Mgr Becciu était un des hommes les plus influents du Vatican, considéré par certains comme un «grand électeur» du prochain pape.
En raison de son parcours et de sa proximité avec le pape, Mgr Becciu était un des hommes les plus influents du Vatican, considéré par certains comme un «grand électeur» du prochain pape. Mais, en octobre 2019, il est visé par des accusations graves dans le cadre d’une enquête sur des malversations possibles, notamment dans des transactions immobilières à Londres. Pour lui, les ennuis commencent. La presse italienne s’empare de l’affaire et parle d’enrichissement familial. Elle ne le lâchera plus. La semaine dernière, le pape lui retire tout pouvoir. Une démission sans explication, mais qui ne peut pas être sans lien avec les soupçons réitérés de corruption dont il est l’objet.
RETOUR DE MGR PELL À ROME
Au même moment, le cardinal Pell, condamné en première instance à cinq ans de prison, et finalement blanchi par la justice australienne de toute accusation de pédophilie, revient à Rome. Certains y verront un nouvel épisode de la lutte qui a opposé les deux hommes lorsque l’un et l’autre étaient chargés des affaires financières et économiques de l’Église.
Nommé en 1996 archevêque de Melbourne, puis de Sydney en 2001, Mgr Pell avait aussi été créé cardinal en 2013 par le pape. Devenu membre du Conseil des huit cardinaux chargés de l’aider à réformer la Curie, il est nommé cardinal préfet du Secrétariat pour l’économie nouvellement crée par le pape François. Sa mission est de superviser les finances du Vatican et d’en finir avec les scandales financiers et les pratiques douteuses.
Avant qu’il ne soit obligé de quitter son poste à la suite d’accusations de pédophilie qui se révéleront mensongères et de ses démêlés avec la justice australienne, Mgr Pell s’était opposé à Angelo Becciu, en particulier sur des investissements et des prêts qui ne respectaient pas les procédures autorisées par les instances de contrôles internationales et les règles internes à l’Église instituées par Benoît XVI, puis par le pape François.
Compte tenu de la mission de l’Église, l’organigramme des finances du Vatican est particulièrement complexe. Le pape est à la fois le chef d’un État souverain et le patriarche de l’Église universelle. Les rouages économiques de l’Église et de l’État du Vatican s’entremêlent inévitablement – en principe sans se confondre. Certaines de ces activités, pour faire simple, sont considérées comme «commerciales» et relèvent des règles de contrôle internationales et d’engagements pris notamment auprès de l’Union européenne. D’autres, en raison de leur caractère cultuel ou caritatif, ne relèvent pas de la même logique et ne sont pas soumises aux mêmes règles.
Le cardinal Becciu aurait mélangé les caisses pour des transactions immobilières plus que douteuses et pour des prêts destinés à sauver un organisme plus que suspect.
Si l’on peut parler ainsi, le cardinal Becciu aurait mélangé les caisses pour des transactions immobilières plus que douteuses et pour des prêts destinés à sauver un organisme plus que suspect. Le cardinal Pell s’y était opposé sans y parvenir, avant d’être happé par la nécessité de se défendre contre des accusations australiennes largement agitées par des réseaux londoniens.
L’ISOLEMENT DU PAPE FRANÇOIS
L’éviction du cardinal Angelo Becciu et le retour concomitant du cardinal Pell à Rome signifient-il que ce dernier va retrouver un rôle dans les affaires financières du Vatican ? C’est une possibilité. Au moment de quitter l’Australie, l’ancien archevêque de Melbourne a en effet déclaré : «Le Saint-Père a été élu pour nettoyer les finances du Vatican. Il joue sur le long terme et doit être remercié et félicité pour ces récents développements. J’espère que le ménage des écuries continuera.»
Nous ne pouvons que le souhaiter. L’Église est gangrénée depuis cinquante ans par des affaires de sexe et d’argent. Nous sommes loin de l’esprit de pauvreté du Poverello. Nul doute que le pape qui se rendra bientôt au sanctuaire d’Assise ne manquera pas de l’invoquer dans ces circonstances.
Impossible aussi de ne pas remarquer l’impuissance du Saint-Père et son isolement sur ces questions financières. Lorsqu’à l’époque où les deux cardinaux s’opposaient, l’Autorité d’information financière (l’organisme chargé de s’assurer que les pratiques bancaires du Vatican sont conformes aux normes financières internationales), avait été soupçonné d’avoir couvert des opérations illicites. Il avait fait l’objet d’une enquête et de perquisitions. Son directeur avait été suspendu, son président – qui avait précédemment dirigé l’unité de renseignements financiers du Liechtenstein de 2004 à 2012, et qui avait été vice-président du groupe Egmont de 2010 à 2012 – ainsi que cinq de ses administrateurs tout aussi galonnés avaient démissionné. Qui va pouvoir nettoyer les écuries d’Augias ?
Au-delà de toute considération sur les hommes, la solitude du pape n’est pas sans rappeler celle du Christ à Gethsémani.
Thierry Boutet
Lire également : https://srp-presse.fr/index.php/2020/10/01/vatican-mgr-be...