Saint Servais, évêque de Tongres (13 mai) (13/05/2023)

De Joseph Grandjean sur un site consacré à l'histoire de la principauté de Liège :

Saint Servais

Après la mort de St Materne, évêque de Cologne, vers 328, son diocèse fut démembré en plusieurs autres dont ceux de Cologne, Tongres et Cambrai. En érigeant le nouveau diocèse de Tongres, on lui donna pour limite la circonscription civile de la cité et c’est vers 344 que St Servais occupa pour la première fois son siège. Des documents authentiques nous révèlent en lui un homme de premier plan, un pasteur qui ne se contentait pas de régir son troupeau, mais se préoccupait des intérêts de l’Eglise universelle, il fut un défenseur acharné de la vraie doctrine. C’est dans les controverses ariennes que St Servais se distingua car il y  joua un rôle essentiel.

Rappelons que le Concile de Nicée, de 325, qui définissait la divinité de la seconde personne de la Trinité, condamna formellement les théories d’Arius. Mais les Eusébiens, appelés ainsi du nom du principal évêque arianisant, Eusèbe de Nicomédie, arrachent à l’empereur  Constantin le rappel d’Arius, exilé, et la proscription du champion de l’orthodoxie nicéenne, Athanase, évêque d’Alexandrie. C’est notamment  lors de son exil qu’Athanase fit à Trèves, un séjour resté célèbre.

Après la mort de Constantin, en 337, son empire est divisé entre ses trois fils Constantin II, Constance et Constant. Constantin II est assassiné rapidement ; Constant, partisan de l’orthodoxie défendue au concile de Nicée devient empereur d’Occident, tandis que Constance, fervent de la doctrine d’Arius, est nommé empereur d’Orient.

En 339, au synode d’Antioche, les évêques orientaux déposent Athanase. Mécontent, Constant, réclame à son frère Constance, la réunion d’un nouveau concile des deux Eglises afin de confirmer les conclusions de Nicée.  Ce concile eut lieu à Sardique (Sofia), en 343 et, malgré l’opposition des Eusébiens, le symbole de Nicée y fut confirmé et Athanase y fut absous et rétabli sur son siège. St Servais, évêque de Tongres, assista à ce concile en compagnie de Maximin de Trèves et d’Euphrate de Cologne. Il figure également sur la liste des 282 évêques favorables à la cause d’Athanase.

Après le concile de SardiqueVincent de Capoue et Euphrate de Cologne sont chargés par l’empereur Constant de se rendre chez son frère afin d’obtenir de lui la fin de la persécution contre les catholiques en Orient. Ils réussirent dans leur mission, cependant Euphrate, après son retour, est accusé lui-même d’arianisme et déposé par le concile de Cologne, en 346. A cette assemblée, St Servais aurait déclaré, avec d’autres évêques, qu’Euphrate n’était plus digne de l’épiscopat.

Lors de ce concile, l’évêque de Tongres  se présente également clairement comme partisan d’Athanase et s’oppose toujours aussi farouchement aux théories ariennes.

En 350, une conspiration militaire éclate à Autun,  Magnence, un des généraux de l’empereur d’Occident, Constant, suscite une révolte contre son souverain et se fait proclamer empereur. Constant, cherchant à fuir en Espagne, tombe entre les mains de ses ennemis qui l’assassinent cruellement.

En 351, Magnence, se voyant menacé par Constance, lui députe St Servais et un certain Maxime. Les deux évêques acceptent la mission et se rendent auprès de Constance.

Rem. Le fait de se rendre aux directives d’un empereur assassin  peut étonner, mais Magnence, sut gagner les sympathies du clergé gaulois qui espérait trouver en lui un défenseur de l’orthodoxie, un nouveau Constant. Constance, au contraire, favorable à l’arianisme, était mal vu en Occident.

Arrivés à Antioche, où résidait Constance,  les deux évêques s’acquittent de leur mission, mais sans succès. Constance refuse tout accommodement avec l’assassin de son frère et la guerre reprendra jusqu’en 353. Mais, las de tant de défaites en deux ans, Magnence tue de sa main ses parents et tout son entourage puis se suicide sur leurs cadavres.Constance, devenu maître de tout l’Empire, continue cependant de protéger l’arianisme. Afin d’amener tous les catholiques à la foi arienne, il convoque, en 359, le  concile de Rimini. Dans ce concile, les évêques orientaux, emmené par Marc d’Aréthuse, voulurent faire passer l’idée que le fils de Dieu était en toutes choses semblable au père, mais on y passait sous silence que le Fils est déclaré consubstantiel au père, comme proclamé à Nicée.

