L'Islam : pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore) (22/04/2017)

De Charles-Henri d'Andigné sur le site de l'hebdomadaire Famille Chrétienne :

L'Islam : pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore)

L'Islam pour tous ceux qui veulent en parler

Auteur : Annie Laurent

Editeur : Artège

Nombre de pages : 288

Dans cet ouvrage soigné qui associe clarté et précision, Annie Laurent offre des réponses aux nombreuses et légitimes interrogations que suscite l'Islam, du fait de son omniprésence dans une actualité inquiétante, en France et dans le monde ; du fait aussi de son projet anthropologique, juridique, social et politique dont les fondements heurtent ceux de la civilisation européenne. C'est donc un défi existentiel que l'Europe doit relever alors qu'elle connaît une crise d'identité d'une gravité sans précédent.

A l'heure où dominent les relativismes, où s'installent les confusions et où l'émotion supplante la raison, la relation avec l'Islam et les musulmans est confrontée à deux sérieux écueils : le déni et la passion. Il est donc urgent de bannir toute superficialité dans l'approche de réalités encore trop méconnues ou déformées. Autrement dit, il convient de porter sur l'Islam un regard lucide et vrai tout en cultivant bienveillance et respect envers les musulmans. Tel est l'enjeu réussi de ce livre qui s'inspire aussi de l'expérience des chrétiens d'Orient.

Annie Laurent est titulaire d'un doctorat d'Etat en sciences politiques pour une thèse intitulée « Le Liban et son voisinage ». Sa longue expérience du Proche-Orient l'a conduit à se spécialiser dans les domaines touchant aux questions politiques de cette région, à l'Islam, aux chrétiens d'Orient et aux relations interreligieuses. Auteur de plusieurs livres sur ces sujets, elle est aussi à l'origine de la création de l'association Clarifier. Le pape Benoît XVI l'a nommée experte au Synode spécial des Évêques pour le Moyen-Orient qui s'est tenu à Rome en octobre 2010.

Extrait choisi

« Une première prise de conscience est nécessaire : le monde musulman, n’ayant pas la connaissance d’un Dieu qui aime chaque homme d’un amour infini (1), souffre dramatiquement de manque d’a-mour et de considération. Telle est la cause principale qui conduit certains de ses membres à des actions d’extrême violence.

Il incombe donc aux “non-musulmans”, conscients de cette frustration, de porter sur les musulmans un regard bienveillant, fait d’estime, de sympathie, de compassion et de respect. Et donc de bannir des attitudes trop vite venues, telles que l’invective, l’ironie sur leurs pratiques cultuelles, la condescendance et le mépris, voire la haine. Pour les chrétiens en particulier, il s’agit finalement de tendre à aimer les musulmans comme Dieu Lui-même les aime.

Cette disposition sera d’autant plus motivante qu’elle tiendra compte de tout ce qui manque aux musulmans en matière d’amour de Dieu.

 

 

Les conditions pour un amour authentique et fécond

Il convient tout d’abord de bien distinguer les personnes de la religion à laquelle elles se réfèrent. Aimer les musulmans n’oblige en aucun cas à aimer l’islam. En revanche, le fait d’enfermer tous les musulmans indistinctement dans un cadre préétabli, figé et immuable, revient à les priver implicitement de liberté et donc à manquer à la charité envers eux. L’amour des musulmans ne peut dès lors se passer de la vérité et de la justice.

La vérité

Lorsqu’on envisage un Islam européen, il faut savoir que l’Islam veut le territoire de l’Europe, mais il ne veut pas son histoire et sa civilisation. Pour l’Islam idéologique, il s’agit d’exercer une souveraineté conforme à la charia et d’intégrer les musulmans d’Europe dans l’Oumma, la communauté des croyants, la “meilleure” selon le Coran (3, 110), qui transcende les frontières et constitue la véritable patrie voulue par Allah. Alors, oui, il peut y avoir un Islam européen, mais compris comme une Europe islamique. Aujourd’hui, cette religion, avec tout ce qui la constitue sur le plan temporel, est dans une phase conquérante, qui ne passe pas seulement par le djihad. Pour les musulmans convaincus, le triomphe de l’islam est inéluctable. C’est Lui [Dieu] qui a envoyé son Prophète avec la Direction et la Religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion (9, 33).

