Vous avez dit "sainteté de l'Eglise" ? (28/02/2019)

La sainteté de l’Eglise (source "Eglise de Bayeux et Lisieux")

La sainteté est l’une des quatre notes de l’Eglise : une, sainte, catholique et apostolique. (LG 8). Sainte non pas seulement parce que réunion des « saints » mais sainte en elle même, parce que fondée par le « Saint de Dieu », Jésus.

Le pape François disait en octobre 2013 lors d’une audience générale : « L’Eglise offre à tous le chemin de la sainteté. Interrogeons-nous alors : est ce que nous nous laissons sanctifier ? Sommes-nous aussi une Eglise qui appelle et accueille les pécheurs à bras ouverts ? ».

La sainteté de l’Eglise n’est pas évidente aujourd’hui, dans une société qui veut l’impeccabilité de ses membres, de ses institutions, de son environnement. Pourtant les textes lus et le credo nous le disent ouvertement : l’Eglise est sainte, alors comment ?

1) L’Eglise des apôtres : la sainteté des appelés

Une équipe de bras cassés choisie par Jésus, c’est la définition même des 12 apôtres, première église. 

  • Le faux dur : Pierre fut le premier apôtre à confesser la foi chrétienne : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !" (Mt 16,16) ; celui à qui Jésus promet : "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, je te donnerai les clefs du Royaume des cieux…" (Mt 16,18) Après la Résurrection, c'est encore à lui que Jésus confie d'être "le berger" de ses agneaux. Pierre, le rocher sur lequel repose l'Eglise ! Simon-Pierre a pourtant renié trois fois son Maître, par peur, au moment de sa Passion ! Relevé de sa chute, se sachant pardonné par Jésus, il reçoit de lui la mission d'affermir la foi de ses frères.
  • Les ambitieux : Jacques et Jean son frère, que Jésus surnomme "fils du tonnerre", étaient les compagnons de travail de Pierre et André sur le lac de Tibériade. Jacques appartient au petit groupe des intimes de Jésus, avec Pierre et Jean, qui furent témoins de la résurrection de la fille de Jaïre, de la Transfiguration du Seigneur et de son agonie à Gethsémani. Les deux frères n'étaient pas totalement dénués d'ambition humaine puisque leur mère vient un jour trouver Jésus pour lui demander : " Voilà mes deux fils : ordonne qu'ils siègent, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ton royaume ! " (Mt 20,21)
  • Le sceptique : Nathanaël, il dira à Philippe son scepticisme: " De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? " (Jn 1,46)
  • Le tricheur : Matthieu est un publicain réputé pour prendre un supplément sur les impôts pour le mettre dans sa poche
  • Le traitre et le voleur : Judas
  • L’incrédule : Thomas. « Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » (Jn 14,5) « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20,25)
  • Tous les apôtres, sauf Jean, abandonnent Jésus au cours de la capture, le procès, la flagellation et la crucifixion. Les disciples étaient tous coupables de lâcheté ; bien que Jésus leur ait dit tout ce qui allait lui arriver, les disciples étaient encore très effrayés, et ne veulent pas faire confiance à Jésus. Jésus a prédit sur le mont des Oliviers que cela arriverait, en citant Zacharie 13: 7: «Frappe le pasteur que les brebis se dispersent ». Le fait que les évangélistes aient laissés en évidence la faiblesse des apôtres montre que la sainteté ne vient pas des hommes, mais bien de Dieu. Jésus les a choisit pour montrer que « Pour l’homme c’est impossible, mais pour Dieu rien n’est impossible » Saint Augustin dira d’eux : « Dieu ne choisit pas des hommes saints, Il rend saint les hommes qu’il choisit ». Cela vaut pour nous tous, pour tous les chrétiens, la sainteté vient de la proximité avec Dieu et non de talents humains qui seraient mis en branle.

