« Il n’y a pas d’acte intrinsèquement mauvais » (27/02/2016)

C’est la rengaine de la morale postmoderne qui confond la personne et l’acte et relativise la notion même de vérité.

Plusieurs délégués épiscopaux à la famille, qui se réuniront le 7 mars à Paris, contestent l’invitation faite à un professeur de théologie morale, le Père Thomasset, dont la réflexion ne leur paraît pas conforme à l’enseignement de l’Église. Explications dans l’hebdomadaire « Famille chrétienne » :

« La prochaine Journée nationale de rencontre et de formation des délégués épiscopaux à la Pastorale familiale pourrait être très animée. Il y a deux ans déjà, l’invitation de Fabienne Brugère – une philosophe acquise à la « théorie du genre » – avait semé le trouble, au point que les évêques avaient préféré la déprogrammer.

Cette fois, plusieurs délégués contestent la venue du Père Alain Thomasset sj, au point de souhaiter son annulation. Ils ne partagent pas les raisonnements de ce professeur de théologie morale « si éloignés de la doctrine de l’Église qu’ils risquent d’embrumer les participants au lieu de les éclairer et de les fortifier », résume un délégué diocésain.

C’est surtout la réflexion de ce Jésuite sur les « actes intrinsèquement mauvais » qui troublent ces délégués. « Je crois que l’interprétation de la doctrine des “actes intrinsèquement mauvais” est une source fondamentale des difficultés actuelles de la pastorale des familles, car c’est elle qui détermine en grande partie la condamnation des moyens de contraception artificiels, des relations sexuelles des divorcés remariés et des couples homosexuels, même stables », a déclaré le Père Thomasset lors d’une journée d’études sur la Pastorale de la famille, organisée en vue duSynode, le 25 mai 2015, à l’Université grégorienne de Rome.

Des propos qui font réagir le Père Hubert Lelièvre, délégué épiscopal à la famille du diocèse d’Avignon. Entretien. 

 

Vous vous étonnez qu’une intervention soit confiée au Père Thomasset dans le cadre de cette rencontre annuelle. Pour quelles raisons ?

Je veux d’abord souligner que je me réjouis que cette rencontre nationale ait lieu et qu’il soit offert aux délégués diocésains à la famille de se retrouver à Paris sur un sujet aussi important. Bon nombre de familles sont aujourd’hui blessées, fracturées, fragmentées. Les parents, comme leurs enfants, sont en quête de repères : ils attendent de l’Église une parole de vérité, parole exigeante qui ne cède pas à l’air du temps, au relativisme dont les familles souffrent, mais soit au contraire fidèle à l’enseignement de l’Église.

Or je crains que, sur ce point, la réflexion du Père Thomasset, telle qu’elle s’est exprimée l’an dernier à l’Université grégorienne de Rome, ne panse pas leurs maux. Ces mots-là ne guérissent pas. Au contraire, ils risquent d’aggraver les choses en puisant au relativisme ravageur dont souffre la société tout entière.

Vous ne partagez donc pas ce que dit le Père Thomasset sur les « actes intrinsèquement mauvais » ?

Je ne le partage pas, car ce n’est pas ce qu’enseigne l’Église. Et je ne crois pas qu’il soit opportun que, dans cette assemblée, soit diffusé un autre message que celui de l’Église.

Nous qui travaillons sur le terrain, nous qui sommes au contact de réalités souvent difficiles, nous n’avons pas besoin d’une morale douteuse, faussement compassionnelle, qui fragilise un peu plus les familles. Propos de surcroît datés, qui ne correspondent pas du tout à ce que nous constatons tous les jours en côtoyant des personnes blessées ou des foyers brisés.

Les familles, les jeunes surtout, ont soif d’espérance. S’ils se tournent vers l’Église, c’est parce qu’ils pressentent qu’elle peut leur offrir autre chose qu’une vague morale épousant les facilités du monde.

Les familles, les jeunes surtout, ont soif d’espérance. S’ils se tournent vers l’Église – et ils sont nombreux ! – c’est parce qu’ils pressentent qu’elle peut leur offrir autre chose qu’une vague morale épousant les ruses et les facilités du monde. Cette autre chose, c’est l’Évangile. Cette autre chose, si je puis dire, c’est le Christ.

Mais justement, comment annoncer l’Évangile dans un monde qui l’ignore largement ? Ne faut-il pas adapter son discours à ceux que l’on veut convaincre ?

Aller vers le monde, cela n’a jamais été se rendre au monde. Apporter l’Évangile, ce n’est pas s’en éloigner. Sinon, nous ferions fausse route ! Combien de fois Jean-Paul II, Benoît XVI et le pape François nous ont-ils dit de ne pas nous conformer à la mentalité du monde ? Combien de fois nous ont-ils mis en garde contre l’esprit mondain ? Contre cette « pitié fallacieuse » – selon Jean-Paul II dans sa Prière pour la vie – qui ne sauve pas mais au contraire enfonce ?

J’ai parfois l’impression que certains de nos pasteurs ont perdu l’espoir. Ils ont tort, car l’Église vit un temps extraordinaire : c’est incroyable, ce qui se prépare ! Je vois beaucoup de jeunes dans le cadre de la préparation au mariage. Beaucoup ont morflé, ils ont été cabossés par nos mensonges, ils sont souvent loin de l’Église, mais c’est incroyable ce qu’ils en veulent !

Je leur parle beaucoup d’Humanæ Vitae, et je peux vous dire qu’ils sont prêts à entendre cette parole de vérité. Leur vitalité est époustouflante. Incitons-les à regarder vers l’avenir, pas dans le rétroviseur ! Nous ne leur parlons pas assez de la vie éternelle, et pourtant ils sont prêts. Chacun sait que le chemin vers le Christ est long, que nous trébuchons souvent. Mais ayons cette audace évangélique, ayons la charité inventive qu’ils attendent de nous pour les tirer vers le haut.

Incitons les jeunes à regarder vers l’avenir, pas dans le rétroviseur !

Nous sommes dans l’Année de la Miséricorde. Certains ne risquent-ils pas de considérer que, puisque tout ou presque est pardonné, rien n’est vraiment grave ?

La « pitié fallacieuse » est le fruit d’une méconnaissance de la miséricorde. Elle engendre une morale froide, désincarnée (1), une morale qui durcit les cœurs et les intelligences et se retourne finalement contre l’homme et les familles qu’elle prétend aider.

Fabrice Madouas »

(1) Voir Dives in misericordia, de Jean-Paul II.

Ref. Père Hubert Lelièvre : « Les familles attendent autre chose qu’un relativisme ravageur »

JPSC

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