Le libéralisme moral d’Emmanuel Macron est-il compatible avec l’anthropologie chrétienne ? (24/08/2017)

Les tweets piratés de l’entourage de celui qui est devenu, entretemps,  le huitième  président de la république française suscitent l’inquiétude d’Antoine Pasquier, sur le site web de « Famille Chrétienne »:

"Wikileaks a publié au cœur de l’été les mails de plusieurs cadres d’En marche !, piratés la veille de la présidentielle. Ils montrent la manière dont Emmanuel Macron a bâti le volet sociétal de son projet.

On en sait un peu plus sur la manière dont Emmanuel Macron a élaboré, durant sa campagne électorale, ses propositions en matière familiale et sociétale. Le 31 juillet, l’organisation Wikileaks, fondée par Julian Assange, a mis en ligne la totalité des mails dérobés à plusieurs responsables d’En marche !, le 5 mai dernier, quelques heures avant le premier tour de la présidentielle. Parmi les 150 000 fichiers répertoriés, plusieurs concernent la gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicalement assistée (PMA). Au cœur des échanges, un nom revient régulièrement : celui d’Anne-Marie Leroyer. Cette enseignante à l’École de droit de la Sorbonne fut l’ancien rapporteur de la mission Filiation, origines, parentalité – plus connue sous le nom de rapport Théry. Ce document avait défrayé la chronique en 2014 en préconisant l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger, un an seulement après l’adoption de la loi Taubira.

Les premiers échanges entre Anne-Marie Leroyer et l’entourage d’Emmanuel Macron datent du 8 novembre 2016. C’est Sarah Dormont, maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC), qui met en relation Anne-Marie Leroyer et Quentin Lafay, la « plume » d’Emmanuel Macron. La commande est simple : la juriste doit réaliser trois courtes notes « pédagogiques » sur la GPA, la PMA et le changement de sexe à l’intention du candidat. « Nous avons demandé à Anne-Marie non pas de défendre une position, mais de présenter objectivement la situation », précise Quentin Lafay, dans un message à plusieurs membres d’En marche !. Mais, dans ses notes, Anne-Marie Leroyer ne peut s’empêcher de donner son avis : « c’est ce que je dirais si j’étais [Emmanuel Macron] pour atteindre l’électorat anti-Fillon sur ces questions, sans perdre les plus modérés », écrit-elle.

 

Des expertises très orientées

Seules deux des trois notes rédigées – celles sur la PMA et la GPA – sont accessibles sur le site de Wikileaks. Chaque fois, Anne-Marie Leroyer procède de la même manière : après avoir dressé l’état des lieux en France et en Europe, elle développe sa réflexion et ses conclusions en faveur d’une libéralisation de ces pratiques.

Sur la PMA, d’abord. « Son ouverture aux couples de femmes et aux femmes célibataires paraît aujourd’hui s’imposer, affirme-t-elle à la fin de sa note de quatre pages. Les couples de femmes peuvent adopter, elles doivent pouvoir demain recourir à la PMA. » Anne-Marie Leroyer plaide pour que cette PMA « pour toutes » soit prise en charge par l’assurance maladie. C’est une « question de politique nataliste et de santé publique », estime-t-elle.

Sur la GPA, ensuite. « Il s’agit de ne pas condamner cette pratique pour elle-même et par principe », écrit-elle en conclusion. « Mais de ne pas dénier qu’il puisse y avoir des situations dans lesquelles une femme peut vouloir porter l’enfant pour une autre et ce, quelles que soient ses motivations ». « Cela étant, nuance-t-elle, ce point de vue ne permet pas de légitimer une organisation plus générale de la GPA. Il faudrait prendre acte qu’aucune solution ne permettra d’éviter, dans un contexte de globalisation, le recours à la GPA, mais il est en revanche possible de lutter contre ses dérives ». Sur ce dernier point, Anne-Marie Leroyer estime « urgent » que la France propose « une convention internationale à l’instar de ce qui a pu être fait pour l’adoption internationale ». Dans une petite note de synthèse, intitulée « La GPA et la PMA en trois mots », Anne-Marie Leroyer préconise d’affirmer que, « pour l’heure », il n’est pas question de légaliser la GPA en France…

