Des écritures inconnues
Que Marthe se soit inspirée – sans le dire – d’autres écrits n’avait pas échappé lors du procès en béatification. Ainsi avait-on retrouvé des extraits de La Douloureuse Passion de Notre-Seigneur, de la mystique allemande Anne-Catherine Emmerich (1774-1824) dans les cahiers de Marthe.
Sophie Guex, postulatrice depuis 2018, innocente Marthe : « Elle a recopié et écrit, tant que sa maladie le lui a permis, pour sauvegarder le souvenir de ses lectures et asseoir sa pensée » (Marthe Robin, mystique et écrivain, Parole et Silence, 2017). Ses défenseurs argumentent : Marthe n’ayant guère fait d’études, puisait dans les textes d’autres mystiques. Sauf que, démontre Conrad De Meester, le plagiat est érigé en système. Au point que l’expert n’est même pas certain d’avoir retrouvé toutes les sources qu’utilisait Marthe.
Une autre question reviendra plusieurs fois au cours de l’enquête du carme : paralysée, elle avait recours à des secrétaires qui prenaient note des prières et missives. Ces « plumes » sont bien identifiées… Sauf pour certains documents, comme les récits des visions, transcrits d’une écriture repérable, notamment par des fautes d’orthographe récurrentes… « Une alternative angoissante, impossible, impensable, commença à me tirailler, écrit Conrad De Meester. Connue comme entièrement paralysée et vénérée comme une sainte, serait-elle l’auteure clandestine de toutes ces “écritures inconnues” ? »
La fécondité des Foyers de charité
Conrad De Meester n’en finit pas de s’étonner de la nombreuse correspondance, celle « d’une personne qui a fait face à une société où se disputaient la foi et l’incroyance. » Lettres sublimes… puisque recopiées des meilleurs livres de spiritualité de l’époque. Plus d’une trentaine d’auteurs sont mis à contribution, de saint Bonaventure à Élisabeth de la Trinité, en passant par Catherine de Sienne, Véronique Giuliani et d’autres aujourd’hui oubliés. « Je voudrais ne laisser comme trace de mon passage ici-bas qu’une traînée lumineuse de Vérité », lit-on dans le Journal de Marthe et on voudrait la croire… Sauf qu’il s’agit des mots de Marie-Antoinette de Geuser, dite sœur Consummata (1889-1918).
Mystificatrice dévoilée, Marthe n’en est pas moins dotée de grandes qualités que Conrad De Meester énonce volontiers : « intelligence, cœur, intuition, sensibilité, affection, force, endurance… ». Il salue encore la fécondité des Foyers de charité et le bien que Marthe a pu faire : « Dieu a su écrire droit sur des lignes courbes », écrit-il.
Le travail n’est pas achevé : l’enquête de Conrad De Meester, essentielle sur les premières années de Marthe Robin, n’aborde pratiquement pas la longue période qui suivit, des années 1950 au 6 février 1981, date de sa mort mystérieuse, dans sa chambre fermée à clé et en grand désordre. « Les écrits de Marthe ont été retrouvés dans son armoire, elle écrivait peut-être mais pour elle-même, souligne l’arrière petit-neveu de Marthe, le père Olivier Foulon. Où y aurait-il manipulation ? », s’interroge-t-il sans avoir eu, pour l’instant, accès au livre.
Prêtres et évêques, intellectuels et retraitants, religieux et curieux : plus de 100 000 visiteurs se sont rendus au chevet de Marthe. Auraient-ils été tous subjugués par la sainte de Châteauneuf ? Sans parler de son père spirituel et le maître d’œuvre des Foyers de charité, le père Georges Finet : aurait-il été mystifié, lui aussi ? Comment est-elle parvenue à berner si longtemps ceux qui l’entouraient ? Les défenseurs de la vénérable Marthe ne manqueront pas de se poser des questions.
Besoin de croire
Convaincante, la stigmatisée de Châteauneuf s’est peut-être convaincue elle-même, usant de tous les moyens pour maintenir l’illusion : « Ses actes frauduleux sont si fréquents et si génialement orchestrés qu’il est impossible que Marthe n’en ait pas eu conscience, souligne Conrad De Meester. (…) La notoriété de Marthe, de ses ’’expériences mystiques’’ et le ’’culte’’qui a entouré sa personne ont rendu difficile sinon impossible un retour à la vérité. »
Celle-ci éclate aujourd’hui au grand jour. Avec cette ultime question : la vénération de Marthe par des milliers de fidèles n’est-elle pas, au fond, l’expression d’un profond besoin d’y croire ?
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La vie de Marthe Robin
Commentaires
Après l'annonce de la non reconnaissance des apparitions de ND de tous les peuples à Amsterdam, voilà que Belgicatho nous informe que le cas de Marthe Robin serait une imposture mystique. Voici une réponse réjouissante par rapport à cette nouvelle : https://www.padreblog.fr/wp-content/uploads/2020/10/mr.pdf?fbclid=IwAR33x5Tn16DvimkfM6kSX7fuSbb_3jbz8HyFcMbVqRRUDTyt56nt7wS8i7E
Écrit par : Marie-Ange Joachim | 03/10/2020