Octobre, le mois du Rosaire! (01/09/2021)

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La réflexion publiée ci-dessous constitue le texte de l’éditorial de la livraison d’octobre 2020 des feuillets mensuels de l’église du Saint-Sacrement à Liège proposés par l’Abbé Marc-Antoine Dor, Recteur de ce sanctuaire :

« Pourquoi le Rosaire ? Cette forme de dévotion ne rencontre pas toujours l’approbation et il n’est pas rare, surtout chez les intellectuels, d’entendre dire qu’on a du mal à entrer dans cette prière.

François Mauriac a très bien décrit cette difficulté : « Je n’ai jamais pu me plier au partage qu’elle exige : la bouche qui profère les Ave Maria par dizaines et l’esprit qui médite chacun des mystères joyeux, glorieux, douloureux : quinze en tout, un par dizaine, cinq par chapelet. Il n’y a rien là qui me choque, mais cette dissociation entre la parole et la pensée m’est interdite. Il faut que je sois engagé tout entier dans chaque mot que je prononce. Il n’est pas question pour moi, que la salutation de l’Ange à Marie occupe mes lèvres tandis que mes pensées s’attacheraient à l’une ou l’autre scène de l’Evangile. Mais comment obtenir de soi une attention exclusive à la même parole indéfiniment répétée ? Telles sont, exposées sans fard, les difficultés que je trouve, personnellement, à la dévotion du Rosaire. »[1]

I - Un album de souvenirs commentés par la Vierge

Une comparaison peut nous aider à résoudre ce problème bien posé, en nous montrant comment dans le rosaire la méditation des mystères de la vie du Christ et l’humble récitation des Ave forment un tout.

Qui n’a jamais rendu visite à une vieille maman ou à une grand-mère chargée d’ans et vivant seule ? De quoi parle-t-elle ? De ceux qu’elle porte dans son cœur, en particulier de ses descendants. Une mère aime ses enfants, et elle en est fière. Elle garde en son cœur les souvenirs de leur enfance, de leur scolarité, de leurs jeux, de leurs joies et de leurs peines, de leurs maladies et de leurs succès, de leurs amis, etc. Si elle a eu le malheur de perdre un fils, s’il a été un héros de la guerre, elle aime parler de lui, montrer ses photographies, ses décorations et ses citations, raconter ses exploits. Elle vit dans ses souvenirs qui ne la quittent pas. Souvent son récit rend attachant celui dont elle parle. Au fur et à mesure qu’elle tourne les pages de l’album de famille, des détails, des anecdotes lui reviennent à l’esprit et elle nous en fait profiter. Grâce à une telle maman, à son cœur et à ses souvenirs, on entre dans l’intimité de sa famille, on y vit.

Un album de souvenirs commenté par une maman : voici une image suggestive qui peut nous faire comprendre de l’intérieur ce qu’est la prière du rosaire. Les paroles récitées au cours des dizaines s’adressent surtout à la Sainte Vierge, la mère du Christ, mais tous les souvenirs, tous les mystères, concernent surtout son fils bien-aimé. C’est évidemment impossible, mais si elle avait eu un album photo, la Sainte Vierge ne nous aurait montré que les clichés de son fils : son fils attendu, né, grandissant, accomplissant des miracles, souffrant, ressuscité, etc. Il y aurait beaucoup de photographies ! C’est pourquoi l’Eglise a sélectionné pour nous les meilleures : ce sont les mystères du rosaire. Et, pour continuer de filer ma métaphore, le pape saint Jean-Paul II a eu la chance de retrouver un lot d’excellents clichés qui s’étaient égarés ou qui passaient inaperçus : ce sont les mystères lumineux de la vie publique de Jésus[2].

Entrer dans la prière du rosaire, c’est reprendre les paroles de l’ange Gabriel portant le message de Dieu, pour entrer dans l’intimité de celle qui a vécu le mystère de l’Incarnation à la place où Dieu la voulait. Pour commenter ces scènes évangéliques, quels meilleurs yeux que ceux de la Mère du Christ ? Elle a reçu en primeur l’annonce du salut. Pleine, comblée de grâce, elle a aussi trouvé grâce auprès de Dieu. Peut-il y avoir meilleure interprète ? Elle a accueilli le message de Dieu et la personne du Verbe dans son cœur et dans son corps. Nouvelle Eve, elle a su, elle, donner à Dieu la seule bonne réponse. C’est dans le climat de l’Annonciation, fait d’adoration, d’admiration, de silence et de contemplation, en reprenant le moyen choisi par Dieu pour nous y faire entrer, qu’on parcourt les mystères de la vie de Jésus, qui est « la vérité, la voie et la vie »[3].

II - Pour l’amour de moi et pour l’amour de nous…

 Grâce à la méditation des mystères du Christ avec le cœur de Marie, nous entrons dans l’intimité du Fils de Dieu fait homme, nous faisons nôtre tout ce qu’Il a dit et fait, nous scrutons toutes les dimensions de ses paroles et de ses actes pour mieux en comprendre la portée et la richesse, nous nous en nourrissons, nous nous attachons à ce qui plaît à Dieu, à celui surtout « en qui Dieu met toute sa complaisance »[4], Jésus, « le fruit des entrailles » de Marie.

