Pourquoi la PMA n’est jamais éthique (14/02/2018)

Lu sur le site web du bimensuel « L’Homme Nouveau » :

Après le Manuel de bioéthique des jeunes, La Fondation Jérôme Lejeune publie un deuxième opus consacré cette fois à la Procréaton Médicalement Assistée. Gratuit, disponible sur demande, ce manuel de plus de 90 pages ne se contente pas de donner un apercu de la situation. Il s'attache à poser les bonnes questions et apporter des solutions. Victoire de Jaeghere, membre de la Fondation Jérôme Lejeune a bien voulu répondre aux questions de notre rédactrice en chef adjointe, Adélaïde Pouchol.

La Fondation Jérôme Lejeune vient de publier un manuel sur la Procréation Médicalement assistée. Un travail de synthèse très complet et didactique, mais la Fondation Lejeune n’en est pas à son coup d’essai...

Ce manuel sur la PMA est le cinquième manuel publié par la Fondation Jérôme Lejeune. Ces manuels sont la principale publication bioéthique en termes de diffusion. Le premier de la série, le Manuel de bioéthique des jeunes a été diffusé à plus de 500 000 exemplaires depuis sa sortie, un vrai best-seller. Ils sont gratuits et sont destinés en priorité à ceux qui s’adressent aux jeunes : parents, professeurs, éducateurs... pour leur donner tous les outils nécessaires à la réflexion bioéthique.

Votre manuel sort au moment de l’ouverture des états généraux de la bioéthique dont nous savons qu’ils traiteront en particulier de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires. J’imagine que ce n’est pas un hasard !

Effectivement, le contexte de la révision de la loi de bioéthique rend nécessaire la mise au point proposée par ce manuel. Le projet de loi doit être examiné en janvier 2019. Il sera rédigé sur la base du travail des états généraux de la bioéthique. C’est pourquoi il est essentiel que chacun y participe. Nous voulons informer le grand public sur cette question et l’inciter à participer au débat public pour soulever les problématiques posées par la conception artificielle des êtres humains. 

Parler de la PMA dans ce contexte-là est assez compliqué, puisque cette année le débat sera centré sur l’ouverture de cette pratique aux couples de femmes et aux femmes célibataires et nous serions tentés de nous focaliser sur ce point. En réalité, si nous allons vraiment dans le sens du respect de l’enfant, c’est la PMA en général qu’il faudrait remettre en cause. 

La « PMA pour toutes » sera en haut de l’affiche médiatique. Elle a d’importantes implications sociales, notamment sur le plan de la filiation. Et même si la Fondation Jérôme Lejeune défend l’idée que la PMA n’est pas un geste médical à proprement parler, reste que jusqu’à présent, elle était limitée dans sa pratique par un certain nombres de verrous médicaux... lesquels sauteraient avec l’autorisation de la PMA pour toutes, qui nous fait entrer dans une logique où l’acte médical doit obéir au désir social de n’importe quel couple ou personne seule. Mais notre manuel montre comment la PMA est déjà un problème, même lorsqu’elle est réservée aux couples hétérosexuels, parce qu’elle est une négation de la dignité de l’embryon et dissocie la sexualité et la procréation, ce qui est le lien fondamental d’un couple humain. 

N’est-il pas trop tard pour se battre sur la question de la PMA « pour toutes » dans la mesure où des personnes célibataires peuvent déjà adopter des enfants ? N’est-ce pas là l’une des racines du problème ? 

L’adoption par les personnes célibataires est l’accueil d’un enfant qui est déjà là, qui existe, et qui a été privé de ses parents par les accidents de la vie. La PMA est dans une logique inverse : logique de production d’un enfant à qui l’on donne naissance en le privant volontairement d’un ou de deux parents. 

 

Est-ce que cet argument de l’importance de ne pas dissocier sexualité et procréation est recevable par un public non-croyant ?  

Il est évident que cet aspect est plus difficile à comprendre. Mais au-delà de la conception catholique du couple et de la famille, reste l’idée fondamentale que la vie de l’enfant n’est pas à proprement parler produite par les parents. C’est toute la différence que nous devons faire entre une logique d’accueil de la vie et une logique de projet. Quand on préserve le lien entre la sexualité et la procréation, l’enfant arrive d’une certaine façon, «malgré » les parents. Ces derniers se donnent l’un à l’autre par amour, ou par plaisir, mais ils posent un acte et cet acte, malgré eux, a une conséquence possible qui est la naissance de l’enfant. Celui-ci est, dès sa conception, une personne à part entière. Les adultes, quant à eux, doivent alors se comporter comme tels, c’est-à-dire en étant responsables de leurs actes et en assumant les conséquences. Il n’y a pas besoin d’être croyant pour mesurer l’importance de la responsabilité. Je crois aussi que tout le monde peut comprendre combien il est dangereux de faire de l’enfant un projet. Car un projet, par définition, est fluctuant, parce qu’il n’existe pas encore, il est un désir pour l’avenir. Or l’enfant n’est pas un désir, c’est un être qui existe réellement. 

Et si l’on change d’avis ? C’est ce qui se passe dans le cadre de la PMA, avec les embryons surnuméraires qui sont congelés pendant cinq ans. Si le couple désire un autre enfant, on implante l’un de leurs embryons congelés... Mais si le couple n’a plus de « projet parental », les embryons sont détruits. C’est vraiment faire de l’enfant un objet que les parents prennent ou jettent en fonction de leurs envies. 

