Les cinq pièces grégoriennes du propre du premier dimanche de l'Avent (Hofburgkapelle – Vienne) (03/12/2023)

De sur le site d'Una Voce :

Premier dimanche de l’Avent (Hofburgkapelle – Vienne)

« Intr. Ad te levávi »Premier dimanche de l'Avent (Hofburgkapelle - Vienne)
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Les moines de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé chantaient les cinq pièces du Propre de cette messe. Le CD intitulé “Rorate Caeli”avait réédité en 2004 ce bel enregistrement  de 1956 (Studio SM). L’émission que vous pouvez écouter en cliquant ci-dessus va vous conduire à Vienne en Autriche. De plus amples informations vous seront fournies dans les textes suivants…

PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT

Violet – 1re classe

Ce dimanche, le premier de l’année ecclésiastique, est appelé, dans les chroniques et les chartes du Moyen Âge, le dimanche Ad te levavi, à cause des premiers mots de l’Introït, ou encore le dimanche Aspiciens a longe, à cause des premières paroles d’un des répons à l’office de matines que vous pourrez écouter grâce au fichier-son de notre émission (Cf. ci-dessous).

La station est à Sainte-Marie-Majeure ; c’est sous les auspices de Marie, dans l’auguste basilique qui garde la Crèche de Bethléhem, et qui pour cela est appelée dans les anciens monuments Sainte-Marie ad Prœsepe, que l’Église Romaine recommence chaque année le Cycle sacré. Il était impossible de choisir un lieu plus convenable pour saluer l’approche du divin Enfantement qui doit enfin réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d’une Vierge. Transportons-nous par la pensée dans ce temple auguste, et unissons-nous aux prières qui s’y font entendre ; ce sont les mêmes que celles qui vont être exposées ici.

Le temps de l’Avent représente dans l’année liturgique la longue période de l’histoire de l’humanité qui a précédé la venue du Sauveur sur cette terre, période d’attente mais aussi de confiance et d’espoir. De même chaque année nous attendons la venue du Sauveur à Noël avec les grâces qui sont propres à cette fête. Enfin, un troisième avènement se trouve dans la perspective de ce temps de l’Avent, c’est le retour du Seigneur à la fin des temps, non plus comme sauveur mais comme juge, pour la récompense définitive de ceux qui auront été fidèles.

– Rappelons qu’il vous suffit de cliquer sur Émissions & MP3 dans le bandeau de la partie supérieure de la page d’accueil. Le compteur de ce site nous apprend que vous êtes très nombreux à en profiter et nous nous réjouissons que puisse ainsi rayonner la louange divine. Sachez toutefois que nous ne pouvons compter que sur votre aide matérielle pour faire face à nos inévitables frais (achat de disques, de matériel audio, informatique…)  

– Le site Introibo pourra vous procurera d’intéressants commentaires de Dom Guéranger, Dom Baron, Dom Schuster…  

– Vous pouvez accéder, à la fin de cette page, au lien qui vous permettra d’obtenir la partition du psaume de communion que nous vous recommandons d’interpréter en alternance avec l’antienne.

Je vous convie cette année à Vienne, pour écouter la célèbre Schola de la Cour Impériale de Vienne (en allemand, Choralschola der Wiener Hofburgkapelle). Elle chante en cette très belle chapelle, qui fut la chapelle officielle de la maison de Habsbourg (photo ci-dessus), de manière liturgique, lors des offices du dimanche, près de l’autel et sans maître de chœur.

L’enregistrement est issu d’un coffret de six disques-compacts (424′ au total !) que je m’étais procuré en 2011. C’était le label Newton qui l’avait édité. Le P. Hubert Dopf, S.J, dirigeait, en 1990. Il semble que cet enregistrement n’ait hélas pas été réédité et que les disques suivants ne suivent plus la méthode traditionnelle de Solesmes.

C’est dommage car lisez le P. Dopf présenter lui-même ce coffret dans le livret qui l’accompagne en quelques courts extraits en bas de cette page et vous aurez compris que nous sommes au cœur de la prière chantée que nous promouvons à Una Voce. *


Les chantres de la schola de la Chapelle Hofburg

Les chants que l’Église nous propose en ce premier dimanche de l’Avent expriment tout à fait ces sentiments de confiance et d’espoir. Ceux du propre de la messe présentent une particularité sans doute unique dans le répertoire, c’est qu’on y trouve à trois reprises, Introït, Graduel et Offertoire, le même texte : Universi qui te exspectant non confundentur, qui est d’ailleurs difficile à traduire, en particulier le verbe exspectant qui est un des mots clef de l’Avent veut dire à la fois ” attendent ” et ” espèrent “. Disons, faute de mieux : ” Aucun de ceux qui mettent en Vous leur espoir ne sera déçu “. Ce texte est tiré du psaume 24, qui est un des principaux psaumes de l’Avent mais aussi du Carême. C’est la prière du pécheur qui se repent et se tourne vers Dieu avec confiance en sa miséricorde.

