La santé justifie-t-elle tous les sacrifices consentis en son nom ? (17/08/2020)

De Joseph Junker en opinion sur le site de La Libre :

La santé, ce n’est pas (le plus) important

Opinions

Contribution externe

A quoi sert donc la santé si la vie est mise sous cloche ? La vie humaine réduite à la simple survie biologique en bonne santé n’est-elle pas une valeur limitée, profondément matérialiste et elle-même individualiste ? Pire, n’avons-nous pas commis un nombre incalculable de crimes cyniques au nom de la "santé", en lui sacrifiant ce que nous n’aurions jamais dû lui sacrifier ?

Une opinion de Joseph Junker, ingénieur civil et père de famille.

En 2020, critiquer des règles Covid parfois liberticides et souvent ridicules semble s'apparenter à de l'égoïsme et de l'obscurantisme. Ne vous avisez pas d’adopter d'autres principes "absolus" que la santé et l'économie. Vous serez damnés sans rémission, "inconscients", "narcissiques", "immoraux" et "individualistes" que vous êtes !

Il est tentant pourtant de renvoyer tous ces juges d’opérettes à leurs propres valeurs. A quoi sert donc la santé si la vie est mise sous cloche ? La vie humaine réduite à la simple survie biologique en bonne santé n’est-elle pas une valeur limitée, profondément matérialiste et elle-même individualiste ? Pire, n’avons-nous pas commis un nombre incalculable de crimes cyniques au nom de la "santé", en lui sacrifiant ce que nous n’aurions jamais dû lui sacrifier ?

Nos malades

Visiter les malades, pour commencer. Pas seulement les malades du Covid-19, TOUS les malades. N’est-il pas révoltant d’observer le sort réservé à nos grands-parents Alzheimer par exemple ? Séparés et cloîtrés dans leur chambre de maison de repos avec pour seule occupation la télé et son cortège de nouvelles angoissantes, détournant en permanence leurs pensées défaillantes sur le virus tueur qui les menace. Quand on y pense bien, une peine peut-être bien plus atroce que la mort.

Comme si ça ne suffisait pas, nous avons laissé ces malades agoniser tout seuls jusqu’au dernier jour (puisque les directives n’accordaient le droit de visite qu’aux dernière extrémités), mais aussi sans soins adéquats. Parce qu’un monde matérialiste qui glorifie la vie biologique ne peut déboucher que sur l’utilitarisme, pour lequel la vie biologique d’un jeune vaut plus que la vie biologique d’un vieux.

Pour couronner le tout, nous les avons enterrés en catimini, sans le respect dû aux morts. Les victimes du Covid n’ont même pas pu être vus par leurs proches, les autres à peine, et tous ont dû être inhumés dans un quasi-anonymat en comité réduit.

L'altruisme, ce n'est pas se taire

Notre société valide ce choix éthique. Ainsi les médias bataves ont-ils glorifié "l’altruisme" du Premier néerlandais Mark Rutte, qui s’en est tenu aux règles en omettant de visiter sa mère mourante pendant des mois. L’opinion britannique quant à elle, vilipende le ministre britannique Dominic Cummings, qui n’a pas fait de même.

Peut-être êtes-vous de ceux qui ont dû subir une de ces injustices, et qui avez été priés de ne point vous plaindre. Tout cela a nous en effet été imposé au nom de "l’altruisme", de la "santé" et même du "bien commun" (un comble !). Comme j’admire votre calme, votre patience et votre résilience face à l’iniquité dont vous avez été victimes ! Si ma mère se retrouvait mourante ou gravement malade, j’aurais beaucoup de mal à faire de même, et ce n’est pas une leçon de morale (ou une loi) à la noix qu’il faudrait pour m’empêcher de lui rendre visite… mais une autopompe. (#Antigone)

L'altruisme, ce n'est pas se taire et adorer les mêmes faux-dieux que les autres, mais se battre pour toutes les choses qu'on est en train de sacrifier à tort au dieu santé et dans une moindre mesure au dieu économie : les relations humaines, la communauté, la famille, la vie associative, l'éducation, la culture, la vie spirituelle, les libertés civiles, le soin des parents, le respect dû aux morts et j'en passe. Pour l’altruiste, ce sont ces principes qui sont le bien commun au service duquel doivent se mettre la santé et l'économie. Pas l'inverse.

Les priorités de notre époque

Bien-sûr, vous m’objecterez que je suis un petit peu caricatural et moralisateur, et vous aurez raison. La santé, l’économie et tous ces principes sont liés entre eux. On ne peut par exemple jouir pleinement de sa liberté d’expression une fois intubé, et il ne sert à rien d’être riche et en bonne santé dans une cellule de prison. Cela justifie donc bien d’appliquer des règles de prudence et un équilibre à trouver. Il n’empêche, au-delà de la controverse sur l’utilité des règles Covid et leurs dommages collatéraux sur la santé, de nombreux observateurs ont souligné ces dernières semaines que les arbitrages de nos élites sont répétés, systématiques et disproportionnés en faveur de la santé, du sacro-saint "principe de précaution", puis de l’économie, reléguant en queue de peloton les libertés civiles et tout ce qui va avec.

Au fond, tout cela exprime bien les priorités notre époque. Nous n'avons plus d'espérance et ne comptons que sur la matière et la science pour "progresser". Nous ne croyons qu’en nous-même, ne pouvons accepter de voir notre santé se dégrader et vivons dans l’angoisse de mourir. Pour ce qui est de la liberté, nous en avons une vision étroite, qui est la faculté de faire ce qu’il nous plaît (qui s’arrête "là où commence celle des autres") et ne comprenons plus l'aspiration à la véritable liberté. A savoir la faculté de choisir de faire le bien autour de soi, de fonder une famille, de s'investir pour de justes causes, d'aimer, former une communauté avec les autres, se sacrifier pour eux, se cultiver, prier ou mourir avec les siens, bref : la liberté qui nous engage à tout ce qui fait que la vie en bonne santé (voir la vie tout court) a du sens.

L'Europe, ce nouveau tiers-monde de la chaleur humaine

Résultat : le dogme "santé" est devenu notre idéologie dominante, qui comme toute "vérité" établie tolère franchement mal la contradiction. Nous aurons donc désormais les "bons" hygiénistes et les autres, les non-hygiénistes qui, quelles que soient leurs motivations, ne peuvent qu’être mauvais ou ignorants, assassins, égoïstes, et j’en passe.

En fait, pour être franc, tout cela m’écœure. Ou plus précisément me donne l’envie de faire mes bagages et de partir pour un autre pays. Un pays civilisé, où on tente comme on peut d’endiguer l’épidémie, mais où au moins les malades sont visités, les parents respectés et les morts enterrés dignement… En Afrique ou aux Philippines peut-être. Mais en Europe, ce nouveau tiers-monde de la chaleur humaine, cette patrie qui aime à se penser si libérale, si fière de son humanisme et de ses droits de l’Homme, sommes-nous encore une nation civilisée ? Nous avons abandonné tout cela pour nous trouver un nouveau plus grand bien, ce qui prime sur tout : la Santé, notre peur de la mort et son expression suprême : les règles Covid-19. Ce qui fait que la vie vaille la peine d’être vécue attendra.

Je ne suis pas certain que nous ayons des raisons d’en être fiers.

Les intertitres sont de la rédaction.

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