Synode : Des cercles non concentriques (23/10/2015)

Qu'est-ce qu'une Eglise synodale ? Démonstration sur le site web de « France Catholique".

«  Les rapports des circuli minores – les plus importants parce qu’ils portent sur les sections du document de travail concernant une éventuelle modification de la doctrine de l’Eglise sur des questions comme la communion pour les divorcés remariés – ont été publiés hier par le Bureau de presse du Vatican. Nous avons donc à présent un vaste éventail des éléments sur lesquels la Commission de rédaction du document final du synode devra travailler. Comme nous l’avons répété dès le début, et les rapports le confirment, il est pratiquement sûr que ce document final sera médiocre, ce qui (à moins d’une révolte de grande ampleur des évêques dès le départ) serait un moindre mal. Selon toute vraisemblance, ce texte ne déviera pas beaucoup des enseignements traditionnels. Mais c’est presque tout ce que nous pouvons dire en faveur de ce document – et à ce stade de son élaboration. Car tout le processus synodal (et ce qui s’ensuivra) peut encore nous entraîner dans un monde entièrement différent.

Tout d’abord, la bonne nouvelle : sur les treize rapports des petits groupes, seuls trois se prononcent pour la proposition du cardinal Kasper concernant la communion pour les divorcés remariés. Et nous pouvons supposer que, même au sein de ces groupes, certains évêques voteront contre elle. Les groupes linguistiques en faveur sont les germanophones, le groupe francophone A et le groupe italien C (certains ont expliqué leur vote positif en invoquant la notion théologique de « for interne », ce qui est surprenant puisque le mariage est un acte public). En privé, les participants au synode croient encore que la proposition du cardinal Kasper serait rejetée si elle était directement mise aux voix, ce à quoi les rédacteurs ne se risqueront probablement pas pour cette raison. Mais l’élaboration du texte final à partir de ces éléments sera sûrement semée d’embûches pendant ces trois derniers jours. Nous en parlerons plus bas.

Quatre groupes ont ouvertement rejeté la proposition du cardinal Kasper : le groupe francophone B du cardinal Sarah et trois des groupes anglophones. En outre, le groupe anglophone C de l’archevêque Chaput semble pencher dans cette direction, mais n’a pas énoncé une décision ferme dans son rapport. Si bien qu’on pourrait passer de quatre à cinq sur treize, un noyau dur qui explique pourquoi arriver sans encombres à la majorité des deux tiers requise pour l’adoption de la proposition Kasper – ou toute autre proposition controversée – est une entreprise très ardue.

Mais, en dehors de ce qui précède, les calculs sont plus difficiles à établir. Dans les cinq groupes restants – un francophone, deux italiens et deux hispanophones – règne un certain vague et le désir de ne pas avoir à décider des points délicats, « décider » étant ici le mot clef parce qu’ils auraient au passage à se prononcer implicitement sur de graves questions théologiques. (Ne pas croire que le synode est l’enceinte qui convient pour décider de graves changements n’est pas nécessairement une mauvaise attitude en soi ; elle peut traduire l’idée tout à fait fondée que le processus en cours est mal adapté à cette tâche. Des personnalités aussi contrastées que le cardinal Napier et le cardinal Marx se sont plus ou moins exprimées publiquement dans ce sens dans les points de presse).

Dans les rapports de ces cinq groupes, certains proposent une décentralisation à l’échelon des conférences locales des évêques sur les questions controversées et d’autres demandent que le Saint Père lui-même les aide à parvenir à l’unité sur les sujets à propos desquels les pères synodaux ne peuvent se mettre d’accord.

L’évolution des événements est plutôt opaque et pourrait ne pas s’éclaircir jusqu’à la toute fin du processus : samedi soir, moment où les évêques voteront sur le texte. Plusieurs groupes et participants du synode se sont déclarés hostiles à la décentralisation de l’autorité en matière de doctrine à l’échelon des conférences des évêques locales – ce qui aurait pour effet de porter atteinte à l’universalité catholique au niveau de la foi et de la morale. Pour prendre un exemple concret, imaginez que la conférence des évêques de Pologne qui est farouchement orthodoxe décide de réaffirmer l’enseignement séculaire traditionnel, tandis que les Allemands (comme ils nous en ont déjà menacé) décident qu’ils peuvent choisir leur propre voie sans attendre l’avis de Rome. En ce cas, il n’y aurait plus entre ces deux pays frontaliers seulement de distinction de nationalité mais aussi de pratique pastorale. Et nous aurions alors une situation absurde pour une Eglise universelle : un Polonais auquel il serait sévèrement interdit de recevoir la communion chez lui parce que ce serait un acte sacrilège pourrait, au prix d’un court trajet, la recevoir à l’étranger – cette communion y étant même considérée comme un signe de profonde miséricorde. Cela me semble contraire à la foi catholique. Et ne l’oublions pas : en ce moment précis, nous ne parlons que d’un texte synodal parce que les Polonais et les Allemands pourraient agir comme indiqué ci-dessus indépendamment du document. La question qui se pose dans l’immédiat est celle de savoir si la commission de rédaction souhaitera inclure un paragraphe spécifique sur la décentralisation de l’autorité à l’échelon des conférences des évêques pour le mettre aux voix - qui n’aurait très probablement aucune chance d’obtenir la majorité des deux tiers. (Bien qu’après avoir lu les rapports de mercredi, j’en sois un peu moins persuadé que je ne l’étais hier encore).

C’est peut-être pourquoi l’idée d’une commission sur la communion des divorcés remariés est dans l’air. Le seul groupe anglophone légèrement hésitant (présidé par Vincent Nichols, cardinal de Westminster) a proposé pour sa part la création d’une commission de ce type dans son rapport. Serait-ce là un compromis susceptible de recueillir auprès des cinq groupes indécis un appui suffisant pour le rendre viable ? Les trois groupes pro-Kasper rejoindraient très probablement cette coalition, surtout parce que l’impression générale est que le pape est en faveur de la communion pour les divorcés remariés et nommerait les membres de la commission chargée d’étudier la question.

Des gens bien informés et au jugement desquels je me fie pensent que c’est une éventualité très douteuse. D’autres tout aussi bien informés et dignes de foi pensent que c’est très probable et qu’elle aurait pour effet de nous imposer la proposition du cardinal Kasper par fiat papal.

J’ai formulé plusieurs prédictions hasardeuses sur notre site ces dernières semaines. C’est la seule perspective sur laquelle je n’ai rien à dire. Et d’ailleurs, que le rapport final se prononce en faveur de cette commission ou non, c’est le pape qui aura le dernier mot. S’il perçoit une vaste opposition à tout changement en ce qui concerne la communion, il sera peut-être dissuadé de prendre des décisions radicales de peur de susciter un schisme. Mais tout ce que nous savons du pape François, c’est qu’il est vraiment imprévisible.

Jeudi 22 octobre 2015

Source : http://www.thecatholicthing.org/201...

Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith&Reason Institute de Washington »

Ref. Synode : Des cercles non concentriques

JPSC

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