritualité. On parle de bien-être, prendre soin de soi, mais il n'y a rien de très chevaleresque. La vraie spiritualité - Dieu -, c'est la rencontre. La parole m'intéresse et m'interpelle quand elle est habitée ; alors, ça me touche en profondeur. Et c'est ça qui fait que je reviens chaque dimanche...

Propos recueillis par Pascaline David

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