Synode allemand : à quel jeu joue-t-on ? (22/09/2019)

De Marie-Lucile Kubacki sur le site de l'hebdomadaire La Vie :

Derrière le synode sur l’Amazonie, l’ombre d’un synode allemand ?

Alors que le synode sur l’Amazonie se tiendra au Vatican du 6 au 27 octobre, les évêques allemands tentent-ils de l’utiliser pour provoquer une réforme sur l’ordination d’hommes mariés ? En coulisses, la question provoque des tensions à Rome.

Dans les prochaines semaines vont s’ouvrir deux synodes charnières dans l’histoire de l’Église catholique. Le premier aura lieu au Vatican, tout au long du mois d’octobre. On y parlera d’Amazonie, et les évêques de la région y discuteront sous la guidance du pape François des défis écologiques, économiques et spirituels du « poumon » de la terre, aussi convoité que menacé. Le deuxième devrait commencer en Allemagne un peu avant Noël, et a pour but de trouver des pistes en réponse à la crise des abus dans l’Église. 

Aucun lien entre les deux, en apparence du moins. Car dans ces deux synodes, les questions clivantes de l’ordination d’hommes mariés et des ministères féminins seront mises sur la table. Dans le premier cas, il s’agit de répondre au fait que des populations entières ne voient quasiment jamais de prêtre, sur des territoires vastes et difficiles d’accès comme les territoires amazoniens ; dans le second, il s’agit davantage d’interroger le choix des futurs prêtres et la manière de vivre le célibat à la lumière de la crise actuelle, ainsi que l’a déclaré le cardinal Reinhard Marx, président de la conférences épiscopale d’Allemagne (DbK), dans une récente interview au Frankfurter Allgemeine.

Un « agenda progressiste » ?

Là où les choses se compliquent, c’est que le cardinal Marx sera également présent au synode sur l’Amazonie, en sa qualité de membre du C9 (le conseil des cardinaux chargé d’assister le pape dans sa réforme de l’Église). Dans la salle se trouvera également Mgr Franz-Josef Overbeck, évêque d’Essen, en Allemagne, président de la commission des évêques allemands pour l’Amérique latine qui, par le biais de son organisation humanitaire Adveniat, apporte un soutien financier et pastoral important en Amérique latine. Or, ce dernier a récemment déclaré devant des journalistes allemands que le synode sur l’Amazonie marquerait une « césure » dans l’Église, que « rien ne serait plus comme avant », car la « structure eurocentrique de l’Église » allait changer, les prêtres européens étant de moins en moins disponibles pour aller en Amérique latine. « Le visage de l’Église locale est un visage de femme », a-t-il en outre ajouté, reconnaissant le rôle des religieuses dans l’animation des communautés locales, ainsi que le rapporte un article publié sur le site internet de la DbK.

Il n’en fallait pas plus pour faire naître dans certains milieux conservateurs le soupçon d’un « agenda progressiste » poussé par l’Allemagne, avec en ligne de mire la possibilité d’ordonner des hommes mariés et des femmes diacres. « Le Rhin se jette-t-il dans l’Amazone ? », interroge ainsi l’américain Edward Pentin, correspondant du National Catholic Register. 

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Sont-ce les infos publiées par Alessandro de Carolis sur Vatican News qui vont apaiser les inquiétudes des "conservateurs" ? :

Synode allemand: le dialogue constructif du cardinal Marx avec le Pape

L’Église catholique en Allemagne se prépare à vivre un Synode sur deux années, qui commencera le premier dimanche de l’Avent. Cette assemblée qui suscite des interrogations sur la communion entre Rome et les évêques d’Allemagne a amené le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence épiscopale allemande, à rencontrer le Pape François cette semaine, ainsi que le cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques.

Alessandro de Carolis – Cité du Vatican

Les épines et la volonté de renaissance à travers un parcours synodal: les épines qui déchirent la vie de l’Église en Allemagne sont au fond communes à de nombreuses autres réalités ecclésiales. De l’abus sexuel de la part du clergé à la réflexion sur leur style de vie, des difficultés diffuses pour accepter les principes de la morale sexuelle au problème d’une communauté qui vieillit et craint pour le renouvellement générationnel… Ces questions ont amené le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence épiscopale allemande, à rencontrer le Pape François. Le cardinal Marx, qui est aussi membre du C6 et président du Conseil pour l’Économie, était cette semaine à Rome.

Sur la ligne de François

À Rome, le cardinal a eu des entretiens aussi avec le préfet de la Congrégation pour les évêques, le cardinal Marc Ouellet. Au terme de ces différentes rencontres, un communiqué de presse de la Conférence épiscopale allemande a mis l’accent sur les fruits de ce «dialogue constructif», dont les résultats feront partie des travaux synodaux. Mais le cardinal Marx a aussi remis à François une lettre de la Conférence conjointe élargie, l’organisme qui unit à l’épiscopat allemand les membres du Comité central des catholiques allemands, le Zdk (Zentral komitee der deutschen Katholiken).  Il s’agit d’une lettre co-signée par les responsables de ces deux institutions, le cardinal Marx et le professeur Thomas Sternberg, dans laquelle il est fait explicitement référence à la lettre que le Pape François avait envoyé le 29 juin dernier au «peuple de Dieu pèlerin en Allemagne».

La communion, et non l’isolement

Dans la lettre, le Pape encourage entre autre l’Église en Allemagne à entreprendre un chemin de renaissance dans le signe de la communion. «Chaque fois qu’une communauté ecclésiale a cherché à sortir de ses problèmes toute seule, en se confiant seulement à ses propres forces, à ses propres méthodes et à sa propre intelligence, elle a fini par multiplier et alimenter les maux qu’elle voulait surmonter», avertissait alors l’évêque de Rome. Sans donner de solutions aux problèmes particuliers, François invitait à alimenter un “Sensus Ecclesiae” vivant, parce que «le chemin entrepris ne doit pas finir isolé dans la particularité».

Le primat de l’Évangile

La lettre remise par le cardinal Marx au Pape François confirme cette volonté. «Comme vous, nous aussi nous nous rendons compte que nous devons initier tout notre chemin à partir du primat de l’évangélisation, écrit-il. Nous sommes déterminés à structurer le chemin synodal comme un processus spirituel. Nous sommes unis à vous dans le sens ecclésial, parce que nous avons bien présente à l’esprit l’unité de toute l’Église, et aussi la situation locale, et parce que pour nous la participation de l’entier peuple de Dieu est un aspect très important.»

Les solutions se cherchent ensemble

En énonçant les titres des thèmes au centre du Synode (“Le pouvoir et le partage des pouvoirs dans l’Église – participer et prendre part ensemble au devoir missionnaire” ; “L’existence sacerdotale, aujourd’hui” ; “Les femmes dans les services et dans les charges d’Église” ; “La vie et les relations réussies- vivre l’amour dans la sexualité et dans le couple”), les signataires de la lettre concluent : «Nous sommes arrivés à la conclusion que nous devons affronter ces questions si nous voulons tirer des enseignements de l’abus de pouvoir spirituel qui secoue profondément notre Église et toute la société, et si nous voulons améliorer les présupposés pour nous évangéliser avant tout nous-mêmes, afin de pouvoir rendre témoignage de manière crédible de la Bonne Nouvelle dans le monde d’aujourd’hui. Nous avons besoin de l’atmosphère d’un dialogue ouvert et respectueux pour chercher ensemble des solutions.»

 

... alors, rassurés ?

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