L'écologisme : une forme de religion nouvelle ? Greta Thunberg : un hybride entre Jeanne d'Arc et Bernadette Soubirous ? (10/09/2019)

Du Figaro via ce site :

Jérôme Fourquet: «Une matrice écologique se substitue à l’ancienne matrice catholique de la France»

Pour le directeur du département opinion de l’Ifop, et auteur de L’Archipel français (Seuil), l’écologisme fonctionne comme la matrice catholique sur les plans sociologique et culturel.

LE FIGARO. - Après le succès des écologistes aux européennes, le gouvernement semble vouloir «verdir» sa politique. La préoccupation des Français pour le climat crée-t-elle une opportunité politique?

Jérôme FOURQUET. - Oui, il y a une véritable opportunité pour les écologistes, reste à savoir s’ils sauront ensuite l’incarner. De son côté, le gouvernement a intégré que la sensibilité à l’urgence climatique se renforçait et ce, notamment dans une partie de son électorat «naturel» (urbains, diplômés, cadres…). L’Ifop le confirme dans une enquête que nous venons de publier: parmi les thèmes prioritaires pour les Français, la protection de l’environnement est citée par 51 % des sondés, contre 40 % en 2017. Ce thème a connu une progression linéaire depuis deux ans: il y a donc eu une prise de conscience rapide.

Reste à savoir si le gouvernement joindra le geste à la parole. Néanmoins, après les mauvais signaux envoyés par les démissions de Nicolas Hulot et de François de Rugy au ministère de l’Environnement, le retrait de l’accord de libre-échange avec le Mercosur envisagé par Emmanuel Macron montre une volonté de mettre les bouchées doubles. Mais l’emprise de l’écologie sur la société va bien au-delà de la simple traduction électorale de ce phénomène. Ce nouveau récit, cette vision du monde peuvent structurer des représentations collectives, révolutionner nos modes de consommation, de déplacement et bénéficient de très puissants relais médiatiques.

D’où l’omniprésence médiatique de l’activiste suédoise Greta Thunberg?

Greta Thunberg est une figure prophétique, sorte d’hybride entre Jeanne d’Arc et Bernadette Soubirous. C’est une jeune femme comme elles: novice, issue du peuple, rien ne la destinait à cela, mais elle a reçu tout à coup une révélation qu’elle doit annoncer à présent aux puissants de ce monde et aux opinions publiques. La mouvance écologiste accorde une grande importance aux adolescents, sortes d’enfants de chœur de la religion du climat qui deviennent les propagateurs de la bonne parole au sein des foyers.

Vous comparez l’écologisme à une forme de religion nouvelle?

J’ai décrit dans L’Archipel français l’effondrement de la vieille matrice catholique qui avait structuré en profondeur notre société. Peut-être est-on en train d’assister à l’émergence d’une nouvelle matrice, séculière et non plus religieuse, autour de l’écologie. Bien évidemment, il existe des différences majeures: l’écologie ne s’appuie plus sur la foi mais sur des données scientifiques.

Mais l’écologisme fonctionne au plan sociologique et culturel comme jadis la matrice catholique. Des similitudes frappantes existent d’ailleurs dans les termes et les références employés. On parle de «sanctuaires» de biodiversité et on dit également que les agriculteurs entament une «conversion» au bio.

«L’écologie réactive la crainte millénariste de la fin du monde. Les ouvrages traitant de la collapsologie sont des succès de librairie»

Il y a de manière récurrente dans l’écologisme des annonces apocalyptiques: c’est l’effet qu’ont eu les images terrifiantes des brasiers en Amazonie. C’est un peu plus vieux, mais les images des bûchers géants où l’on incinérait les bovins pour éviter la propagation de la maladie de la vache folle ont eu aussi un fort pouvoir évocateur: l’écologie réactive la crainte millénariste de la fin du monde. Les ouvrages traitant de la collapsologie sont des succès de librairie.

La fin du monde, pour les écologistes comme pour les chrétiens, est provoquée par la culpabilité des hommes, qui doivent ensuite expier leurs fautes. D’où une vision binaire du monde, qui oppose le Bien et le Mal: d’un côté les multinationales et les gouvernements des pays riches, de l’autre les peuples des pays du Sud, ainsi que les ONG qui les défendent, et qui sont en quelque sorte les nouveaux missionnaires de notre temps.

Mais par-delà ces références communes, l’écologisme a aussi, comme le catholicisme jadis, une influence très concrète sur la vie des gens, bien davantage que les autres grands récits politiques. C’est là le propre du religieux, qui impose aux croyants une «orthopraxie», c’est-à-dire la conformité entre leur foi et leur comportement quotidien. On retrouve en quelque sorte la BA des scouts: tous les jours, il faut trier ses déchets, économiser l’énergie… Et contrairement à ce qu’on observait dans la culture communiste ou dans la matrice républicaine et laïque, l’écologisme (comme les grandes religions) édicte des préceptes alimentaires très précis: l’écolo fait carême tous les jours, en quelque sorte, puisqu’il doit éviter de nombreux aliments (fruits hors saison, viande, huile de palme…).

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