Familles : commencer par bien se préparer au mariage (09/03/2015)

De Mgr Léonard dans les Pastoralia du diocèse de Malines-Bruxelles (mars 2015), pp 3-6.

De l’importance de la préparation au mariage

LE BEAU ET REDOUTABLE PARI DU MARIAGE CHRÉTIEN

A notre époque de « libération » sexuelle, trop de gens s'engagent dans les liens du mariage civil et religieux sans la préparation suffisante. Quand, par exemple. on a déjà couru plusieurs aventures amoureuses et sexuelles sans engagement irréversible de la personne, il n'y a guère de raison de penser que l'aventure suivante sera plus solide que les précédentes simplement parce qu'on l'accompagne d'un cérémonial public. A moins, bien sûr, qu'une préparation suffisante ait amené à aborder la splendide aventure de l'amour humain avec un cœur nouveau.

Le mariage chrétien, en particulier, demande une réflexion et une maturation considérables avant de s'y engager valablement. Il ne s'agit pas seulement de se marier «à l'église» avec une belle cérémonie permettant de jolies photos, ce qui est, certes, très sympathique et appréciable. Il s'agit surtout de se marier « dans le Seigneur », comme dit saint Paul. Ce n'est pas une mince aventure! L'homme et la femme qui se marient « dans le Seigneur » font librement le pari de s'aimer d'un amour qui ressemble à l'amour qui unit le Christ et son Église, Dieu et l'humanité. Il faut bien voir qu'il s'agit d'un pari démesuré. Il n'est plus question de s'aimer à la mesure des capacités et des limites de deux cœurs humains, mais à la mesure du cœur de Jésus lui-même : « Aimez-vous les uns les autres comme moi je vous ai aimés ». Certes, il n'y a rien de plus beau que de confier ainsi la fragilité de nos amours humaines à la solidité sans faille de l'amour du Christ. Mais, en même temps, quelle redoutable exigence! Celle de dire à son conjoint : « Je veux t'aimer dans le Seigneur et à sa manière »! C'est ici que s'enracine l'indissolubilité du mariage chrétien, sans oublier son fondement naturel dans la dignité de la personne humaine créée à l'image de Dieu.

Le Seigneur, en effet, ne nous aime pas pour un temps et sous condition. Même si nous le trahissons, il continuera à nous aimer fidèlement. Il ne se reprendra jamais. Ceux qui se marient dans le Seigneur, s'ils savent ce qu'ils font, prennent le même engagement : « Je me lie à toi sans retour, pour le meilleur et pour le pire; même si, par malheur, tu devais perdre ta santé ou ta beauté, voire même me trahir, je ne t'abandonnerai jamais ». Avant de s'engager de cette manière, il vaut mieux prendre le temps de s'examiner chacun, de réfléchir ensemble et de discuter le coup à l'aise.

À propos d'engagements d'un tel prix, jésus a raconté une petite parabole bien instructive : « Qui de vous, dit-il, s'il Veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout? De peur que, s'il pose les fondations et se trouve ensuite incapable d'achever, tous ceux qui le verront ne se mettent à se moquer de lui, en disant : 'Voilà un homme qui a commencé de bâtir et a été incapable d'achever!'» (Le 14, 28-30).

NE PAS S'ENGAGER PRÉCIPITAMMENT DANS LE MARIAGE CHRETIEN

Un des problèmes pastoraux les plus douloureux que rencontrent -mes confrères prêtres en paroisse, c'est celui de la disproportion entre la demande de sacrements ou de cérémonies religieuses et la motivation spirituelle parfois très pauvre qui l'inspire. On demande le baptême d'un enfant, la première communion, la profession de foi, la confirmation, le mariage à l'église, et c'est très bien, mais avec quelle motivation, avec quel engagement authentique de la liberté? Combien de fois n'a-t-on pas l'impression qu'il s'agit, pour une part, de s'offrir une fête et un rite social ? Ce qui, en soi, je le répète, n'est certes pas négatif!

Bien sûr, l'Église ne réserve pas ses trésors aux seuls militants convaincus. Elle sait bien que, derrière des motivations apparemment superficielles et peu engageantes, couvent malgré tout une certaine ouverture au sens sacré des grandes étapes de la vie et un réel désir de Dieu. C'est pourquoi, au lieu de rejeter ces demandes imparfaitement motivées, elle préfère les accueillir avec discernement, en posant quelques exigences minimales afin de les faire évoluer vers une démarche de foi plus authentique. Mais c'est au prix de gros efforts, de quelques très belles joies et de nombreuses déceptions.

En ce qui concerne le mariage, en particulier, combien de fois ne vient-on pas trouver le curé — je caricature à peine ­en lui disant : « Monsieur le Curé, nous avons réservé la salle du banquet pour dans deux mois ; pourriez-vous faire vite les formalités nécessaires à notre mariage?» Et si le curé répond qu'il faudrait un temps de préparation, qu'il conviendrait de participer à une session de fiancés, c'est tout juste si on ne le regarde pas aussitôt de travers : « Que nous veut cet empêcheur de se marier en rond ?» -

Étrange conception des choses! La plupart des chrétiens considèrent comme normal qu'il faille deux ans de noviciat avant de s'engager dans la vie religieuse, six ou sept ans de séminaire avant d'être ordonné prêtre. Mais, pour se marier dans le Seigneur, cela pourrait s'improviser en quelques semaines! Certes, la vocation au mariage est, très normalement, plus évidente que la vocation au célibat et il ne viendrait pas à l'esprit d'exiger des fiancés six ans de fiançailles avant de pouvoir se marier à l'église... Mais quand même il y a un minimum de préparation auquel nul ne devrait se soustraire.