2) Histoire du 4ème siècle : la sainteté des sacrements

Des chrétiens qui se référaient à un certain Donat, les donatistes, voulaient refuser la validité du baptême conféré en dehors de la véritable Eglise par des « traditores (traitres) », des chrétiens qui auraient trahis la foi en livrant aux païens les vases sacrés et les livres saints pendant la persécution de Dioclétien de 303 à 305 et qui auraient voulus revenir dans l’Eglise chrétienne.

Augustin réfute la thèse des donatistes, selon laquelle, seuls des ministres sans péchés et sans trahisons peuvent validement exercer leur ministère et dispenser les sacrements. Augustin fait une différence entre la validité et l’efficacité du sacrement. Cette idée sera développée au XIIIème siècle sous l’expression « Ex opera operato » : le sacrement s’opère en dehors de l’opérateur. Autrement dit, la grâce de Dieu est donnée quelque soit l’état de grâce du prêtre. Car le Christ seul est le dispensateur des sacrements, par la main de ses serviteurs. Dans son « Commentaire de Jean », Augustin trouve cette formulation célèbre pour exprimer cette théologie :

« Quand Pierre baptise, c’est le Christ qui baptise ; quand Paul baptise, c’est le Christ qui baptise ; oui, même quand Judas baptise, c’est le Christ qui baptise. » (1)

Plus tard vers l’an 400, Augustin établit la différence fondamentale, qui servira ensuite de critère d’orientation, entre la sainteté de l’Église, corps du Christ, et le péché de ses membres qui fait que l’Église reste un « corpus permixtum (corps mélangé) » où « l’ivraie se mêle au froment, la bale au grain, les mauvais aux bons ! »(2). Les mauvais ont leur place dans l’Église, non seulement pour exercer la patience des bons, mais aussi pour les provoquer à une charité qui est un appel à la conversion (3).

Cette vision de l’Eglise est très profonde, cela est fait exprès qu’il y ait des pécheurs pour que les bons soient plus patients et que les mauvais soient corrigés par le bons. Conversion assurée pour tous.

Saint Jean Baptiste de la Salle, dira que Dieu fait exprès de mettre dans une même communauté, un maniaque et un désordonné, un gourmand et un ascèse, un intelligent et un inculte, un pieux et un peu religieux. Cela vaut aussi pour le mariage, pour le groupe de catéchèse ou catéchuménat, bref pour l’Eglise. Le bon grain et l’ivraie ne  seront séparés qu’à la moisson. Le Cardinal Journet (Théologien catholique suisse qui aura un grand rôle lors du concile Vatican II : Gaudium et Spes) dira : « L’Eglise est sainte en sa personne, pas toujours dans son personnel ».

3) L’Eglise moderne : la reconnaissance pour le péché commis

Certains aujourd’hui accusent l’Eglise d’avoir été violente dans le passé que cela soit lors des croisades, l’Inquisition ou auprès de Galilée.

En ce qui concerne les croisades, il faut déjà les replacer dans leur contexte, car tout le Moyen Âge était violent. Les croisés ont commis des violences mais en ont aussi subies, au point que les survivants, arrivés à Jérusalem, ne représentaient plus qu’un dixième, ou moins, de ceux qui avaient pris le départ. Des laïcs et des clercs sont armés et livreront batailles contre les turcs et les byzantins. Le Pape saint Jean-Paul II en 1994 puis en 2000 au seuil du troisième millénaire fera œuvre de repentance et de purification de la mémoire pour demander pardon pour ces croisades (4).

Il fera de même un procès de révision pour Galilée qui aboutira en 1992 à la reconnaissance de l’erreur des théologiens du XVIIème siècle. Déjà au XVIIIème Benoit XV avait reconnu l’erreur de l’Eglise et avait levé l’index sur les œuvres de Galilée. Les papes Léon XIII et Pie XII, ont toujours montré leur admiration pour lui.

