Affrontements autour des notes du pape émérite sur les abus (23/04/2019)

De Sandro Magister (Settimo Cielo) en traduction française sur le site Diakonos :

C’est la guerre entre théologiens sur les « notes » du pape Ratzinger. Une attaque et une riposte.

Les « notes » du pape émérite Benoît XVI sur le scandale des abus sexuels dans l’Église catholique ont enflammé les débats dans le monde entier, et nous en donnons en exemple dans cet article.

Le texte qui suit est la réponse d’un éminent théologien américain, Robert Imbelli, à l’attaque frontale lancée contre Joseph Ratzinger par deux hauts représentants de l’Association allemande des théologiens pour l’étude de la morale, les professeurs Christof Breitsameter et Stephan Goertz.

On peut trouver l’original en allemand du texte de ces deux théologiens sur le site de la conférence épiscopale allemande :

> Moraltheologen kritisieren Benedikt-Text: “Misslungener Beitrag”

Les versions en italien et en anglais sont disponibles sur ces autres pages de Settimo Cielo :

> Prisoner of Prejudice

> Prigioniero del pregiudizio

Des théologiens sans théologie

de Robert P. Imbelli

Deux représentants de l’Association allemande des théologiens pour l’étude de la morale ont publié un commentaire critique de la récente analyse menée par le pape émérite Benoît XVI sur les origines et les causes de la crise des abus qui accable l’Église.

Les professeurs Christof Breitsameter et Stephan Goertz portent plusieurs accusations contre Benoît XVI.  Ils prétendent qu’il accuse les bouleversements sociaux des années soixante et la révolution sexuelle d’être la seule cause de la crise plutôt que d’admettre la culpabilité institutionnelle de l’Église en tant que telle.

Ils sont particulièrement agacés par ses critiques sur les développements de la théologie morale des années soixante qui, selon Benoît, encourage une approche au cas par cas finissant par déboucher sur un relativisme moral.  Ils prétendent que cette mise en cause est injuste et non fondée et que la théologie morale pratiquée par les membres de leurs association affirme elle aussi des absolus moraux tels que l’inhumanité de la peine de mort.

Sans même vouloir défendre la moindre ligne de l’analyse du pape émérite, deux aspects du raisonnement de ces critiques me semblent déplorables et symptomatiques.

En premier lieu, le style général de leur réponse indignée me fait penser au réflexe d’auto-défense d’une corporation encline à protéger ses privilèges et ses prérogatives contre toute critique externe.

En second lieu, même si les signataires se présentent comme des spécialistes de la théologie morale, leurs affirmations contiennent très peu d’éléments étant  susceptibles d’être qualifiés de « théologiques ».  Ce qui est au centre des préoccupations du pape Benoît, c’est la question proprement théologique de la perte du sens significatif de Dieu dans la culture contemporaine et d’un grave déclin dans la conception et dans la pratique eucharistique dans une grande partie de l’Église actuelle.

En revanche, la déclaration de ces éminents professeurs , membres d’une association qui étudie la théologie morale, ne contient aucune référence ni à Dieu ni à son Christ.  Elle est totalement dépourvue du moindre signe d’engagement exigeant en faveur d’une vision et d’une pratique eucharistique fondée sur la présence réelle de Jésus Christ.

Malgré qu’ils aient l’outrecuidance d’accuser le pape Joseph Ratzinger de pratique une « approche approximative de la théologie », ils sont eux-mêmes incapables de manifester le moindre sens d’une théologie en tant que discipline ecclésiale gouvernée par la « règle de la foi ».  Bien au contraire, l’impression qu’ils donnent c’est que c’est la culture contemporaine qui fournit les standards de vie authentique à laquelle l’Église devrait se soumettre.  Mais cela, ce n’est plus l’approche du véritable « aggiornamento » mais plutôt une capitulation totale à la culture mondaine.

Nul besoin donc d’être un théologie « contextuel » pour se demander si l’Association allemande pour l’étude de la théologie morale n’est pas en réalité une association de professeurs d’éthique qui avance à tâtons vers une compréhension de la belle vie que les cathèdres universitaires financées par l’État dans une société post-capitaliste offrent à leurs occupants.

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

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