Vincent Lambert : une victoire pour les personnes handicapées et pour le droit international (25/05/2019)

Tôt le matin du 20 mai, sans même attendre que ses proches puissent l’embrasser une dernière fois, le Dr Sanchez a « sédaté » Vincent Lambert pour l’anesthésier profondément, et l’a simultanément privé d’eau et de nourriture pour provoquer sa mort. Son agonie, et la détresse de ses parents, suivis en direct par tous les français, devaient durer la semaine.

Pourtant, le 3 mai dernier, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, saisi par les parents Lambert à l’initiative de l’ECLJ, avait demandé à la France, au titre de mesures conservatoires, « de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'alimentation et l'hydratation entérales de M. Vincent Lambert ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier par le Comité ».

Le 10 mai suivant, les parents furent informés du refus du Gouvernement français d’exécuter la demande de l’ONU, et que l’euthanasie de leur fils débuterait le 20 mai. Le Gouvernement prétendait que la demande du Comité n’était pas contraignante.

La France a pourtant ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif. Celui-ci a chargé le Comité des droits des personnes handicapées de veiller au respect de la Convention par les États, et lui a donné le pouvoir de recevoir des « plaintes individuelles » -comme celle introduite par les parents Lambert-, et de demander le respect de mesures provisoires ou conservatoires qui s’imposent. 

Le 17 mai, le Comité des droits des personnes handicapées rappela le Gouvernement français à ses obligations, lui signifiant une nouvelle fois que « conformément à l’article 64 du règlement intérieur du Comité, il a été rappelé à l’État partie aujourd’hui de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier par le Comité ».

Le même jour, le « Défenseur des droits », chargé de veiller à application de cette convention en France déclara que « les mesures provisoires demandées par les comités des Nations Unies doivent être respectées par l’État, au risque d’entraver l’exercice effectif du droit de plainte prévu par le Protocole facultatif ».

 

Les juridictions administratives et judiciaires furent saisies pour juger de la conformité au droit du refus des autorités françaises, en vain. Le tribunal administratif adopta la position du gouvernement, tandis que le tribunal de grande instance se déclara incompétent.

Même la Cour européenne, saisie en urgence le 20 mai, se défaussa en quelques heures. Elle se contenta de dire qu’elle ne voyait aucun fait nouveau susceptible de la faire revenir sur sa précédente décision de 2015, dans laquelle elle avait opté pour la mort de Vincent Lambert. En jugeant ainsi, la CEDH a non seulement abandonné,  une fois encore, Vincent Lambert à la mort, mais elle a aussi fragilisé l’autorité de ses propres mesures provisoires. Elle informa la presse de sa décision 30 minutes avant le début d’une nouvelle audience de l’affaire, devant la Cour d’appel de Paris.

Au début de l’audience devant la Cour d’appel, toute l’opinion française était convaincue que Vincent Lambert était perdu. Sauf ses défenseurs.

Après deux heures de plaidoiries, puis deux heures de délibéré, la Cour d’appel rendit son jugement : la vie.

Ce fut alors une joie immense parmi les soutiens de Vincent Lambert, un coup de tonnerre dans toute la presse, et la consternation parmi les partisans de la mort de Vincent.

La Cour d’appel a été convaincue par notre démonstration de l’obligation de respecter les mesures provisoires demandées par l’ONU. Elle déclare dans son jugement : « en se dispensant d’exécuter les mesures provisoires demandées par le Comité, l’État français a pris une décision insusceptible de se rattacher à ses prérogatives puisqu’elle porte atteinte à l’exercice d’un droit dont la privation a des conséquences irréversibles en ce qu’elle a trait au droit à la vie ».

La Cour donna l’ordre de restaurer immédiatement l’alimentation et l’hydratation de M. Vincent Lambert. Ce qui est fait.

C’est une victoire importante pour les personnes handicapées et pour le droit international.

Une victoire pour les personnes handicapées, car Vincent Lambert n’est pas en fin de vie ou atteint d’une maladie grave, incurable ou dégénérative, mais dans un état de conscience altérée à la suite d’un traumatisme crânien. Il n’est pas mourant et peut vivre encore pendant de nombreuses années. Comme en témoignent ses parents et amis, ainsi que les plus grands médecins spécialistes en la matière, il respire seul et ne reçoit aucune assistance cardiaque ; il se réveille le matin et s’endort le soir. On peut voir certaines de ses émotions sur son visage. Le dimanche soir, veille du début de l’euthanasie, une vidéo le montre en train de pleurer avec sa mère.

S’il est euthanasié, 1700 autres personnes dans son état de santé pourront l’être à sa suite.

C’est aussi une victoire pour le droit international. L’autorité du système international de protection des droits des personnes handicapées s’en trouve renforcée. Il est certain que si l’euthanasie de Vincent Lambert avait été menée à son terme, la France aurait été condamnée par l’ONU, comme ce fut déjà le cas pour d’autres pays. Non seulement la France doit respecter les conventions internationales qu’elle a librement ratifiées, mais elle doit aussi les interpréter de bonne foi, à la lumière de leur objet et de leur but (Convention de Vienne de 1969).Or, refuser d’appliquer les mesures provisoires, c’est priver la Convention et plus encore son protocole additionnel de leur but, qui est d’offrir une protection juridique internationale effective aux personnes handicapées.

Mais le combat pour défendre Vincent Lambert n’est pas achevé. Cette décision a sauvé Vincent Lambert d’une mort imminente ; elle a épargné au pays le spectacle d’une lente agonie, mais elle n’est pas encore définitive. D’autres recours sont en cours. Les partisans de sa mort s’obstinent à le faire mourir.

La première priorité est d’obtenir son transfert dans une unité spécialisée. Depuis des années, Vincent est enfermé à clef dans sa chambre, dans un service de soin palliatif, pour mourants. Plusieurs hôpitaux spécialisés ont proposé de l’accueillir, mais son médecin et son épouse s’y opposent tous deux, car ils souhaitent sa mort.

Au-delà, un autre combat est engagé. Celui de l’euthanasie active.

Les promoteurs de cette pratique veulent la mort de Vincent Lambert, pour prouver que l’État a dorénavant le pouvoir sur la vie des plus faibles, et pour convaincre, par son agonie, qu’il est préférable de légaliser l’euthanasie, rapide et sans douleur.

Il s’agit, une nouvelle fois, d’« accorder une mort miséricordieuse aux malades qui, selon les critères humains, auront été déclarés incurables après un examen critique de leur état de santé », suivant les mots employés par Adolf Hitler en 1939, dans son décret instaurant le programme secret d’extermination des personnes handicapées.

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