Il reste l’Inquisition, qui a mauvaise presse encore aujourd’hui. Pourtant l’Inquisition n’était qu’un tribunal qui devait dire d’une personne si elle était catholique ou hérétique. L’Inquisition ne délivrait jamais de peines mais des pénitences comme : servir un pauvre, marquer la croix sur ses vêtements ou se flageller à la Messe. La peine elle, était toujours infligée par les autorités civiles. Il est vrai que l’Eglise fermait les yeux sur ses condamnations dans un contexte où elle était liée aux juges civils. C’est pourquoi, le Pape saint Jean-Paul II, toujours lui, a lancé en 1998 une étude sur l'Inquisition. Elle a donné lieu à la publication d'un document de 800 pages recensant les dommages causés par celle-ci et dans lequel il manifeste encore et toujours le repentir de l’Église. Dans une lettre du pape saint Jean-Paul II au Cardinal Etchegaray à l'occasion de la présentation de l’ouvrage nous pouvons y lire : « La prière que j'ai adressée alors à Dieu contient les motifs d'une demande de pardon qui vaut tant pour les drames liés à l'inquisition que pour les blessures de la mémoire qui en sont la conséquence. » (5) .

En 2014, le Pape François demande pardon aux victimes des prêtres pédophiles. Il a déclaré se sentir "dans l'obligation d'assumer tout le mal commis par quelques prêtres, un petit nombre au regard de tous les prêtres, et de demander personnellement pardon pour les dommages qu'ils ont causés en abusant sexuellement d'enfants ". Avant lui, le pape Benoît XVI avait déjà personnellement demandé pardon pour ces crimes.

Récemment le Pape François a demandé pardon pour l’implication de l’Eglise catholique dans le génocide des Tutsi, commis au Rwanda entre avril et juillet 1994.

L’Eglise demande pardon car, nous l’avons déjà abordé plus haut, elle se trouve mêlée de saints et de pécheurs.

Conclusion

Comme disait Luther, nous sommes à la fois pécheur et sauvé. Moi aussi je suis pécheur et je suis un contre exemple pour les autres. Mais je sais que je suis aimé par Dieu, sauvé par Jésus, sanctifié par l’Esprit Saint. Saint Paul le dit autrement : « Nous portons un trésor dans des vases d’argile » (2 Co 4,7). De même pour toute l’Eglise. Il n’y a plus de distanciation entre le baptisé et l’Eglise. Nous sommes l’Eglise comme toute la hiérarchie visible. Saint Augustin nous le rappelle : « Ce que tu feras, c'est l'Eglise qui le fera, et tu le feras pour l'amour de cette Eglise dont tu es le fils. » (6) .

Une personne qui prétend être catholique ou baptisé ne doit pas être en vis à vis avec l’Eglise pour la critiquer ou la dénigrer, mais bien au contraire, se sentir partie prenante de cette Eglise, fuyant les oiseaux de mauvaise augure, qui voient dans l’Eglise une vieille dame, sorte de Tatie Danièle, bête et méchante, alors qu’elle est comme Marie, une jeune fille qui engendre des enfants et qui devient une jeune maman épanouie et joyeuse. Telle doit être notre vision de l’Eglise, une relation de respect et d’amour, comme envers notre propre mère charnelle.

C’est dans cette matrice maternelle qu’est l’Eglise que se vit notre sainteté, à la suite (c’étaient les formations précédentes) de la sainteté de Jésus et de la sainteté des saints.

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1. Homélies sur l’Evangile de saint Jean, VI, 7, BA 71, p.835, 1969

2. Enarrationes in Psalmos, 99, BA 57B, 2009

3. cf. Homélies sur l’Evangile de saint Jean, I, 9, ibidem

4. « Nous pardonnons et nous demandons pardon », Jean-Paul II, Homélie de la Journée du Pardon de l’année sainte 2000, Documentation catholique, 97, 2000, p. 329

5. Jean-Paul II, lettre au Cardinal Etchegaray
à l'occasion de la présentation de l’ouvrage sur « l’Inquisizione », 15 juin 2004, n°4

6 Lettre 214, ibidem

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