Porter un regard lucide sur les textes fondateurs des musulmans (Coran, Sunna, Sîra), qui peuvent légitimement effrayer, choquer ou révolter, et interroger les musulmans sur ces points, ce n’est pas manquer à la charité envers leurs personnes. C’est plutôt les considérer comme des adultes capables de réflexion et d’ouverture à la vérité.

Admettre que l’Islam représente un défi existentiel pour les sociétés chrétiennes ou sécularisées ne signifie pas que l’on rejette les musulmans. Mais la réponse à ce défi ne doit pas être de nature idéo-logique (par exemple le laïcisme), tout comme elle ne doit pas recourir au rejet des personnes ou au chantage à la réciprocité. Seule la pratique des vertus, particulièrement la droiture et la force, spirituelle et morale (armes prônées par l’Évangile), peut résoudre les problèmes que pose l’Islam.

Avoir une claire conscience du trésor inestimable que constitue le patrimoine chrétien, ce n’est pas mépriser les musulmans. Il convient donc de ne pas faire semblant de voir dans l’islam une doctrine d’égale valeur au christianisme. En estimant son héritage et en y étant fidèle, l’Europe pourra donner à ses ressortissants et immigrés musulmans l’envie d’aimer leurs pays d’accueil et refuser qu’ils s’y installent pour en profiter égoïstement. Car, posséder une carte d’identité européenne n’implique pas automatiquement l’adhésion à son identité constitutive. Comme le dit Malika Sorel, ancien membre du Haut-Conseil à l’intégration, une citoyenneté française de papier ne remplace pas une citoyenneté “de cœur et d’esprit”.

Entretenir des relations d’amitié avec des États ou organisations islamiques dans un but intéressé (par exemple : avantages financiers ou stratégiques, signature de contrats commerciaux, etc.), tout en taisant d’éventuels comportements inacceptables de leur part, revient à s’éloigner de la charité, qui suppose la gratuité et la force morale.

La justice

Exiger des États islamiques qu’ils respectent les libertés fondamentales de leurs ressortissants, musulmans et non musulmans, est un impératif lié à la justice.

Résoudre de manière équitable les conflits qui lèsent le monde musulman, tels que la question palestinienne, est également un impératif lié à la justice incombant aux puissances responsables (sans oublier la justice due aux chrétiens de Palestine confrontés aux pressions de leurs compatriotes musulmans).

Enfin, aimer les musulmans, c’est aussi avoir le souci de leur salut éternel, ne pas oublier que, comme tous les autres hommes, ils ont le droit de connaître Dieu en vérité et, ainsi, de parvenir au salut (cf. Tm 2, 4 et suivants). Il ne faut donc pas partir d’un a priori injustifié selon lequel les musulmans seraient, par principe, imperméables à l’enseignement de l’Évangile.

Les conseils d’un chrétien oriental

Extrait de la communication donnée au Vatican le 28 novembre 1995 par le Père Michel Barakat, alors vicaire général du diocèse melkite de Baalbek (Liban), durant le Synode spécial des évêques pour le Liban, tenu à Rome à l’initiative du pape Jean-Paul II : “Il faut aimer les musulmans tels qu’ils sont, sans pour autant aimer l’erreur qu’est l’islam. Il importe que notre témoignage soit un témoignage véridique. Certains diluent le message évangélique sous prétexte de le faire mieux accepter. Cette attitude frise le mensonge. D’ailleurs, bien des musulmans nous demandent d’être de bons chrétiens. Ainsi devons-nous être vrais et vivre la vérité de l’Évangile avec force et audace dans toute notre vie, car la charité, comme le dit saint Paul, met sa joie dans la vérité (1 Co 13, 6).” »  

Charles-Henri d'Andigné

(1) Le Dieu des musulmans ne prend pas le risque d’aimer sans être aimé en retour (Ndlr).

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