Le grand héritage de saint Patrick (17 mars) (17/03/2023)

SAINT PATRICK ET L'IRLANDE (source)

Saint Patrick pourrait être considéré comme le Père de la grande Évangélisation de l’Occident. Le roi Baudouin de Belgique y a fait allusion alors qu’il s’adressait aux Irlandais. On cite ses paroles dans ce beau livre que le cardinal Suenens a consacré à ce roi mort comme un saint en 1993. « Aux Irlandais, je leur ai dit combien nous aimions l’Irlande. Vous savez, leur dis-je, que l’Irlande est connue pour sa foi, et que ce sont des Irlandais qui ont converti l’Europe au Christianisme. Ne perdez pas votre Foi. Gardez-la précieusement. »

Le roi Baudouin faisait allusion à ces moines irlandais qui avant l’an mille ont parcouru, comme saint Paul, des régions éloignées qu’ils ont transformées par leur prédication enthousiaste et la fondation de nombreux monastères.

Saint Patrick (ou Patrice) serait né en Angleterre vers 385. À 16 ans, capturé par des pirates, il est vendu comme esclave en Irlande. On raconte qu’il était chrétien, mais pas très fervent. Or son exil en Irlande où il est tenu captif lui aurait permis justement de réfléchir au point que ces années « ont été les plus importantes de ma vie ». Patrick devient fervent et se décide d’apprendre la langue gaélique pour pouvoir convertir les Irlandais. Son malheur devient son bonheur. Mais il croit bon d’approfondir sa foi catholique. Il réussit donc à s’évader et à se rendre en Gaule (en France) où il reçoit une bonne formation auprès de saint Germain d’Auxerre, puis dans le célèbre monastère de l’île de Lérins qui existe toujours sur la Côte d’Azur.

En 432, l’ancien esclave revient donc en Irlande en libérateur des âmes. Évêque d’Armagh, il sort les Irlandais de l’obscurantisme. Ce n’est pas très facile pour lui et ses compagnons de lutter contre l’influence des druides. Il a heureusement la bonne idée de commencer par amener au Christ les personnages importants, ce qui lui facilite rapidement les choses pour ouvrir le cœur des Irlandais en général et leur permettre de saisir le sens profond de la vie et de la mort et de comprendre que l’on ne peut être vraiment humain que si l’on est charitable et généreux en adhérant à l’Évangile et en vivant de la vie même du Christ. Les Irlandais se montrent en effet généreux et lui offrent des terres pour construire des églises et des monastères. Comme Patrick est un évêque convaincu et exemplaire, un grand priant et un homme plutôt ascétique, il réussit à bien évangéliser et à entraîner déjà à sa suite des foules de jeunes. Saint Patrick meurt finalement le 17 mars 461. Cette vie de saint Patrick, même si elle tient de la légende, demeure fort inspirante et même très belle.

Saint Patrick est donc devenu le saint national de l’Irlande, où vivent aujourd’hui moins de cinq millions d’Irlandais, et au moins quinze millions d’autres en Amérique du Nord, dont de nombreux francophones. J’étais bien jeune en 1932, mais je me souviens vaguement que mes deux oncles irlandais (francophones) parlaient avec étonnement des cérémonies fabuleuses qui marquaient le quinzième centenaire officiel de son arrivée dans l’île, car l’Irlande est une île, n’est-ce pas? Saint Patrick venait de la Gaule mais il était né en Bretagne, près de Carlisle, donc en Angleterre. C’était en principe un Anglais! Or on sait que depuis 800 ans, l’Irlande a eu à souffrir de « la domination et de l’oppression constante de l’Angleterre depuis la première conquête anglo-normande en 1169-1171 ». Les conquêtes successives de l’île par les Anglais, catholiques jusqu’en 1541, étaient provoquées par un double intérêt économique et stratégique. Après la rupture du roi Henry VIII avec la papauté, l’envahisseur anglais a imposé sans succès 2 sa foi anglicane dès 1541. Si bien que les deux principales grandes églises gothiques de Dublin étaient encore il y a quelques années aux mains de l’Église d’Irlande (i.e. l’Eglise anglicane) bien que les anglicans y soient très peu nombreux. En effet, des Irlandais catholiques me disaient en 1976 qu’ils attendaient patiemment que les anglicans se décident à leur rendre au moins un de ces deux édifices magnifiques presque déserts le dimanche. Espérons que le problème s’est réglé depuis à l’amiable sous l’influence du mouvement œcuménique.

