L'avortement est un péché grave qui met fin à une vie innocente mais chaque prêtre (même "lefèbvriste") pourra donner l'absolution pour cette faute (22/11/2016)

De Cécile Chambraud sur le site du Monde.fr (Religions) :

Le pape permet à tous les prêtres d’absoudre l’avortement

Le souverain pontife n’avait initialement accordé cette faculté aux prêtres que le temps de l’Année sainte, qui s’est achevée le 20 novembre.

L’Année de la miséricorde s’est achevée, dimanche 20 novembre, mais il en demeurera quelque chose pour l’Eglise catholique. Le pape François a en effet décidé, lundi 21 novembre, de « concéder » à tous les prêtres « la faculté d’absoudre le péché d’avortement » commis par ceux qui s’en repentiraient. Cela peut concerner les femmes qui ont recouru à une interruption volontaire de grossesse (IVG), mais aussi les personnels soignants qui l’ont pratiquée.

Pour l’Eglise catholique, l’avortement est un acte jugé si grave qu’il entraîne l’excommunication de ceux qui le commettent. Jusqu’à présent, le pouvoir d’absoudre ce « péché » était réservé aux évêques, qui pouvaient le déléguer aux prêtres de leur diocèse. En septembre 2015, le pontife argentin avait accordé cette faculté aux prêtres pour l’Année de la miséricorde. C’est cette mesure, initialement transitoire, qui est aujourd’hui pérennisée.

LA MESURE PROPOSÉE À L’OCCASION DE L’ANNÉE DE LA MISÉRICORDE EST AUJOURD’HUI PÉRENNISÉE

Dans une lettre apostolique intitulée Misericordia et misera, François rappelle « de toutes [s]es forces » qu’il n’est pas question pour l’Eglise de modifier son jugement sur l’IVG : « L’avortement est un péché grave, parce qu’il met fin à une vie innocente. »

Mais, justement parce qu’il est grave, la réponse de l’Eglise catholique doit pouvoir témoigner du caractère inépuisable de pardon divin. « Je peux et je dois affirmer avec la même force qu’il n’existe aucun péché que ne puisse rejoindre et détruire la miséricorde de Dieu quand elle trouve un cœur contrit », affirme la lettre. « Que chaque prêtre se fasse donc guide, soutien et réconfort dans l’accompagnement des pénitents sur ce chemin particulier de la réconciliation », ajoute le pontife.

La miséricorde mise en avant

Ce texte de seize pages incite l’Eglise à conserver de cette année écoulée l’idée que la miséricorde, entendue comme un amour qui pardonne, n’est pas pour elle une « parenthèse », mais qu’elle « en constitue l’existence même ». Il doit aussi se lire dans la continuité des deux synodes des évêques sur la famille de 2014 et de 2015. A cette occasion, le pape François avait tenté d’assouplir un tant soit peu l’approche par l’Eglise des vicissitudes de la famille contemporaine, qui la conduit à juger illicites des états de vie pourtant aujourd’hui répandus.

Mais à l’issue des travaux, que ce soit sur les couples non mariés, la contraception, les couples homosexuels, le statu quo avait prévalu. En avril, cependant, le pontife jésuite avait publié une exhortation apostolique (Amoris Laetitia) qui semblait ouvrir la possibilité aux prêtres « dans certains cas » d’envisager que les divorcés remariés puissent accéder à l’eucharistie (la communion).

En tout état de cause, depuis le début de son pontificat, mettant en avant la miséricorde, le pape ne cesse de demander aux prêtres de faire preuve d’une certaine souplesse dans le confessionnal, qui « ne doit pas être une salle de torture ». Cette fois encore, il les exhorte à ne pas « s’arrêter à la loi » : « Même dans les cas les plus difficiles, où l’on est tenté de faire prévaloir une justice qui vient seulement des normes, on doit croire en la force qui jaillit de la grâce divine », insiste François.

Dimension sociale

Cette approche peu « disciplinaire » du rôle du clergé continue cependant de provoquer des crispations au sommet même de l’Eglise. Dans un entretien au quotidien catholique italien Avvenire, vendredi 18 novembre, François a d’ailleurs dénoncé la persistance de « certains rigorismes [qui] naissent d’un manque, d’une volonté de cacher dans une armure sa propre triste insatisfaction ». Quelques jours auparavant, le site du vaticaniste Sandro Magister avait publié une lettre de quatre cardinaux, classés conservateurs, dans laquelle ils faisaient part au pape de leur « profonde préoccupation » et du « grave désarroi » qu’ils perçoivent chez des fidèles jugés en pleine « confusion » en raison « d’interprétations contradictoires » d’Amoris Laetitia. « Certains continuent à ne pas comprendre, c’est noir ou blanc, même si c’est dans le flux de la vie qu’il faut faire un discernement », a affirmé le pape dans l’entretien à Avvenire, sans toutefois se référerexplicitement à leur missive.

Fidèle à l’approche qui le caractérise, Jorge Bergoglio incite les chrétiens à prendre aussi en compte la dimension sociale de la miséricorde. « Etre sans travail et ne pas recevoir un juste salaire, ne pas avoir une maison ou une terre où habiter, subir des discriminations pour la foi, la race, le statut social… Ces réalités et d’autres encore sont des conditions qui attentent à la dignité de la personne face auxquelles l’agir miséricordieux des chrétiens répond avant tout par la vigilance et la solidarité. »

Enfin, dans un autre registre, le pape François prolonge une seconde disposition qu’il avait prise à l’ouverture de l’année de la miséricorde. Il s’agit de la possibilité pour les fidèles de recevoir validement le sacrement de la confession de la part d’un prêtre de la ­Fraternité Saint-Pie X, pourtant ­séparée de Rome. C’est une main tendue à ces traditionalistes que Benoît XVI avait tenté, en vain, de ramener dans le giron de l’Eglise romaine, tâche que François voudrait pouvoir mener à bien.

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