La messe n’a même pas le privilège qu’ont le McDo ou le footing ! (11/05/2020)

Entretien avec le Père Simon d’Artigue sur France Catholique :

«  On ne peut pas vivre sans les sacrements »

Propos recueillis par Constantin de Vergennes

8 mai 2020

Signataire de la tribune du Figaro réclamant au chef de l’État la liberté de célébrer la messe en présence de fidèles à partir du 11 mai, l’abbé Simon d’Artigue, curé de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, dénonce un mépris du spirituel et s’inquiète du «  monde d’après ».

Malgré votre tribune, il n’y aura pas de messes publiques avant juin. Quelle est votre réaction ?

Abbé Simon d’Artigue : La première réaction à chaud fut de la colère et de la déception. Puis de l’incompréhension et un sentiment d’injustice fait au statut de l’Église catholique et des cultes en général – notre appel était d’abord pour la reprise des messes mais était plus largement pour la reprise des cultes. Et donc, une injustice à l’égard de la place de la vie spirituelle, de la transcendance dans la vie de notre pays.

Cette interdiction s’est faite en une phrase, après des sujets triviaux… (voir p. 14-15)

Pour ce qui est de la forme de l’annonce, on constate que les cultes ont été noyés au milieu d’activités périphériques. Pour le gouvernement, toutes ces activités pourraient être mises sur un même pied d’égalité : faire son footing, aller au McDo, aller à la messe… Or, la messe n’a même pas le privilège qu’ont le McDo ou le footing ! Ça m’a choqué. Cela dit deux choses. D’abord, cela montre ce que représentent les religions pour le gouvernement : quelque chose de périphérique. Qui vient après la logique marchande.

Ensuite, cela illustre la place du religieux dans notre société : elle est négligée. La vie humaine est réduite à sa part marchande, servile, de transport en commun, de divertissement… C’est préoccupant.

Pour nous catholiques, c’est dur à entendre, mais c’est réel : pour le gouvernement et pour une majorité de nos concitoyens, c’est ainsi que les choses sont perçues. C’est un défi à relever pour nous, une mission qui incombe d’abord aux catholiques et à nous, prêtres.

Le fait religieux est vu sous le prisme de la réunion, du rassemblement, comme une pièce de théâtre. C’est révélateur ?

C’est révélateur d’une confusion – ou, au pire, d’une négation – de la dimension religieuse. Si la messe n’est plus vue que comme une réunion, alors cela veut dire qu’il y a une part spécifique de l’activité humaine, l’activité intérieure, qui est confondue avec l’ensemble des activités humaines sous le vocable de la «  réunion  ». Un gouvernement – et surtout dans la pensée d’un «  monde d’après  » –, doit se demander quels seront les fondements de ce qui va advenir après cette crise.

Or les priorités que l’on donne aujourd’hui peuvent être lues comme les fondements de ce monde d’après. Si ces fondements sont donc ceux du commerce, de l’entreprise et du divertissement, c’est très inquiétant. On ne peut pas fonder une société là-dessus. Ou, en tout cas, ce monde-là, je n’en veux pas.

Regardez le combat des évêques qui a parfois été moqué, sur le mode : « Ils sont à côté de leurs pompes, pourquoi parlent-ils des messes, tout le monde s’en fiche... » En fait, ce n’est pas seulement un combat pour la messe. C’est un combat pour une vision de la société : ce «  monde d’après  ». Et nous, nous voulons être des artisans de la construction de cette société, comme citoyens et comme catholiques. On entend beaucoup que «  l’homme redécouvre sa fragilité  ». Donc, sur quoi fonder ce monde pour retrouver de la solidité ? Pas seulement sur la consommation, sur le travail servile, ou le divertissement. Nous avons à proposer autre chose. Et c’est inquiétant que le gouvernement ne l’entende pas.

Quel risque y a-t-il à ce que des catholiques passent trois mois sans messe ?

Avant de souligner les risques, je dois dire que j’ai été aussi émerveillé par le sursaut spirituel de catholiques devant cette épreuve : une créativité, un retour à la Parole de Dieu, à la prière familiale, à la prière personnelle, des moyens de mise en relation des uns avec les autres, la prière pour les autres… Il y a d’abord eu un sursaut salutaire. Mais, au bout de sept semaines, une fatigue, une lassitude, et une atonie s’installent.

Comme catholique, comme prêtre, on ne peut pas vivre sans les sacrements. Jésus-Christ nous a donné ces sacrements qui sont les moyens habituels de la vie spirituelle. Quand on prive le peuple de Dieu des sacrements, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une perte de vigueur. Le Seigneur peut certes nourrir par d’autres biais, mais on constate que la foi, l’espérance et la charité – les trois vertus théologales – s’atrophient. Moins de foi, c’est moins de vigueur ; moins d’espérance, c’est le désespoir et le manque de perspective ; et moins de charité, c’est le repli sur soi.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.

Lire également : Mgr Bernard Ginoux : « L’Eglise ne propose ni idoles, ni petites recettes de bien-être et c’est précisément pour cela qu’elle est essentielle »

10:33 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |