"Je suis la vigne et vous êtes les sarments" (5e dimanche de Pâques) (29/04/2018)

Homélie de Frère Pierre-Marie (fraternité de Jérusalem) 5e semaine de Pâques – B

Notre vigne et Sa vigne

Je suis la vraie vigne (Jn 15,1).
Si nous attachons réellement foi aux paroles du Christ,
deux affirmations de Jésus doivent, pour le moins, attirer notre attention,
dans les propos que nous venons d'entendre (15,1-8).
La première où Jésus nous dit, de façon aussi claire que tranchée :
Sans moi vous ne pouvez rien faire (15,5c).
Quelle déclaration !
La seconde où il affirme : Qui demeure en moi
et moi en lui, porte beaucoup de fruit (15,5b).
Quelle promesse !

À moins d'être totalement blasés ou endormis,
de telles paroles, si nous sommes chrétiens,
ne peuvent nous laisser indifférents.
S'il est vrai que, sans lui, nous ne pouvons rien faire,
pouvons-nous risquer de passer notre vie à ne rien faire qui tienne ?
Et, s'il est vrai, qu'avec lui nous pouvons porter beaucoup de fruit,
comment ne pas chercher à tout prix à demeurer en lui ?

Je suis la vigne et vous êtes les sarments (15,5a) !
Mais pourquoi et comment Jésus est-il la vraie vigne ?
Et pourquoi et comment sommes-nous les sarments de sa vigne ?

Jésus est la vraie vigne parce qu'il est tout d'abord
celui qui répond pleinement à la confiance
que Dieu avait mise en son peuple biblique, depuis si longtemps.
Que pouvais-je faire pour ma vigne que je n’aie fait ?
J’en espérais du bon vin
et elle m’a donné du verjus (Is 5,5).
Alors, après tant d'infidélités improductives et de refus stériles,
après tant de prophètes rejetés, d'idolâtries, de grâces gaspillées, de meurtres,
Jésus est descendu, s'est planté en terre et a dit :
Moi, je suis la vraie vigne (15,1 ; Mt 21,33-45).
Étant par excellence le juste et le saint, il l'est en vérité !

Cette vigne est vraie, ensuite,
en ce que Jésus ne représente pas seulement un plant de qualité,
mais qu'il est en quelque sorte La vigne par excellence.
La vigne unique et universelle
parce qu'il est le Véritable , comme l’écrit saint Jean,
le Christ qui est tout en tous (Col 3,11).
Selon l’admirable parole de saint Augustin,
c’est «le Christ total», le Vivant collectif
qui vise à rassembler toute l’humanité régénérée en lui.
Il est dès lors impossible de le supplanter.
Moïse, Confucius, Bouddha, Mahomet et d'autres
ont pu être des guides, des sages, des prophètes, des saints...
Mais ils sont morts et ils n'ont jamais voulu ni prétendu
être la source de nos vies !
Le Christ, lui, est ce vivant-vivifiant
qui nous redit encore : Je suis la Vigne !
Depuis son entrée dans le monde, il est littéralement la sève de nos vies (Jn 1,4).

Jésus est également la vraie vigne
parce qu'il est le Fils, le Fils unique,
par qui et en qui le Père fait de nous des enfants adoptifs (Rm 8,15).
De vrais concitoyens de la maison de Dieu (Ep 2,20),
formant ce que l'Écriture appelle justement la vigne du Seigneur.
Et le divin vigneron veut la cultiver jusqu'aux confins de la terre.

Plus profondément encore, le Christ est devenu
cette grappe broyée au pressoir de la croix,
comme le disent les mystiques,
qui a donné, pour la multitude, une boisson de vie éternelle (Mt 26,28 ; Jn 6,53-56).
Chaque jour d'ici-bas, le vin de sa vigne
devient le sang de l'admirable échange de nos eucharisties.
Quel fleuve de vie !
Et demain, dans le ciel, le vin nouveau
dans le Royaume de son Père sera celui des noces éternelles (Mt 26,29).
Quelle promesse de communion !
Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu
et grâce pour grâce (Jn 1,16).
Celui dont l'apôtre Paul a pu écrire :
C'est en lui qu'habite corporellement
toute la plénitude de la Divinité
et vous vous trouvez associés à sa plénitude (Col 2,9).

Frères et sœurs, si vraiment nous ajoutons foi en une telle révélation,
nous ne pouvons que nous ouvrir à l'action de grâce !
Voyez quel grand amour le Père nous a donné
pour qu'il ait voulu lui-même planter sur cette terre
le Cep véritable de son Fils unique (Jn 3,16 ; 1 Jn 3,1).
Afin que, par lui, avec lui et en lui, tous
nous puissions recevoir et partager la Vie, Sa Vie divine !

