François à Abu Dhabi : "cela rappelle un peu le voyage de Jean Paul II en Pologne, il y a 40 ans, quand on croyait le communisme inébranlable" (07/02/2019)
“Comme des frères qui s’aiment“ : l’appel du pape et du grand imam d’Al-Azhar
Pour ma part, je retiens deux ou trois choses essentielles. Que le voyage, longtemps impossible et même impensable, a eu lieu. Qu’il a occasionné peut-être le plus grand rassemblement des Émirats arabes unis, donnant aux communautés chrétiennes de ce pays une visibilité et une espérance extraordinaires. Cela rappelle un peu le voyage de Jean Paul II en Pologne, il y a 40 ans, quand on croyait le communisme inébranlable. Mais le voilà, le printemps arabe ! Le vent que ce voyage a fait souffler ne peut être arrêté par les champs de mines et les polices politiques. Il traversera une péninsule desséchée par l’argent fou, par la guerre sauvage, et par l’obscurantisme le plus extrême et le plus hypocrite. Certes, il ne renversera peut-être pas la tyrannie assassine des Séoud. Certes, il en faudra plus pour mettre fin aux souffrances des Yéménites. Et ce n’est pas demain que les travailleurs – souvent chrétiens et souvent esclaves – qui construisent les palais et les gratte-ciel de la région verront leur liberté et leur dignité reconnues. Mais ce voyage a fait sauter bien des tabous. La déclaration commune du pape et du grand imam d’al-Azhar est d’une audace claironnante, même si Ahmed al-Tayeb n’est guère qu’un rouage d’un système politico-religieux sous contrôle. Pluralisme spirituel, liberté de croyance, droits des femmes, condamnation du terrorisme et de toutes les formes d’intimidation… Tout y est.
Cela rappelle un peu le voyage de Jean Paul II en Pologne, il y a 40 ans, quand on croyait le communisme inébranlable.
L’autre élément important, c’est la cohérence du message, servi par une grande liberté de ton. On réclame souvent, et à juste titre, la réciprocité des droits. Si les musulmans ont depuis 100 ans une grande mosquée à Paris, on attend que les chrétiens aient une église à Médine ou à La Mecque. Et l’on sait que, même aux Émirats, le contrôle reste draconien, sans parler de l’interdiction de toute conversion. Mais quand le pape explique que la liberté de religion ne se réduit pas à l’exercice du culte, son message a une portée qui va bien au-delà de ce pays et bien au-delà du monde arabe. S’il s’adresse à ces peuples étouffés, il concerne aussi les sociétés sécularisées, au sein desquelles on tente de plus en plus de confiner la foi dans la sphère privée.
François n’ignore pas que, du Maroc à la péninsule Arabique en passant par l’Algérie, les migrants, ce sont les chrétiens.
La liberté de conscience et d’expression ne se divise pas. Elle demeure un droit universel. Là-bas comme chez nous. De même, quand le pape parle des droits des pauvres et des migrants, l’Europe souvent tousse. Sûrement, c’est parce qu’il est argentin et ne connaît pas nos problèmes ! Or François n’ignore pas que, du Maroc à la péninsule Arabique en passant par l’Algérie, les migrants, ce sont les chrétiens. Là encore, son message est très cohérent. François s’est exprimé, comme ses prédécesseurs, en héraut de l’universel et en conscience du monde. À l’heure où l’on ne plaide guère que pour les droits de son nombril, son invitation à « défendre les droits des autres » mériterait d’être méditée et entendue. Tel est le message d’Abu Dhabi.
Lire aussi : « La visite du pape apporte le message du Christ dans un pays musulman »
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Commentaires
merci de vos lignes ! J'ai été ému en suivant depuis New York ce tte visite historique ! L'accueil des "hommes en blancs", si digne et fraternel, avec l'escorte à cheval, mise à l'amble, portant les couleurs du Vatican au vent de cette terre, avait quelque chose de grand et de prophétique.
Les paroles du successeur de Pierre dans l'avion du retour, aussi, rendaient compte de ce "passage" de Dieu chez Ses fils, se donnant la main, dans une rencontre de coeur à coeur.
Un "présent" historique pour lequel nous rendons grâce, ensemble !
Écrit par : lafforest | 07/02/2019