France : pourquoi un « concordat » avec l'islam est impossible (15/02/2018)

Pour réformer l’islam de France, Emmanuel Macron veut s’inspirer du régime napoléonien qui prévaut en Alsace-Moselle. Baroque. Un article de Henrik Lindel et Pascale Tournier sur le site de « La Vie » :

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« Chirac, Sarkozy, Hollande… Tous les présidents ont voulu réorganiser l’islam de France. Et tous ont échoué. Créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, le Conseil français du culte musulman (CFCM), dont les membres du bureau doivent être réélus en 2019, est un échec cuisant. Miné par les divisions internes, affaibli par son absence de représentativité, placé sous l'influence politique et économique des pays étrangers, le CFCM fait figure de repoussoir… Emmanuel Macron peut-il déjouer la malédiction ? 

Dans le Journal du Dimanche du 11 février, le chef de l'État a une nouvelle fois assuré qu'il réfléchissait à ce dossier brûlant. Voulant « poser les jalons de toute l'organisation de l'islam de France » durant ce premier semestre 2018, il considère qu'il faut « s'inspirer fortement de notre histoire, de l'histoire des catholiques et de celle des protestants ». Le but étant d'améliorer la relation entre l’État et l’islam pour mieux combattre l’islam radical. Encore faut-il inventer une structure représentative qui tienne la route.

Un « nouveau concordat »...

Pour sortir de l’impasse, Emmanuel Macron envisage un « nouveau concordat ». Une idée qui a largement de quoi surprendre. D'abord parce qu'au sens strict, le terme renvoie à un régime spécifique, uniquement en vigueur en Alsace et en Moselle. Il y reconnaît et y organise actuellement les cultes catholique, luthérien, réforme et israélite. Les évêques de Metz et Strasbourg sont nommés par décret du président de la République après accord du Saint-Siège, les grands rabbins et les pasteurs sont nommés par le Premier ministre et ils ont un statut de fonctionnaires. Ce régime permet de salarier les ministres des cultes. L’État a ainsi une possibilité d'exiger une sorte de contrepartie des cultes ainsi reconnus. L'islam, lui, a seulement un statut d'association de droit local alsacien-mosellan, qui lui permet quand même de bénéficier de fonds publics, par exemple pour construire des mosquées, ce qui est impossible dans le reste de la France.

On pourrait sans doute étendre ce statut privilégié à l'islam en Alsace et Moselle (si on trouve une organisation musulmane représentative), mais on voit mal comment imposer un concordat à nouveau à l'échelle de la France. Et le faire seulement pour l'islam. Il semble en effet difficile d'imaginer que les imams de France soient salariés par une république qui, selon la loi de 1905… ne reconnaît aucun culte.

Si cette hypothèse d'un nouveau concordat semble bien baroque, sans doute Macron veut-il d’abord s’en tenir à la charge symbolique du mot et à sa référence napoléonienne. Le concordat d'Alsace-Lorraine est en réalité un reliquat du Concordat français. Autrement dit d'un traité conclu en 1801 entre deux chefs d’État, le Premier consul et le pape Pie VII… puis étendu aux autres cultes, avant d'être abrogé en 1905 par la loi de séparation des Églises et de l’État, sauf en Alsace et Moselle, alors sous contrôle allemand.

Derrière l’expression pompeuse du « nouveau concordat », se cacherait finalement le principe d’une plus grande intervention de l’État d'abord dans la question des financements. Sous l’influence d’Hakim El Karoui, auteur de l’étude « Un islam français est possible » pour le compte de l’Institut Montaigne et qu’Emmanuel Macron a consulté, l’exécutif réfléchit à l’instauration d’une taxe sur le halal pour créer des financements français (via une association cultuelle qui pourrait être mise en place).

Et un grand imam de France ?

Autre idée en discussion : création d’un grand imam de France, sur le modèle du grand rabbin et que plaide Hakim El Karoui dans son livre L’islam, une religion française (Gallimard, 2018). Ce modèle évoque, à son tour, le principe d’un consistoire, à l’instar de celui qui fut créé pour les juifs de France par Napoléon en 1808 et qui est toujours de vigueur. On peut noter que l’empereur soumit d’abord à une Assemblée des notables juifs douze questions critiques qui permirent de vérifier que leur religion est bien compatible avec le Code civil. Ces questions portaient notamment sur les règles du mariage, par exemple la possibilité d’épouser quelqu’un d’une autre religion, et la façon dont les juifs nés en France percevaient leur patrie. Assez étrangement, 210 ans après, si on remplaçait le mot « juif » par « musulman », certaines d’entre elles ne manqueraient pas de pertinence aujourd’hui.

Le dernier axe de travail privilégié par le gouvernement est la formation des imams.  Un chantier qui n'a rien de nouveau. C'est dans cet esprit que les pouvoirs publics ont favorisé l'émergence de formations civiles certifiantes portées par les universités. En 2008, sept diplômes universitaires (DU) ont été lancés à Lyon, Strasbourg, la catho de Paris, Montpellier… À la rentrée de 2018, on comptabilisera 18 DU qui formeront 450 étudiants. 

Pour favoriser l’émergence d’un « islam cultivé », Jean-Pierre Chevènement, qui préside la fondation de l’islam de France, veut aller plus loin avec la création d’une université de théologie musulmane en Alsace-Moselle sur le modèle des deux facultés de théologie catholique et protestante qui font partie de l’Université de Strasbourg. Un centre de théologie catholique est aussi intégré à l’Université de Lorraine. « L’enseignement de haut niveau est la question principale », estime l’ancien ministre de l’Intérieur qui en appelle à une « laïcité pragmatique ».

L’idée de créer un centre universitaire d’enseignement de l’islam est en gestation depuis plusieurs années. En 2003, dans le cadre de la commission Stasi, François Baroin, mentionnait ce projet, qui a ensuite été repris en 2006 par le rapport Machelon puis en 2010 par la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral. Un véritable serpent de mer. »

Ref. Pourquoi le « concordat » avec l’islam est impossible

Un concordat ? A priori, pourquoi pas mais le problème avec l’Islam est qu’il n’existe aucune structure représentative susceptible de s’engager  au nom de ceux qui le professent.

Dans le système belge, l’Etat, sous certaines conditions, reconnaît - outre la laïcité -  six cultes dont l’Islam (depuis 1974 !) et,  à ce titre, s’engage à les protéger et à les subsidier. Mais force est de constater que, s’agissant du culte islamique, la Belgique n’a pas réussi à mettre en œuvre ses engagements faute d’interlocuteur incontestablement représentatif.

Une chose  est de décréter l’existence d’un islam gallican, une autre d’être réellement suivi par les adeptes de cette foi religieuse.

JPSC  

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