Belgique : qui est euthanasié pour "souffrance mentale inapaisable" ? (02/08/2015)

De Frédéric Haroche sur JIM.fr :

Qui est euthanasié pour "souffrance mentale inapaisable" en Belgique ?

Bruxelles, le jeudi 30 juillet 2015 – Une étude a été réalisée par 6 médecins et scientifiques belges et publiée par le BMJ open, sur le cas particulier de l’euthanasie pour « souffrance mentale inapaisable » qui est l’une des situations médicales ou, au terme de la loi belge, le recours à l’euthanasie est possible.

Cette étude particulièrement détonante et étonnante (notamment pour un psychiatre confronté chaque jour à des dépressions) a porté sur les demandes de 100 patients entre octobre 2007 et décembre 2011. L’échantillon se composait de malades de 21 à 80 ans, d’un âge moyen de 47 ans. 77 % des demandes provenaient de femmes. 90 de ces 100 personnes présentaient plus d’un trouble psychiatrique. 

Ces candidats à l'euthanasie étaient atteints en premier lieu des troubles de l’humeur [la dépression (n = 48), de troubles bipolaires (n = 10)]  et/ou de troubles de la personnalité (n=50). Ces patients souffraient également de syndrome de stress post traumatique (n=13), de schizophrénie (n=14), de troubles anxieux (n=11), de troubles des conduites alimentaires (n=10), de toxicomanie (n= 10), de troubles envahissants du développement (n =8), de troubles obsessionnels compulsifs (n =7), de troubles dissociatifs (n=7).

En plus de leurs pathologies psychiatriques, 23 patients présentaient également des maladies "somatiques" (syndrome de fatigue chronique et fibromyalgie).

La marche vers la mort

Après une évaluation initiale, et des discussions entre les patients et leurs médecins à propos des options thérapeutiques qui pourraient soulager leurs souffrances, 38 patients ont bénéficié d’un changement de traitement dans le cadre d’une hospitalisation ou en en ambulatoire.

Après ces tentatives complémentaires, 17 de ces 38 demandes d'euthanasies ont finalement été acceptés.

Les 62 autres patients n’ont pas été soumis à d'autres tests ou n’ont pas bénéficié d’autres tentatives thérapeutiques en raison de « l'absence manifeste d'alternatives ». Trente et un de ces 62 patients ont vu finalement leur demande acceptée (50 %) et 25 euthanasies ont été effectivement réalisées.

Quand le spectre de l’euthanasie soulage

Au total, 48 des 100 patients qui ont demandé l'euthanasie ont vu leurs requêtes validées.

Parmi ces 48 patients une euthanasie a été pratiquée chez 35 d’entre eux (72,9 %), deux se sont suicidés et 11 patients ont décidé de reporter ou d'annuler celle-ci. Huit de ces 11 patients ont expliqué que le fait de savoir qu’ils avaient l'option de procéder à une euthanasie les avaient soulagé… Deux se sont rétractés en raison de « pression familiale » forte et un n’a pas pu être euthanasié car il était incarcéré.

Parmi les 52 patients dont les demandes n’ont pas été acceptées, 38 se sont rétractés avant qu'une décision ait été prise, 8 autres ont réitéré leurs demandes, 4 se sont suicidés et 2 sont morts "naturellement".

Au total, en décembre 2012, 43 de ces 100 patients étaient décédés : dont 35 par euthanasie et 6 par suicide.

Les malades euthanasiés sont morts entourés de leurs proches dans un environnement « serein et positif », notent les auteurs de l’étude, qui insistent sur le fait que ces circonstances n’auraient pu être rassemblées « dans le cas d’un suicide traumatique non assisté ».

En conclusion, les auteurs appellent simplement à l’élaboration de recommandations en particulier parce que la question de l’euthanasie concernant des patients dont le désir suicidaire découle de la pathologie doit en effet se révéler particulièrement délicate…tout au moins pour ceux qui ont admis préalablement le principe même de l'euthanasie, ce qui n'est pas le cas d'une majorité de médecins français.

Euthanasia requests, procedures and outcomes for 100 Belgian patients suffering from psychiatric disorders: a retrospective, descriptive study

Frédéric Haroche

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