Irak : au Nord de Bagdad, les chrétiens ne seraient pas inquiétés (23/06/2014)

Selon EEChO :

Les chrétiens ne sont pas inquiétés du tout au nord de Bagdad 

À propos de l’Irak, la désinformation est coutumière, alors qu’il suffit de téléphoner à des amis qui sont présents là-bas pour savoir ce qui se passe (le téléphone n’a été coupé qu’un jour).

Dans la période d’incertitude qui a suivi le départ des troupes de l’armée « irakienne » de Mossoul – ces troupes, ainsi que l’administration que les Américains avaient mis en place depuis 11 ans, étaient chiites –, 300 familles chrétiennes sont allées chercher refuge à Qarakosh ; près de vingt familles sont restées sur place et n’ont aucunement été inquiétées. Au reste, la vie normale a repris dès le lendemain du départ des chiites.

 Une « invasion » très curieuse

En réalité, il n’y a pas eu « d’invasion » jihadiste, mais une insurrection de la population sunnite, encadrée par des anciens cadres du parti Bath, et à laquelle ont donné un coup de main des jihadistes payés par l’Arabie Saoudite et venus de Syrie où ils commettent des atrocités contre la population syrienne depuis trois ans. En tant que mercenaires internationaux (islamistes), ils font ce que les payeurs leur demandent. En Irak, ils ont été employés pour terrifier les soldats chiites, qui ont vite quitté la région de Mossoul. Quant au projet d’Etat islamique du Levant – qui engloberait une partie de la Syrie et de l’Irak –, il relève surtout de la propagande d’un petit groupe terroriste employé en Syrie (Daech ou EIIL en français), mais il a été habilement mis en avant par des médias américains. Car, sur le terrain, à Mossoul, le nouveau gouverneur est celui qui était en place en 2003. C’est dire s’il n’a rien d’islamiste !

En fait, le véritable chef de l’insurrection semble être celui dont les Américains avaient annoncé sa mort en 2003 puis son arrestation en 2010 (il leur a échappé durant 11 ans). Ce serait le général ‘Izzat Ibrahim al Dûri, ancien vice-président de Saddam Hussein, qui est plutôt un homme effacé. Des chrétiens l’auraient rencontré. Il y a un an, il donnait une interview au journal égyptien al-Goumhouriya où il expliquait les buts de l’insurrection qui vient de réussir :

“1- La reconnaissance de la Résistance patriotique, nationaliste et islamique et toutes les forces qui rejettent l'Occupation et les masses du peuple comme représentant unique de l'Iraq et de son peuple. Le rejet de l'occupation et l'engagement de payer des compensations pour toutes les pertes et dommages physiques et morales subis par les iraqiens 

2 - L'arrêt immédiat des raids et poursuites. 

3 – La libération de tous les détenus.

4 – Le retour de l'armée et des forces armées selon leurs régimes d'avant l'occupation”

Et il ajoutait : “C’est la raison pour laquelle nous n'attendions aucune négociation puisqu’ils [le gouvernement mis en place et les Occidentaux] ont continué leurs crimes au point que le nombre des martyrs iraqiens a atteint les deux millions dont 150 000 sont des martyrs du Parti [Bath, que les Américains puis le gouvernement chiite ont pourchassé].”

Ces propos peu diplomatiques – ‘Izzat Ibrahim n’est pas un politicien – nous rappellent ce que nos médias ont passé sous silence : les crimes de l’occupation occidentale de l’Irak, qui est allée jusqu’à favoriser le terrorisme. Exemple : la police irakienne a arrêté deux officiers britanniques en civil, convoyant des armes et des munitions ; pour les libérer, les britanniques attaquèrent avec des tanks et des hélicoptères le poste de police où ils étaient détenus. Plus tard, l’officier (britannique) chargé de l’enquête interne fut retrouvé suicidé. On se poserait des questions pour moins.

Le jeudi 19 mai, ‘Izzat Ibrahim aurait donné une interview sur le web. L’édition du même 19 juin du quotidien libanais L’Orient le jour donnait cette photo (en face) montrant des volontaires sunnites rejoignant l’insurrection. Manifestement, on ne peut pas les qualifier de « jihadistes ».

En tout cas, il n’y a aucune pression sur les chrétiens. Ils sont libres d’aller et de venir de ou vers le nord (le Kurdistan). Beaucoup de ceux qui ont fui pensent revenir à Mossoul… sauf qu’ils craignent maintenant les bombes américaines.

 Un gouvernement islamiste corrompu

En fait, le gouvernement chiite n’a jamais protégé les chrétiens des enlèvements et des assassinats, leurs agresseurs pouvant escompter l’absence de poursuites ; et il a été incapable de faire régner l’ordre dans le pays : en 2013 en moyenne, 26 personnes ont été tuées chaque jour. De plus, en mars dernier, ce gouvernement corrompu a présenté un projet de loi abaissant l’âge légal pour le mariage des filles à 9 ans! Le projet prévoyait même une clause d’autoriser les filles à divorcer dès l’âge de neuf ans, ce qui suppose la possibilité de se marier plus jeune encore !

Dans la situation actuelle, le pire serait que les Américains interviennent militairement, comme l’ont souligné des Evêques et diverses personnalités. On aurait alors le paradoxe d’un vaste soutien militaire d’une part aux jihadistes sunnites en Syrie (voir également ici), et d’autre part aux gouvernement chiite de Bagdad. Cependant, si le but est de créer le chaos (en vertu de la doctrine du « chaos contrôlé »), c’est probablement cette option machiavélique d’intervention des deux côtés, que les USA suivront. Telle est assurément la raison pour laquelle les médias diabolisent actuellement les sunnites d’Irak. Habilement, Obama cherche à impliquer les Iraniens – ce serait l’objet de « négociations » avec eux. Certains groupes iraniens parmi les chiites les plus fanatiques seraient déjà impliqués en Irak. Ce qui se retournera ensuite contre l’Iran. Le piège est gros.

La paix au Moyen-Orient ne semble donc pas à l’ordre du jour des grands décideurs. Prions cependant que les aspirations des gens à vivre en paix les uns avec les autres, comme cela a été le cas longtemps, puissent se réaliser. Les chrétiens auront toujours un rôle important à jouer en cela, de sorte que reste en sommeil la haine que se vouent mutuellement les courants sunnite et chiite depuis les débuts, chacun accusant l’autre d’avoir trahi « l’Islam ». Mais, sans paix et sans sécurité, les chrétiens ne sauront plus où aller. L’idée d’une région autonome chrétienne a peut-être du sens, ou peut-être pas – en tout cas, elle serait mieux gérée que le reste du pays. Il faudrait que, comme en Egypte, des responsables politiques chrétiens puissent apparaître ; mais le nombre de chrétiens, petit par rapport à l’Egypte, le permet-il ?

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