Mais le plus beau de ce mystère
n'est pas seulement que le Seigneur
s'est fait lui-même, pour nous, la vraie vigne.
C'est que, de ce fait même, nous devenons, à notre tour,
sa propre vigne !
Car, s'il est notre cep, nous sommes bel et bien ses sarments.
Je suis le cep, vous êtes les sarments (Jn 15,5).
Pourquoi et comment donc pouvons-nous dire et vivre cela ?

Nous pouvons le dire tout d'abord
parce que notre source et notre origine sont en lui.
Celui qui nous a créés nous a aussi rachetés.
Quelle joie et quelle force de savoir cela !
Nous sommes enracinés quelque part. Appuyés sur Quelqu'un.
Nous sommes établis et affermis sur un vrai fondement.
De fondement en effet, nul n'en peut poser d'autre
que celui qui s'y trouve, à savoir Jésus Christ (1 Co 3,11).

Nous ne pouvons donc plus nous dire isolés ou abandonnés.
Coupés d'un créateur inconcevable ou d'un sauveur inaccessible.
Nous sommes au contraire reliés à Quelqu'un qui nous précède.
Greffés à un tronc qui nous porte ; 
en prise directe avec la vie divine qui coule en nous.
Notre existence, dès lors, peut devenir utile et bonne
parce qu'elle est remplie d'espérance et de sens.
La gloire de mon Père c'est que vous portiez beaucoup de fruit (15,8).
Quel merveilleux et prodigieux mystère !
Nous vivons, agissons, souffrons et mourons...
Et cependant, ce n'est pas nous seulement, mais un autre avec nous
qui vit, agit, souffre et meurt en nous.
Le Christ Jésus, notre sauveur.
Cela, le Nouveau Testament tout entier nous le répète à l'envi.
Le Christ est lui-même cette semence, cette sève qui passe en nous.
Et la vie éternelle nous est déjà donnée en espérance,
parce que les germes de la résurrection sont déjà infusés en nos cœurs !

Ainsi pouvons-nous dire que nous vivons en lui
puisque lui-même vit en nous (Ga 2,20).
Sinon nous avons tôt fait de constater,
jusqu'à en faire parfois la triste et douloureuse expérience,
que, si notre vie n'est plus reliée à lui,
elle n'a pas de poids. Elle n'a pas de lumière.
Elle ne tient pas. Et, finalement, ne nous épanouit pas en profondeur.
Sans moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5) !
On peut alors être des vivotants ou des viveurs.
Mais on n'est pas des vivants !
Au contraire, qui demeure en moi comme moi en lui
porte beaucoup de fruit (15,5).

La première conséquence qui découle de là
est de tout faire pour demeurer en lien avec lui.
En d'autres termes : de rester fidèle à ses commandements (Jn 15,7-12.17).
Or voici son commandement, nous rappelle saint Jean :
avoir foi en son fils Jésus et nous aimer les uns les autres
comme il nous l'a commandé.
Car celui qui est fidèle à ses commandements
demeure en Dieu et Dieu demeure en lui (1 Jn 3,23-24).
Seuls l'amour vécu en acte et en vérité
et la marche à sa suite dans la lumière de la foi,
donnent sens et valeur à nos existences.

La question toute simple pour tester le poids et l'authenticité de nos vies,
revient donc à nous demander chaque matin :
suis-je bien décidé aujourd'hui à croire et à aimer ?
Si oui, nous pouvons être sûrs que nos sarments porteront des fruits.

Une seconde conséquence consiste à nous laisser émonder, nous précise Jésus.
À partir du cep poussent des tiges, des bourgeons, des fleurs et des feuilles.
Mais seuls finalement, comptent les fruits.
La vraie vigne n'est pas celle qui est bien ombragée ou bien fleurie
mais celle qui porte une bonne récolte.

En d'autres termes on n'a pas à s'attacher trop fort
au vieil homme en nous qui tombe en ruine 
ni à ce monde caduc dont la figure passe (2 Co 4,17 ; 1 Co 7,21),
mais à bâtir nos vies sur une hiérarchie de vraies valeurs.
Que d'énergies dépensées souvent à protéger des choses sans grande importance.
Et que sert à l'homme de gagner l'univers
s'il se perd ou se ruine lui-même ? (Lc 9,25).
Certains de la toute-puissance et de la tendresse de Dieu, 
nous pouvons donc marcher dans l'espérance.
La gloire de notre Père est que nous portions
non seulement beaucoup de fruit, mais encore un fruit qui demeure (15,17).

Nous pouvons alors avancer nous aussi, pleins d'assurance.
Plus rien ne peut et ne pourra jamais nous séparer de l'amour du Christ !
Personne ne peut et ne pourra jamais 
nous arracher de sa main et de la main du Père (10,28-29) !
On comprend l'ultime aveu de Jésus :
Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous
et que votre joie soit parfaite (15,11).

Merci, Seigneur, d'être la vraie vigne pour nous.
Et sois béni aussi d'avoir fait de nous une vigne pour toi.
«Fais que je demeure fidèle à tes commandements
et que jamais je ne sois séparé de toi
» (lit. com.).

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