Une forte majorité, quelque trois cents évêques rejetèrent la formule proposée par Marc d’Aréthuse ; la minorité, de quatre-vingts membres environ y adhéra. Constance convoqua près de lui  des députés de chaque délégation afin d’arriver à un compromis. Sous le spécieux prétexte de rétablir l’unité de l’Eglise, Valens, évêque arien, proposa la  formule, rejetée à Rimini, en l’exposant dans un sens plus orthodoxe. Les députés finirent par  souscrire au compromis et l’empereur les renvoya dès lors à Rimini, où étaient toujours retenus les autres évêques, afin de les convaincre également. Sulpice Sévère nous a laissé du concile de Rimini une relation détaillée que les historiens suivent unanimement. En voici le résumé.

Alors que nous discutions l’approbation de la formule proposée par Valence, raconte-t-il, la plupart des nôtres, soit par lassitude, soit à cause de la faiblesse de leur esprit, vaincus, se rendirent à leurs adversaires, jusqu’à ce que leur nombre descendît à vingt.

Mais plus le nombre se réduisait, plus grand devenait leur courage. Les plus tenaces de tous étaient Phébadius, évêque d’Agen et Servatio, évêque de Tongres. Comme ils n’avaient cédé, ni aux menaces, ni aux moyens d’épouvante, Taurus, le représentant de Constance, les assiège de prières, il les adjure en pleurant de prendre des décisions moins radicales. "  Voici déjà le septième mois leur disait-il, que les évêques sont enfermés dans cette ville et que tout espoir de retour leur est enlevé ? Quand donc en finira-t-on ? " 

Quelques jours furent employés à cette lutte et les réfractaires furent finalement vaincus par la proposition de Valens qui consentait à ce que les opposants, tout en adhérant à la formule de la majorité, y ajoutent des explications. Cette solution, personne n’osa la rejeter, vu le désir unanime de mettre fin à l’assemblée.

Phébadius et Servatio se mirent alors à rédiger des professions de foi. Ils y condamnaient d’abord Arius et toute son hérésie. Ils y déclarent ensuite le Fils égal à son Père, sans commencement et sans temps. Mais alors Valens ajoute une incise dans laquelle se cachait une malice, à savoir que le Fils de Dieu n’était pas une créature comme les autres… Et ainsi chacun des partis pouvait croire qu’il n’était ni tout à fait vainqueur, ni tout à fait vaincu ; Car la formule présentée au concile parlait en faveur des Ariens, mais les additions étaient en faveur des nôtres, à part celle de Valens, qui fut ensuite comprise, mais trop tard. ( Sulpice Sévère )

Les évêques de la Gaule, indignés de cette fourberie et cette calomnie, se réunirent à Paris, en 361, pour protester contre cette indignité. Ils y confessèrent, en termes explicites, la consubstantialité du Père et du fils et prononcèrent l’anathème contre  celui qui enseignerait le contraire. St Servais, de retour dans son diocèse, s’appliqua à y affermir la foi et les bonnes mœurs. Craignant les invasions barbares, il fait alors ses adieux à son peuple et part pour Maastricht. Là, saisi par la fièvre, il rend l’âme, le 13 mai 384Grégoire de Tours. Historia Francorum T II )

Rem.

Dans le récit de Grégoire de Tours, l’invasion barbare annoncée par St Servais,  serait celle des Huns. Cette erreur est due au fait que l’historien ne disposait pour source que la tradition orale. Or, de son temps, on attribuait aux Huns toutes les grandes invasions. Ce ne sont évidemment pas ceux-ci mais bien des peuples d’origine germaniques qui ravagèrent Tongres au IVe siècle. Malgré une faiblesse momentanée, St Servais fut un des évêques marquants de la Gaule du IVe siècle. Il était déjà en vue lorsque, en 351Magnence le députa à l’empereur d’Orient. Il acquit plus de relief encore en 359 par son opposition au Crédo impérial. De ses vertus témoigne le culte dont il fut l’objet à Maastricht surtout, et qui nous est attesté, ainsi que ses miracles, par l’historien des Francs, Grégoire de Tours. E de Moreau. Histoire de l’Eglise en Belgique. T1 p30 à 47 ) ( J. Daris. Histoire du Diocèse et de la Principauté de Liège T1 p 33 à 40 )

La clé de St Servais.

La légende rapporte que St Servais aurait, lors de l’une de ses visites à Rome en 376, reçu de St Pierre une clé. On trouva effectivement une clé lorsque, au début du VIIIe siècle, on ouvrit son tombeau. Cependant la clé qui nous est parvenue ne peut provenir du IVe siècle : la clé ancienne fut vraisemblablement perdue et remplacée par une reproduction plus récente dont certains détails furent modifiés pour ressembler à la clé d’origine. La clé trouvée était cependant déjà représentée sur une série de reliefs provenant de Maastricht et datant de 1403. Elle se rattache en fait aux clés reliquaires qu’offraient les papes et qui étaient destinées à recevoir des fragments de chaînes de St Pierre. Ceux-ci étaient enfermés dans une niche enfermée dans la poignée à claire-voie de la clé, afin que les reliques soient visibles. ( Catalogue Rhin-Meuse. p 216)

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