Les notes de l’enseignante de droit ont été réceptionnées par Quentin Lafay le 21 novembre, au lendemain du premier tour de la primaire de la droite et du centre qui a vu François Fillon arriver largement en tête. Ce qui suscite chez lui ce commentaire inquiet : « Au vu des résultats d’hier, il est plus qu’utile qu’[Emmanuel Macron] se positionne rapidement sur ces sujets ! ». Les trois notes seront ensuite remontées au candidat fin novembre. 

Une réunion prétendument contradictoire

Entre-temps, un avis complémentaire est demandé au Pr Yves Ville, responsable du service d’obstétrique et de médecine fœtale à l’hôpital Necker et cosignataire, en mars 2016, du manifeste de cent trente médecins demandant la facilitation de la reproduction assistée en France. Pour la PMA, le médecin préconise une évolution générale de son cadre, son ouverture aux couples de même sexe ainsi qu’une systématisation du diagnostic préimplantatoire (DPI) « pour améliorer la qualité des embryons ». Yves Ville se montre plus sceptique sur la GPA, pointant « des risques physiques et psychiques à court et surtout à long terme encore mal évalués ». À ses yeux, « la piste de la greffe d’utérus renvoie à un avenir maintenant proche, moins controversé et plus innovant ».

Pour achever leur réflexion sur ces sujets bioéthiques, les proches conseillers du candidat décident d’organiser, le 20 janvier 2017, une réunion « contradictoire » en présence d’Emmanuel Macron. Autour de la table : l’incontournable Anne-Marie Leroyer, la sociologue Irène Théry, le Pr René Frydman, le psychanalyste Jean-Pierre Winter et l’ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) Jean-Claude Ameisen. La contradiction penche sévèrement en faveur de la PMA : Leroyer, Théry et Frydman militent pour. 

« Il faut totalement refuser tout discours qui confinerait à une hiérarchisation [des différentes familles] », insiste Anne-Marie Leroyer. « Il manque un récit d’explication, un discours sur les bouleversements de la filiation (…). Ce discours peut tout à fait reposer sur la défense des valeurs familiales. Il ne s’agit en aucun cas de briser ces valeurs, il faut au contraire avoir un discours sur les valeurs familiales qui se distingue de celui tenu par la droite aujourd’hui, qui, lui, se caractérise par son archaïsme », plaide pour sa part Irène Théry. Jean-Pierre Winter est, lui, beaucoup plus critique, notamment sur la disparition programmée du père : « Le temps du sociologue et le temps du psychanalyste n’est (sic) pas le même. Il ne faut pas négliger le refoulement et donc le retour du refoulé ». Davantage sur la réserve, l’ancien président du CCNE appelle de ses vœux une discussion « de toutes ces questions » lors d’un débat ouvert à l’occasion de la révision des lois de bioéthique en 2018. Une position aujourd’hui retenue par le président Macron. Sur la GPA, Irène Théry n’y va pas par quatre chemins : « la GPA va globalement devenir la seule solution pour les homosexuels d’avoir des enfants ». Jean-Pierre Winter, lui, met de sérieux bémols : « Il faut quand même reconnaître que l’abandon d’enfant légalisé, programmé, c’est autre chose que l’abandon accidentel ». 

Deux mois plus tard, lorsque Emmanuel Macron rendra public son programme électoral, tous les arguments avancés lors de ces discussions informelles seront repris de manière synthétique dans le volet Famille de son projet. Si La République en marche « appelle à la vigilance » sur la nature des publications révélées par Wikileaks, ces dernières montrent sans conteste quels courants et personnalités ont influencé – et influencent probablement encore – le président de la République sur les questions sociétales. Et ce n’est pas sans susciter de réelles inquiétudes pour l’avenir. "

Ref. GPA, PMA : ce que révèlent les « Macronleaks »

JPSC

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