Le cœur de Marie fixé sur Jésus devient alors notre refuge et notre école. Au fil des Ave, nos égoïsmes, nos étroitesses, nos craintes, nos manques de confiance rencontrent inlassablement cette grande révélation : le Fils de Dieu s’est fait homme pour moi[5], Il a souffert pour moi, Il a vaincu le démon, le péché et la mort pour moi, Il nous ouvre les portes de son Royaume.

En face de toutes les épreuves et déceptions de l’existence ou de la vie des hommes, se dresse cette Bonne Nouvelle (Evangile), qui nous rejoint et nous concerne tous. C’est notre patrimoine. Dans notre cœur peut ainsi s’établir fermement cette conviction : ni la mort, ni la vie ; ni le présent, ni l’avenir ; ni la tribulation, l’angoisse ou la persécution ; ni la faim, ni la nudité ; ni les périls, ni le glaive, ni aucune créature ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus[6]. Il n’y aurait que le péché non regretté, le péché dont on ne veut pas sortir, le péché où l’on s’obstine, le péché qu’on n’a plus le courage de combattre - il n’y aurait que cet obstacle qui pourrait nous séparer de cet Amour.

III - Pour embraser le monde de l’amour de Dieu

Et parce que Dieu a montré pour nous tant de bienveillance, d’amour et de miséricorde, notre cœur s’enflamme du désir de réaliser ce que la prière nous a peut-être suggéré : faire connaître à autrui cet Amour qui s’écrit avec un grand A, le mystère de la Sainte Trinité ; travailler à annoncer partout cet Amour de Dieu qui surpasse tout ce que nous pourrions concevoir[7] de meilleur ; et contribuer à établir autour de nous le Royaume de Dieu.

La charité nous oblige[8] à passer à l’action apostolique, pour que rien de ce que Dieu a créé avec amour ne périsse, pour que tous nos prochains aient la vie, qu’ils l’aient en abondance, cette vie avec un grand V, la vie surnaturelle, la vie de la grâce, notre participation à la vie divine.

A la fin du XIXe siècle, le bienheureux Bartolo Longo (1841-1926), qui avait une certaine fortune personnelle, voulut offrir à Dieu une couronne de prière. Il a donc fait construire à Pompéi un grand sanctuaire à Notre-Dame du Rosaire. Mais sa vie de prière l’a incité, l’a poussé, l’a obligé à confectionner une autre couronne, non pas faite de pierres, une couronne vivante. Il a donc accueilli à son foyer 15 orphelines en 1887, puis 15 fils de repris de justice en 1892. Une science orgueilleuse prétendait alors que les gênes ataviques de tendance au crime se transmettaient héréditairement aux enfants des délinquants. C’était donc folie aux yeux des hommes d’entreprendre de les éduquer. Mais Bartolo Longo savait que c’était la volonté de Dieu et que rien ne s’y opposerait s’il prenait les bons moyens et ne reculait pas devant les sacrifices. Et 10 ans plus tard, c’était plus de 130 filles et 100 garçons dont il s’occupait !

Si la récitation du Rosaire modèle et informe notre vie et nos comportements de tous les jours, comme pour le bienheureux Bartolo Longo, alors (comme le pape Léon XIII l’annonçait il y a plus de 100 ans[9]) le Rosaire sera le remède à tous les grands maux de notre temps.

                                                 Abbé Marc-Antoine Dor »

[1] Préface de l’opuscule du père Henri-Dominique Laval, Le Rosaire ou les trois mystères de la Rose, Plon, Paris, 1952, p. I-II. De part et d’autre du texte cité, l’auteur commence par dire : « C’est par son aspect le plus humble que la dévotion du Rosaire me touche » et achève : « Ce qui ne signifie pas que je la rejette, ni qu’à ma manière je ne l’utilise. »

[2] Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariæ, 16 octobre 2002, n. 19.

[3] Jn 14, 6.

[4] Mt 17, 5.

[5] cf. Ga 2, 20.

[6] cf. Rm 8, 35-39.

[7] Cf. Ep 3, 19.

[8] 2 Co 5, 14.

[9] Cf. Léon XIII, lettre encyclique Lætitiæ sanctæ, 8 septembre 1893.

Outre des annonces et informations pratiques relatives aux célébrations religieuses, cours de catéchisme et formations pour adultes donnés dans ce sanctuaire liégeois, son feuillet d’octobre  2020 comporte plusieurs articles consacrés à la dévotion du Rosaire (l’histoire de sa constitution et trois témoignages sur sa pratique, notamment dans la Principauté de Liège et aux Pays-Bas à la fin du  XVe siècle), une exhortation du Cardinal Robert Sarah invitant les fidèles à revenir à la messe, en respectant les mesures sanitaires préventives prescrites contre la pandémie du covid19  et une interview de Mgr Delville, évêque de Liège, sur les bienfaits de la messe célébrée en latin. Pour en prendre connaissance, cliquez ici :

Feuillet 2020 10 R.pdf 

JPSC

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