Sur quelle conception de l’homme notre civilisation se base-t-elle ? (28/02/2019)

Du site genethique.org :

LA RÉVOLUTION ANTHROPOLOGIQUE

 

A l’occasion du colloque organisé au Sénat, le 23 février 2019, par la fédération européenne One of Us, quarante organisations issues de dix-neufs pays ont lancé une plateforme culturelle qui, selon les termes du philosophe Rémi Brague, « veut tirer au clair la conception de l’homme sur laquelle repose notre civilisation ». Le Professeur Assuntina Morresi, neurochirurgien, professeur associé de chimie physique à l'Université de Pérouse, membre du Comité national de bioéthique italien, chroniqueuse à l’"Avvenire", est revenue sur les enjeux anthropologiques majeurs que les sociétés européennes doivent affronter.

Il n’y a pas de doute : la révolution anthropologique affecte notre société chaque jour davantage. Les fondations de l’être humain sont passe d’être redessinées. Elles se modifient en général au fur et à mesure de l’apparition des nouvelles technologies biomédicales. L’ancienne utopie d’un « nouvel homme » que nous avons dramatiquement expérimentée durant les totalitarismes du dernier siècle est en train de revenir sous la forme de la technoscience. Les hommes conçoivent une nouvelle idée de l’être humain non plus par le biais des essais sociaux expérimentés avec le nazisme ou le communisme, mais en utilisant des applications technologiques sophistiquées.

La PMA, un engrenage

Le cœur de cette nouvelle approche est certainement la naissance de Louise Brown, il y a 41 ans, première née d’une conception in vitro.

Merci à la FIV, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il a été possible pour une femme de donner la vie à un enfant qui n’était pas le sien. En fait, ce n’était pas le cas de Louise Brown. Mais au moment précis de sa naissance, il est devenu extrêmement clair pour tous que sa naissance ouvrait la voie au transfert dans le ventre d’une femme d’un embryon conçu in vitro avec les ovocytes d’une autre femme.

La science a de cette façon jugé qu’il n’y avait pas une façon unique de devenir mère. Aujourd’hui, un enfant peut avoir deux types de mères : génétique et gestationnelle. Et il n’y a aucun critère pratique pour déterminer qui est la vraie mère : juste un contrat, comme celui connu sous le nom de consentement éclairé, supposé déterminer qui est la mère légale de l’enfant.

La fécondation hétérologue est celle où la mère qui donne naissance est aussi celle qui élève l’enfant. Dans ce cas, la mère génétique est une simple « donneuse » de gamètes. Si la femme qui donne la vie abandonne l’enfant à sa mère génétique, ou à une troisième mère, ce sera un cas de « ventre-à-louer ».

Une parentalité fondée sur le contrat

C’est le point de départ de la grande révolution anthropologique de notre temps : le père biologique reste unique, mais les mères possibles sont deux. Etre parent ne veut plus dire désormais générer physiquement l’enfant, mais avoir l’intention de l’élever. Le problème tient aux parents d’intention, une situation qui génère beaucoup d’implications formelles. Seul un contrat par exemple, peut établir qui sont les parents légaux, qu’ils soient aussi ou non les parents biologiques.

Devenir parents par contrat a trois conséquences immédiates. La première, c’est que le contrat est habituellement un genre neutre : ce qui importe c’est l’intention commune d’avoir un enfant, et pas le sexe des parents d’intention. La parentalité revendiquée par les couples de mêmes sexes découle de cette condition et engendre de nouveaux modèles de familles, comme les familles arc-en-ciel, qui se diffusent. Par-dessus tout, une idée devient  significativement courante. Elle considère que la famille n’est pas un modèle unique, une identité singulière, comme celle que l’être humain a toujours connue : un homme, une femme qui conçoivent ensemble un enfant. Aujourd’hui, les sociétés proposent des modèles de famille différents : elles dépendent du type de contrat.

Au centre de cette nouvelle idée de la famille, il n’y a plus l’enfant, avec son droit de grandir entre une mère et un père liés par une relation stable, mais les droits individuels des parents, le droit d’individus uniques, d’élever un enfant, seuls ou ensemble, avec ceux qui en manifestent la volonté.

La question du mariage entre personnes de même sexe n’est pas un problème moral, mais un problème anthropologique, un problème pour toute la société.

Une parentalité intentionnelle et… éphémère

J’ai mentionné trois conséquences de la parentalité d’intention et j’ai expliqué la première. Les deux autres sont aussi anthropologiques. Si vous êtes parents simplement parce que vous avez l’intention d’avoir des enfants, Alors il n’est pas nécessaire…n’est pas nécessaire d’être deux, vous pouvez être beaucoup plus. En Californie par exemple, une loi a jugé depuis 2013 qu’au nom de l’intérêt supérieur des enfants, un juge puisse ajouter un troisième parent.

Etre parent par contrat signifie aussi que vous ne l’êtes pas pour toujours. Un contrat étant basé sur la volonté des personnes qui le signe, il peut ne pas être valable pour toujours. Un fils peut aussi décider de divorcer de ses parents, il peut dire : « tu n’es plus mon père, tu n’es plus ma mère ». Un contrat peut être rompu, annulé, quand un lien biologique ne peut pas l’être.

On peut objecter que les technologies de Fécondation in Vitro affectent seulement une minorité de personnes. Mais nous savons que les lois ont déjà changé dans de nombreux pays occidentaux, spécialement en Europe, parce que les références anthropologiques du modèle de famille ont changé.

L’ « hiver démographique » de l’Europe

En même temps, nous expérimentons des transformations démographiques significatives : diminution des mariages, augmentation des divorces, augmentation du nombre de naissances hors mariage, baisse du nombre de naissances en Europe. Le continent est témoin d’un « hiver démographique ».

La situation générale est sérieusement alarmante. L’idée de la famille, telle que nous avons été habitués à la penser, vit une période de très grande fragilité et le nouveau modèle anthropologique qui émerge n’arrange pas la situation.

Nous devons tout d’abord être conscients de la grande révolution anthropologique en cours. La fragilité des familles est la fragilité de notre société. Je pense que les citoyens européens devraient avoir conscience de cette grande transformation qui affecte notre société et des conséquences qui l’accompagnent.

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