En 1961, les Irlandais ont célébré de façon fantastique l’anniversaire de la mort de saint Patrick quinze siècles plus tôt. Savez-vous, d’autre part, que les Irlandais furent extrêmement nombreux pour accueillir en 1979 le pape Jean-Paul II lors de l’un de ses premiers voyages? Des foules immenses comme on en avait rarement vues dans l’histoire de l’humanité se sont réunies pour acclamer le pape, l’écouter et prier avec lui. Il faut dire que ce pape émerveillait le monde entier par sa stature, son intelligence et sa grande foi depuis son élection récente. Je me souviens d’ailleurs de cette élection comme si c‘était hier. J’étais sur la Place Saint-Pierre attendant la fumée blanche qui annoncerait l’élection. Je venais de terminer à Turin le tournage d’un film d’une heure sur le Saint Suaire. Ce fut pour le monde entier comme pour moi une étrange sensation d’apercevoir en fin d’après-midi, le 18 octobre 1978, cette fumée blanche, et un peu plus tard l’apparition du cardinal Woytila en soutane blanche qui déclara en parfait italien: «N’ayez pas peur !». Or j’imagine facilement que les Irlandais, gens courageux s’il en est, ont eu la même joie en le voyant fouler le sol de leur île, « l’Île des Saints ». C’était la première fois qu’un pape les visitait en 1500 ans. Et bien que les Irlandais ne soient en Irlande que trois ou quatre millions, ils se sont presque tous déplacés pour accueillir celui qui est le signe porte-étendard de leur foi catholique qu’ils n’ont jamais accepté de renier. Plus d’un et même deux millions d’irlandais ont tenu à l’accueillir. Quel peuple fidèle! Mais quel peuple martyr.

Persécutés depuis des centaines d’années, les Irlandais ont vu les colons anglo-écossais débarquer sur leur île par vagues au XVIe et XVIIe siècles. Il s’en est suivi évidemment des rébellions et des insurrections de catholiques expropriés et dépossédés (comme nos frères Acadiens au XVIIIe siècle), auxquelles succédaient les répressions sanglantes des troupes anglaises. Les descendants de ces envahisseurs occupent aujourd’hui surtout l’Ulster, six comtés au Nord de l’île. Ils n’ont pas voulu pour la plupart participer à l’Indépendance du reste de l’Irlande il y a 80 ans, craignant sans doute les catholiques; mais surtout ils voulaient demeurer fidèles à la Couronne d’Angleterre. Pourtant, on sait que les protestants et les anglicans qui ont accepté l’indépendance sont bien traités en Irlande libérée. J’en ai été témoin moi-même en participant à des soirées chaleureuses avec des jeunes gens des diverses confessions en banlieue de Dublin, en compagnie du Provincial des Jésuites, il y a 25 ans.

La suprématie anglo-protestante réglée au XVIIe siècle, les Irlandais catholiques n’eurent, au cours des siècles suivants, le choix qu’entre la soumission, l’insurrection (1796, 1803, 1848, 1867, etc.; autant d’échecs) ou l’exil par millions (deux millions lors de la Grande Famine 1845-51). Ce terrible exil nous a valu au Québec de très nombreux Québécois « de souche » aux noms irlandais: O’Neil, O’Donoughue, O’Leary, Reid, Ryan, etc. Ils ont traversé l’océan dans des circonstances abominables et ont survécu de justesse. Ces rescapés de la Grande Famine sont aujourd’hui près de 20 millions dans le monde. Voilà un grand peuple exilé, comme nous les Québécois qui serions plus de 10 millions aux Etats-Unis. Nous avons bien des choses en commun dont cette foi catholique qui nous a maintenus «libres». Nous les avons 3 d’ailleurs bien accueillis alors qu’ils nous arrivaient très malades par ce fleuve Saint-Laurent. Plusieurs d’entre nous, Québécois des deux langues, sommes morts à la tâche. Nous ne le regrettons pas. Nous en sommes même fiers. D’ailleurs, ils ont construit au milieu du XIXe siècle, au cœur de Montréal, boulevard René-Lévesque, une très belle basilique évidemment dédiée à Saint Patrick. Il faut voir cela. Il y a grand’messe à 11 heures le dimanche. C’est plein de monde, plein de jeunes, même en 2004. C’est là que fut baptisé en 1879 notre poète Émile Nelligan.

La foi de saint Patrick s’est traduite plus de quinze siècles plus tard dans les discours admirables de Jean-Paul II en Irlande : « Je suis heureux de marcher parmi vous – sur les traces de saint Patrick et dans le sillage de l’Évangile qu’il vous a laissé en grand héritage ». Le pape a exhorté les Irlandais, qui ont envoyé des milliers de missionnaires à travers le monde, à se reévangéliser : « Soyez des convertis! ». Jean-Paul prêcha la paix et qu’il fallait remédier aux injustices. Il poursuivait l’évangélisation de l’Irlande entreprise par saint Patrick en insistant sur le fait que la haine ne mène nulle part. La haine n’a rien à voir avec l’évangile, au contraire. Les difficultés qui ne cessent de surgir en Irlande dans les rapports entre les partisans de l’indépendance de toute l’Irlande et ceux qui s’y opposent sont animés non par leur foi chrétienne mais par d’effroyables incompréhensions partisanes de nature politique, d’oppression et d’injustices. Seul l’évangile vécu à la façon de saint Patrick et de Jean-Paul II saura guérir les blessures et établir la paix et l’union. Puisse l’Irlande unifié vivre dans la paix !

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