La nouvelle formule du « Notre Père » entre en vigueur pour les Belges francophones à la Pentecôte, ce dimanche 4 juin prochain (27/05/2017)

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Dans notre enfance pré-conciliaire on priait : « ne nous laissez pas succomber à la tentation » . Après Vatican II, pour faire plaisir entre autres aux protestants, on introduisit, en 1966, un contresens théologique en traduisant le grec de référence « καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν » par « ne nous soumets pas à la tentation » (il eût été possible de dire encore : "ne nous soumets pas à l’épreuve", le substantif peirasmos ayant aussi ce sens).

Plus de cinquante ans après « le » concile, l’épiscopat belge fait enfin prévaloir la raison et la science linguistique sur un œcuménisme mal placé.  Vous direz désormais, comme nous l’avons appris du Sauveur : « ne nous laisse pas entrer en tentation » et, pour vous le faire savoir, le Curé-Doyen de la Ville de Liège vient de faire diffuser cette nouvelle version dans toutes les églises de la Cité Ardente, au verso d’une illustration représentant Jésus en prière.

Monseigneur Léonard nous avait déjà expliqué, voici près de vingt ans, pourquoi la version de 1966 était insatisfaisante. Il n’est jamais trop tard pour le reconnaître :

"Sur la question, dans son livre « Que Ton Règne vienne », (Editions de l’Emmanuel, 1998) Monseigneur Léonard, conserve le sens de « tentation » mais explique, un peu longuement, que la formule grammaticale grecque provient d’un hébraïsme mal traduit : «  il s’agit, écrit-il, de bien comprendre l’usage de la négation devant un verbe dont le substantif hébreu est conjugué à la forme causative, celle qui permet de passer de l’idée de « dormir », par exemple, à celle de « faire dormir ». En français, nous avons besoin de deux mots pour le dire. En hébreu, il suffit d’utiliser la forme causative ou factitive du verbe. C’est elle qui permet, dans notre texte, de passer de l’idée de « entrer dans la tentation » à celle de « faire entrer dans la tentation ». Que se passe-t-il si l’on met une négation devant la forme causative de la sixième demande ? Faut-il comprendre « ne nous fait pas entrer dans la tentation » ou bien « fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ? Tel est exactement le problème. Pour un Sémite, la réponse est évidente d’après le contexte. La demande signifie : « Fais que nous n’entrions pas dans la tentation ». Exactement comme pour nous en français, si je dis : « je n’écris pas ce livre pour m’amuser », chacun comprend que j’écris effectivement ce livre (la preuve !), en dépit de la négation qui semble affecter  le verbe, mais que ce n’est pas pour m’amuser. Malgré les apparences, la négation ne porte pas sur « écrire », mais sur « pour » . Mais, dans son incommensurable bêtise, un ordinateur aurait pu comprendre que, pour pouvoir m’amuser, je n’écrivais pas ce livre… Qu’a fait ici le premier traducteur grec du « Notre Père » sémitique ? Le grec n’ayant pas de forme causative et ne connaissant pas davantage la tournure française « faire entrer », il a pris un autre verbe qu’ « entrer » , un verbe exprimant d’un seul mot, comme en hébreu, l’idée de « faire entrer », à savoir le verbe grec « introduire » et il a mis une négation devant ! Pour les lecteurs grecs connaissant encore les tournures sémitiques, l’interprétation correcte allait de soi. Mais, par la suite, l’expression allait forcément être mal comprise et prêter à scandale. Le problème est résolu si, instruit de ces petites ambigüités linguistiques, on traduit : « Fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ou « garde-nous de consentir à la tentation ». De ce point de vue, l’ancienne traduction française du « Notre Père » était moins heurtante que l’actuelle (sans être parfaite), puisqu’elle nous faisait dire : « Et ne nous laissez pas succomber à la tentation ». La même  difficulté existant dans de nombreuses langues européennes, plusieurs conférences épiscopales ont entrepris de modifier la traduction du « Notre Père » en tenant compte du problème posé par la version actuelle. Espérons que les conférences épiscopales francophones feront un jour de même.

Si nous traduisons correctement la sixième demande (« Garde nous de consentir à la tentation » !) alors tout s’éclaire. Dans la cinquième demande, nous avons prié le Père de nous remettre nos dettes passées. Dans la septième, nous allons lui demander de nous protéger, à l’avenir, du Tentateur. Dans la sixième, nous lui demandons logiquement, pour le présent, de nous préserver du péché en nous gardant de succomber à la tentation. »

JPSC

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