Sans cette préparation minimale, le risque est grand que l'on s'engage dans un mariage sacramentel prématuré, où il y aura juste ce qu'il faut pour que le mariage soit valide, mais où manquera la motivation spirituelle indispensable pour un lien durable. Et ce sera le dérapage au premier tournant...

S'APPROCHER DU MARIAGE RELIGIEUX PAR ETAPES?

Dans bien des cas, voyant l'impréparation de nombreux couples, les pasteurs aimeraient pouvoir les dissuader de contracter d'emblée un mariage sacramentel. Entreprise délicate s'il en est, car on ne peut méconnaître le droit des baptisés à conclure leur union conjugale devant Dieu et l'Église. Dans certains cas, on pourra éventuellement recommander de surseoir à la conclusion du mariage religieux. Peut-être pourra-t-on un jour en venir à ce qui existe dans d'autres cultures ou en revenir à ce que représentaient jadis les fiançailles, à savoir un engagement déjà religieux, mais qui n'est pas encore le mariage sacramentel définitif. Il ne s'agirait pas d'une étape dans le mariage religieux, car-celui-ci est ou n'est pas, sans qu'il puisse être question d'une progression par étapes, mais plutôt d'une étape vers le mariage sacramentel. Mais même cette pratique nuancée ne serait pas sans poser de redoutables questions pastorales. Suivant quels critères non discriminatoires accepterait-on les uns, immédiatement, au mariage sacramentel et les autres seulement à une étape préalable devant y préparer?

De plus, l’Eglise, tenant avec raison que le seul mariage acceptable pour des baptisés est le mariage sacramentel, les pasteurs, en décourageant un mariage religieux prématuré, sembleraient encourager en bien des cas le concubinage, compte tenu de l'habitude quasi générale aujourd'hui de vivre ensemble avant le mariage. Or l'intention de l'Église, en pareille hypothèse, ne serait évidemment pas d'encourager le concubinage ou le mariage à l'essai! Au contraire, l'Eglise demeure convaincue que des baptisés ne devraient se donner complètement l'un à l'autre, dans leur cœur et dans leur corps, que lorsque le Seigneur lui-même, qui est au centre de leur amour, les a donnés l'un à l'autre dans le sacrement de mariage. Et la voix de l'Église commence à être à nouveau entendue en ce domaine puisque, de par le monde, des dizaines de milliers de jeunes prennent, devant le Seigneur, l'engagement de ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage. Comme quoi un renouveau des mœurs est toujours possible!

Qu'il soit donc bien clair qu'en proposant, à l'occasion, une pastorale de dissuasion à l'égard d'un mariage religieux précipité, l'Église n'entend en aucune manière encourager la cohabitation sans mariage. Celle-ci demeure, en soi, un « mal » ou un « manque » par comparaison avec le « bien » qui devrait être normalement présent, surtout pour des baptisés. Il s'agit simplement d'éviter la conclusion prématurée de mariages sacramentels qui n'ont guère de chance de tenir — ce qui est un mal plus grand encore. Car c'est bien là le caractère dramatique de nombre de situations on réclame, parfois avec insistance, le mariage à l'église, on fait juste ce qu'il faut pour que le mariage soit juridiquement valide, mais sans la préparation humaine et spirituelle vraiment suffisante, et ensuite on se retrouve, si les choses tournent mal, avec les conséquences à long terme d'un mariage indissoluble... Que de malheurs on se serait épargnés en prenant le temps de mûrir son engagement !

UN GRAND MERCI AUX MOUVEMENTS DE PRÉPARATION AU MARIAGE

En attendant, que soient vivement remerciés tous ceux, prêtres, diacres, couples, conseillers conjugaux, psychologues, médecins, juristes et canonistes, qui aident des jeunes à se préparer valablement au mariage en toutes ses dimensions. Je dis «routes», car il ne peut s'agir uniquement d'une information technique, médicale et juridique. La dimension proprement spirituelle et sacramentelle du mariage doit être abordée en profondeur. On ne devrait pas non plus y omettre une information de qualité sur les méthodes natu­1:elles de régulation des naissances — aujourd'hui parfaitement fiables quand il s'agit des meilleures — approuvées par l'Église de préférence à la contraception, Elles représentent un trésor d'épanouissement encore largement méconnu en raison de préjugés tenaces. Loin d'être rétrograde comme on l'entend souvent dire, la voix de l'Église est particulièrement prophétique en cette matière. Le récent Synode l'a souligné avec bonheur en son § 58. D'ailleurs, de plus en plus de couples s'y intéressent, notamment pour des raisons d'écologie humaine, afin d'éviter à la femme une tutelle pharmaceutique durant de nombreuses années.

La tâche pastorale de la préparation au mariage n'est pas aisée, car beaucoup de couples se montrent, à tort, réticents à ce genre de préparation ou n'y viennent qu'avec des pieds de plomb. Mais, heureux paradoxe, une fois qu'ils sont venus, ils s'en trouvent généralement très contents et forment le vœu que chacun puisse bénéficier d'une telle introduction à la célébration du mariage

Un merci particulier, dès lors, aux mouvements de préparation au mariage, dans la mesure, bien sûr, où ils s'efforcent effectivement de proposer aux couples une telle initiation à toutes les dimensions du mariage chrétien en pleine conformité avec l'enseignement du Seigneur et de son Église.

+ André Joseph,

Archevêque de Malines-Bruxelles

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