Retour sur l'exposition consacrée aux frères Van Eyck à Gand (28/04/2020)

De Céline Vicq sur le site de l'Homme Nouveau :

Jan Van Eyck : Une Révolution optique

Jan Van Eyck : Une Révolution optique
Jan (Maaseik?, vers 1390 -Bruges, 1441) et Hubert van Eyck (Maaseik, vers 1366/1370 -Gand, 1426), L’Adoration de l’Agneau mystique, 1432. Cathédrale Saint-Bavon, Gand © www.lukasweb.be -Art in Flanders vzw

À l’heure où cet article est rédigé, nous ne savons pas si cette exposition grandiose et inédite, sera prolongée ou pas. Quoiqu’il en soit, elle donne l’occasion d’évoquer l’œuvre génial de Van Eyck (v. 1390- 1441) et son extraordinaire Adoration de l’Agneau mystique (1432), en pleine restauration depuis 2012.

C’est en effet au Musée des Beaux-Arts de Gand, en Belgique, que ce splendide retable est nettoyé par étapes successives. Les restaurateurs ont retiré des vernis jaunis et supprimé des parties surpeintes. Il est habituellement conservé dans une chapelle de la cathédrale Saint-Bavon de cette même ville.

L’exposition s’est organisée autour des huit panneaux de la partie fermée du polyptyque, peints par les frères Van Eyck. Selon la tradition, ce fut Hubert, l’aîné, qui reçut la commande mais c’est Jan qui la réalise après sa mort. Ils sont présentés comme des tableaux autonomes, ce qui n’est pas leur fonction et leur font un peu perdre leur sens puisqu’ils sont ensemble un véritable traité théologique, mais le visiteur les voit de près. On peut admirer la finesse du travail, du dessin, du détail et de l’utilisation de la peinture à l’huile, avec ses subtils glacis participant au rendu de la lumière et de l’ombre. Jamais avant Van Eyck, une telle précision n’avait été atteinte.

Treize de ses œuvres sont montrées sur la vingtaine connue, confrontées aux artistes de son temps (Fra Angelico, Benozzo Gozzoli…). Il y a les portraits en pied d’Adam et Ève après la désobéissance, une feuille cache leur sexe. Ce sont les premiers nus connus d’une telle taille, d’un réalisme saisissant – les veines apparaissent sur les mains d’Adam (avant celles du David de Michel-Ange). Avec eux, le mal est entré dans le monde. Le meurtre d’Abel par son frère Caïn, au-dessus de la tête d’Ève, l’illustre…

Habituellement ces représentations d’Adam et Ève sont placées aux extrémités du registre supérieur du polyptyque. Leur situation, selon le Père Peter Schmidt, spécialiste du retable, indique qu’ils ont été rachetés. Le Roi des rois est lui-même, au centre de la composition. À sa droite, la Vierge Marie, couronnée et portant un vêtement d’un bleu splendide, baisse humblement les yeux, à sa gauche saint Jean-Baptiste le précurseur indique de son doigt le Seigneur. De splendides anges musiciens, de part et d’autre, embellissent la composition. Sur le registre inférieur c’est l’Adoration de l’Agneau mystique qui est figuré dans un langage d’une richesse extraordinaire tant sur le plan plastique que théologique. Ceci montre la grande érudition de Van Eyck et son extraordinaire inspiration visionnaire, même s’il était probablement conseillé par les ecclésiastiques de son temps.

Revenons à l’exposition, où il est donné à contempler d’autres magnifiques peintures dont La Sainte Barbe de Nicomédie. Cette huile sur panneau qui peut sembler inachevée, divisent les spécialistes. Certains la voient comme un tableau fini à cause de la précision des détails. Peu importe, une fois de plus, elle montre le génie du maître, son sens inouï de la composition, son observation de l’architecture dans le moindre détail. C’est une œuvre signée et datée de 1437.

Ailleurs sont donnés à voir des très beaux portraits dont ceux des donateurs du polyptyque Jodocus Vydt et son épouse Élisabeth Borluut, d’un grand réalisme. Les rides, les verrues et autres signes du vieillissement sont fidèlement rendus…

Un regard nouveau, personnel et original sur le monde, une dextérité inouïe dans le dessin et l’utilisation de la peinture à l’huile, une érudition époustouflante caractérisent ce peintre de génie. Une exposition passionnante !

Musée des Beaux-Arts de Gand, Fernand Scribedreef 1, 9000 Gent (Belgique)
+32 (0)9/323 67 00 – museum.msk@gent.be

Cathédrale Saint-Bavon, Sint-Baafsplein, 9000 Gent, Belgique. +32 9 269 20 45.

Une belle émission réalisée par Kto présentant le retable de l’Adoration de l’Agneau mystique est visible en ligne.

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