Il y a quand même de nombreux couples qui ont le désir sincère de fonder une famille et qui ne changent pas d’avis comme de chemise. Dans le cas de l’infertilité, la PMA, au fond, ne fait que pallier une pathologie et la technique ne fait que reproduire ce que, normalement, la nature aurait dû permettre. Est-ce vraiment un problème ?

Aujourd’hui en France, les chiffres sont impressionnants puisqu’à peu près 1 enfant sur 35 est désormais conçu par PMA. Nous ne disons pas que les parents qui ont recours à ces techniques sont égoïstes ou qu’ils ne respectent pas leur enfant. Mais nous dénonçons la logique qui sous-tend la PMA. La possibilité technique de produire un enfant nous a fait croire que le désir d’enfant pouvait devenir un droit à l’enfant. Et c’est cela qui est en jeu. Un couple infertile vit une souffrance humaine et médicale immense. Mais même si l’intention de fonder une famille est bonne, la fin ne justifie pas pour autant les moyens qui sont intrinsèquement mauvais parce qu’ils ne respectent pas le développement naturel de l’enfant, qu’ils conduisent à la sélection embryonnaire, c’est-à-dire à la mort des embryons qui ne sont pas implantés. On estime qu’entre 20 et 30 % des embryons surnuméraires sont détruits dans ces conditions, ce qui est énorme. Nous voulons expliquer que le désir d’enfant est bon mais que la PMA n’est pas un moyen juste pour y parvenir.

Si le désir de fonder une famille est louable, que dire aux couples qui ne parviennent pas à avoir un enfant ?

Il existe aujourd’hui d’autres méthodes qui sont encore méconnues. Nous ne prétendons pas qu’elles permettent à n’importe quel couple infertile de parvenir à concevoir un enfant, ce serait mensonger. Mais certaines médecines alternatives sont en plein essor et permettent dans de nombreux cas de pallier l’infertilité. Depuis une trentaine d’années aux États-Unis et une dizaine d’années en France se développe la NaProTechnologie, une médecine de restauration naturelle de la fertilité qui vise les mêmes objectifs que la PMA mais ne substitue pas la technique et la médecine à l’union du couple. Cette méthode se fonde sur l’observation du cycle de la femme et du fonctionnement du couple et va chercher les causes de l’infertilité. L’infertilité a souvent plusieurs facteurs et elle n’est pas toujours irréversible. Grâce à un travail d’observation, complété par des traitements hormonaux ou des actes de microchirurgie, la NaProTechnologie peut parvenir à restaurer la fertilité.

Vous mettez en avant les dérives possibles de la PMA mais, avec les progrès de la médecine, on pourrait envisager d’ici quelques années une PMA plus efficace qui ne nécessiterait pas de produire plusieurs embryons pour n’en implanter qu’un seul. Il n’y aurait donc ni tri embryonnaire ni abandon et destruction des embryons surnuméraires. Bref, nous pourrions envisager une « PMA éthique »...

La PMA ne sera jamais éthique parce qu’en amont des problèmes de sélection et de destruction embryonnaire, cette manipulation de la vie est une violence faite à l’embryon. En sortant l’enfant à l’origine de sa vie du corps maternel, la technique le rend disponible. À ce moment, la main du biologiste a tout pouvoir sur l’embryon qui n’a encore que quelques cellules. En faisant de l’embryon une petite chose que l’on produit en laboratoire, on en fait une sorte d’œuvre d’un artisan qui a pouvoir sur lui, objet à qui le médecin donne la vie. 

Par ailleurs ce que nous permettent d’observer les différentes évolutions des lois de bioéthique, c’est qu’à chaque fois, la loi tente d’imposer certaines limites, un cadre pour rendre les pratiques éthiques. Et tous ces verrous sautent progressivement en fonction des avancées techniques, transformées par le marché en offres « médicales » et des demandes sociétales qui en découlent. C’est donc se leurrer que de penser que l’on arrivera un jour à une « PMA éthique », sans aucun tri embryonnaire ni dépistage prénatal. C’est la mentalité qui préside à ces lois de bioéthique qui ont rendu l’embryon « disponible » pour répondre aux désirs des adultes. Or, que veulent-ils ? Un enfant en bonne santé, et la chance d’avoir rapidement une deuxième fécondation in vitro si la première n’a pas marché. La PMA donc nécessite la production de plusieurs embryons, non pas parce que l’on ne sait pas techniquement en produire un seul, mais parce qu’elle est dans une logique d’efficacité, pour que l’on puisse répondre le plus rapidement possible à la demande des parents. De la même manière, les dépistages préimplantatoires et prénataux se développent parce que la société ne veut pas d’enfants mal formés. Avec un seul embryon, ce tri n’est pas possible, à moins de refaire tout le parcours de ponction d’ovocyte, sélection du sperme et fécondation des gamètes qui est très long. On pratique donc la PMA aujourd’hui en faisant un tri embryonnaire dramatique non pas parce que l’on ne sait pas faire autrement mais parce que l’on ne veut pas faire autrement, par économie et parce que les chercheurs veulent pouvoir disposer d’embryons surnuméraires pour développer la recherche sur l’embryon très prisée en France. »

Pour faire une demande du manuel, physique ou en PDF, se rendre dur le site de la Fondation Jérome Lejeune.

Ref. Un manuel pour tout comprendre sur la Procréation Médicalement Assistée

JPSC

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