16e dimanche du temps ordinaire : des images pour croire (23/07/2023)

Du Père Raphaël Devillers o.p. (source) :

DES IMAGES POUR CROIRE

Le grand discours de Jésus sur les paraboles se situe au centre de l’évangile de Matthieu : en 7 images, Jésus essaie de faire comprendre ce qu’est le « Royaume de Dieu » que son Père lui a donné mission d’inaugurer sur terre. Loin d’être une transfiguration immédiate du monde (ce qui ferait de nous des sujets irresponsables), ce Royaume commence par l’annonce de la Bonne Nouvelle à des hommes qui doivent se prononcer, s’engager comme des acteurs libres.
Dans la 1ère parabole, lue dimanche passé, Jésus s’est comparé à un semeur qui lance la Parole de Dieu : celle-ci est reçue diversement, il y a beaucoup d’échecs mais la réussite finale est assurée.

2ème PARABOLE : L’IVRAIE

Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : “Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?” Il leur dit : “C’est un ennemi qui a fait cela.” Les serviteurs lui disent : “Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?” Il répond : “Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.” »

Si le Royaume a commencé, pourquoi y a-t-il tant de mal ? C’est qu’il y a un autre semeur, satan, le diable qui, dès le début, au désert, lançait à Jésus des suggestions perverses pour le faire dévier (4, 3-11). Si Jésus n’a pas cédé, il en va autrement de nous qui laissons le mal étendre ses ramifications telle l’ivraie, la mauvaise herbe, « la zizanie », dans le champ du bon blé.
La tentation est de vouloir éradiquer ce mal au plus vite, de vouloir un monde parfait où ne subsistent que les bons. Les grands conquérants veulent imposer leur modèle ; les idéologies veulent exterminer ceux qui ne sont pas « dans la ligne du Parti » ; il est arrivé à l’Eglise de vouloir être la communauté des « purs » et de faire taire ceux qu’on estimait mauvais. Déjà les deux apôtres Jacques et Jean, furieux d’être refusés dans un village, demandaient à Jésus de la consumer par le feu mais Jésus les avait vertement réprimandés (Luc 9, 53). Un philosophe parlait de « la pureté dangereuse ».
La parabole est donc une exhortation à la patience et un interdit de la condamnation. D’abord parce que nous n’avons pas tous les éléments pour juger et que nous pouvons faire de fausses estimations ; ensuite parce que les hommes ne sont pas des végétaux fixés dans leur espèce et que certains, mauvais, peuvent un jour se convertir et devenir bons ; ensuite parce que le bien peut se développer dans son affrontement au mal, la présence d’un défaut peut faire grandir en sainteté : enfin parce nous devons laisser le jugement à Celui-là seul qui peut l’exercer en vérité. Soyons patients, supportons, ne condamnons pas tout en maintenant l’espérance que la Lumière l’emportera. Seul Dieu peut réaliser la Jérusalem céleste.

3ème PARABOLE : LA GRAIN DE MOUTARDE

Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » 

Combien souvent Jésus et les siens ont dû être l’objet de dérision et de sarcasmes ! Qui est ce farfelu qui se croit messie ? Voyez-moi cette troupe de dépenaillés, ces imbéciles naïfs qui se laissent berner par un illuminé !  La condamnation et la croix n’étaient-elles pas la preuve de la supercherie ?
Et cependant en quelques siècles et en dépit de toutes les tentatives violentes pour l’arrêter, la foi en ce Jésus s’est répandue dans le monde entier. Les petites graines des béatitudes et des paraboles se sont développées ; la croix du Golgotha est devenue l’Arbre de Vie pour l’humanité ; des hommes et femmes de toutes les nations se réunissent dans des centaines de millions d’assemblées chrétiennes.
Dans une société de spectacle où l’on cherche à épater la galerie par des productions gigantesques où le culte des idoles déploie son faste fascinant, il n’est plus de mise de croire aux petites choses. La parabole nous apprend le respect de la fragilité, l’avenir des débuts modestes. Un temps de prière, une réunion paroissiale, une eucharistie, un petit geste d’entraide, un acte de solidarité : là est l’avenir du monde. A condition d’y investir nos cœurs et de les vivre dans une espérance sans mesure – comme Jésus.

4ème PARABOLE : LE LEVAIN

Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » 

Il est possible qu’un certain nombre de chrétiens amènent à penser que la foi chrétienne se ramène à la pratique de quelques cérémonies, à un savoir-vivre paisible et à la croyance en une vie près la mort. S’il en est ainsi, on peut taxer l’Evangile d’aliénation, piété inefficace dans les marges de la vie sociale.
Si l’Eglise n’a pas fonction de diriger la société, il faut affirmer que la foi a un impact social. Jésus n’était pas un ermite demandant à ses adeptes à le rejoindre à Qumran ou ailleurs dan le désert et son Evangile n’est pas un guide ésotérique pour fervents de mystique.
C’est bien dans les réalités fondamentales du couple, de la famille, de l’école, de l’entreprise, de l’Etat, de l’Europe, de la planète, de l’écologie que l’Evangile doit s’incarner afin d’y insérer sa force d’élévation.
Comment nier que le message du Décalogue et du Sermon sur la Montagne a promu la dignité de toute personne humaine, le souci des plus faibles, le devoir de justice et de solidarité, le respect de l’environnement  - même s’il faut avouer que la religion a pu dériver en un « opium du peuple » ?
Cette 4ème parabole, dans sa brièveté, nous appelle à une foi engagée au cœur des problèmes du monde. En parlant d’un peu de levain (quelques grammes) dans 3 mesures de farine (= 40 litres – de quoi assurer un repas de 100 personnes !), Jésus nous donne confiance : quels que soient le gigantisme des problèmes et la lourdeur des résistances, le Royaume a force d’élever l’humanité.

RAISON DES PARABOLES


Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète : « J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde ».

Un certain Asaph avait commencé le psaume 78 en annonçant qu’il allait reparcourir l’histoire passée d’Israël (exode, marche dans le désert, la manne, etc.…) afin d’y montrer l’immense bonté du Seigneur à l’endroit d’un peuple qui lui avait été si souvent infidèle. Matthieu cite ce verset dans sa traduction grecque qui remonte jusqu’à la création du monde ce qui fait de Jésus l’unique révélateur du Projet de Dieu. 
Les paraboles sont donc la manière de faire connaître le Dessein éternel de Dieu qui veut sauver toute l’humanité et elles conduisent à discerner la Gloire de Jésus seul capable de tracer le sens de l’histoire des hommes en marche vers Dieu.

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