Quand Rome tente de recadrer des jésuites allemands (12/10/2018)

Anne-Bénédicte Hoffner (avec katholisch.de) sur le site du journal La Croix :

Bras de fer entre Rome et les jésuites allemands

La Congrégation pour l’éducation catholique bloque la réélection du recteur de la Faculté jésuite de théologie Saint-Georges de Francfort.

Elle lui reproche des propos sur l’homosexualité tenus dans une interview et exige de lui une déclaration publique d’adhésion à la doctrine de l’Église.

« Mon impression est que (l’attitude négative de l’Église à l’égard des homosexuels) s’enracine parfois dans une mauvaise compréhension de certaines affirmations de la Bible. Par exemple, dans la lettre de Paul aux Romains. Les relations homosexuelles dans l’Antiquité étaient de fortes relations de dépendance et de subordination. L’amour devrait être une relation égalitaire et libre, jamais sous la menace. C’est ce que Paul a voulu dire, selon moi ».

Pour ces propos, tenus le 14 octobre 2016 dans le Frankfurter Neue Presse, le père Ansgar Wucherpfennig, 52 ans, jésuite et recteur de la Faculté catholique de théologie Saint-Georges, à Francfort, risque de « perdre son poste », selon la presse locale.

En effet, après sa réélection pour un troisième mandat de recteur, en février, le père Wucherpfennig s’est vu refuser son nihil obstat, cette approbation romaine indispensable pour exercer une telle fonction. Fin septembre, le père Wucherpfennig a donc prévenu ses collègues de l’impossibilité pour lui de reprendre son poste au 1er octobre.

Dans un communiqué de presse conjoint, l’évêque de Limbourg, Mgr Georg Bätzing, et le provincial des jésuites en Allemagne, le père Johannes Siebner, confirment que le Vatican reproche au recteur ces déclarations qui « ne sont pas conformes aux enseignements de l’Église ». Tous deux lui réaffirment aussi leur soutien et leur souhait qu’il reste recteur, tandis que plusieurs autres prêtres et organisations catholiques font également part de leur incompréhension.

Correction publique immédiate

Au Vatican, la Congrégation pour l’éducation catholique exige « une correction publique immédiate », relate le père Johannes Siebner, dans un entretien au site d’information de l’Église catholique allemande. Le recteur doit déclarer publiquement son adhésion à la doctrine de l’Église sur « l’ordination sacerdotale, réservée aux hommes » et sur « l’évaluation morale des actes homosexuels ».

Une demande à laquelle l’intéressé refuse de se soumettre, défendu en ce sens par son provincial, pour qui le père Wucherpfennig n’a fait qu’« aborder des réflexions bibliques-théologiques sur l’homosexualité »« Il pose la question scientifiquement pleinement justifiée de ce que Paul veut dire quand il écrit dans l’épître aux Romains sur l’homosexualité. »

Diaconat féminin

Sur le diaconat féminin, le provincial défend encore le recteur, assurant qu’il n’a fait que « suggérer de réfléchir de manière générale aux tâches sacramentelles et liturgiques du diaconat ».

Dans le même entretien au Frankfurter Neue Presse, Ansgar Wucherpfennig suggérait d’ouvrir davantage les responsabilités dans l’Église à des non-clercs et qualifiait également de « problématiques les sociétés masculines » établies à l’intérieur de l’Église en raison du célibat. Estimant que la réflexion demandée par le pape sur le diaconat féminin n’est « pas suffisante », il s’interrogeait par exemple sur le fait de ne plus réserver aux hommes le sacrement de la confession.

Une « affirmation de pouvoir » du Vatican

Le supérieur des jésuites en Allemagne critique l’attitude de Rome dans ce dossier, dénonçant une « affirmation de pouvoir »« Un processus normal aurait été de demander – après avoir lu l’entretien avec le père Wucherpfennig – ce qu’il a voulu dire », s’agace-t-il.

De plus, le Vatican exige que cette déclaration publique soit faite « dans les mêmes formes », autrement dit dans un nouvel entretien au Frankfurter Neue Presse. « J’ai répondu qu’une telle interview n’est pas possible sans créer directement un scandale. Et que je n’agirais certainement pas sous cette forme sur le père Wucherpfennig », précise déjà son supérieur, pour qui cette affaire laisse à penser que « rien n’a été remarqué ou compris quant à la discussion en cours sur les abus de pouvoir » dans l’Église…

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