Dans le bas Moyen Âge, au commencement de la nouvelle année liturgique, c’était un usage assez répandu, de chanter avant l’introït quelques versets en l’honneur de saint Grégoire le Grand, le rédacteur inspiré de l’Antiphonaire qui porte son nom :

Sanctissimus namque Gregorius, cum preces effunderet ad Dominum ut musicum tonum ei desuper in carminibus dedisset : Or, tandis que le Très-Saint Grégoire répandait ses prières au Seigneur afin qu’il lui accorde le don de la musique à appliquer aux chants,
Tunc descendit Spiritus Sanctus super eum in specie columbae, et illustravit cor eius. Et sic demum exorsus est canere ita dicendo : Voici que le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme d’une colombe et illumina son cœur, et il commença alors à chanter, en disant cela :
Ad te levavi etc. Vers vous j’ai élevé mon âme…

Écoutez ce trope grâce à un disque, hélas épuisé, édité par Clovis et intitulé Gloria laus. Les très jeunes chantres du Chœur Saint-Michel l’interprètent admirablement.

► Introït : Ad te levavi

Le chant de l’Introït de ce dimanche est formé des premiers versets du psaume jusqu’à la phrase que nous avons citée :

Ad te levávi ánimam meam : Deus meus, in te confíde, non erubéscam : neque irrídeant me inimíci mei : étenim univérsi, qui te exspéctant, non confundéntur.

Vers Vous j’élève mon âme, mon Dieu ; en Vous je mets ma confiance, je n’aurai pas à en rougir et mes ennemis ne se moqueront pas de moi, car aucun de ceux qui espèrent en Vous ne sera déçu.

L’élévation de l’âme, vers Dieu, c’est la définition même de la prière, par laquelle s’ouvre ainsi l’année liturgique.

La mélodie de cet Introït est paisible et pleine d’assurance. On remarquera la belle montée très expressive qui souligne le mot important exspectant dans la dernière phrase.
Le verset qui accompagne cet Introït n’est pas le premier verset du psaume, puisque celui-ci figure déjà dans l’antienne, mais c’est le verset qui vient à la suite, que nous retrouverons au Graduel :

Seigneur, faites-moi connaître vos voies, et enseignez-moi vos sentiers.

► Graduel Universi

Nous retrouvons dans la première partie du Graduel la fameuse phrase qui revient trois fois dans les chants de cette messe, et que nous avons déjà entendu dans l’Introït, tandis que la deuxième partie reprend le verset suivant du psaume 24, que nous avons également comme verset de l’Introït, et qui est un appel au Seigneur pour qu’il nous éclaire et nous instruise.

Universi qui te exspectant non confundentur, Domine.
Vias tuas, Domine, notas fac mihi : et semitas tuas edoce me.

Seigneur aucun de ceux qui espèrent en Vous ne sera confondu.
Seigneur faites-moi connaître vos voies et enseignez-moi vos sentiers.

Il y a un contraste frappant entre les deux parties de ce Graduel. La première phrase, qui est une affirmation pleine de confiance et d’espoir, est assez courte, et elle se tient entièrement dans le grave d’une manière très humble. A peine s’élève-t-elle sur le mot exspectant dont les larges ondulations expriment la longueur de l’attente, puis, à la fin, après avoir prononcé très doucement le mot Domine, elle s’élève à nouveau en une belle montée très expressive. La deuxième partie qui est une prière suppliante est au contraire très développée, avec de grandes vocalises qui s’élèvent jusqu’aux extrémités les plus aiguës du mode.

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► Alléluia Ostende nobis

Bien que le temps de l’Avent soit en quelque sorte un temps de pénitence qui nous prépare à Noël (ornements violets, suppression du Gloria et du jeu de l’orgue), on continue d’y chanter l’Alléluia. Le verset de celui du premier dimanche de l’Avent est tiré du psaume 84, qui est aussi un des principaux psaumes du temps de l’Avent. Le peuple d’Israël y chantait sa reconnaissance pour la délivrance de la captivité de Babylone et s’autorisait de ce bienfait passé pour implorer la venue du Messie tant attendu. C’est cette demande que l’on trouve ici.

Ostende nobis Domine misericordiam tuam : et salutare tuum da nobis.

Montrez-nous Seigneur Votre miséricorde et donnez-nous Votre salut.

La mélodie est ce qu’on appelle une ” mélodie type “, c’est à dire qu’on la retrouve dans un certain nombre d’Alléluias du répertoire, en particulier celui de la messe de minuit de Noël, sans qu’on puisse savoir exactement pour lequel elle a été composée, mais elle s’adapte toujours très bien aux différents textes qu’elle doit illustrer. Elle est très joyeuse et légère.

► Offertoire : Ad te Domine

Le texte de l’Offertoire de ce dimanche est exactement le même que celui de l’Introït, le début du psaume 24, avec la fameuse phrase qui revient pour la troisième fois.

Ad te Domine levavi animam meam : Deus meus in te confido, non erubescam : neque irrideant me inimici mei : etenim universi qui te exspectant, non confundentur.

Vers Vous, Seigneur, j’élève mon âme, mon Dieu, en Vous je mets ma confiance, je n’aurai pas à en rougir, et mes ennemis ne se moqueront pas de moi, car aucun de ceux qui espèrent en Vous ne sera déçu.

Mais on remarque ici comment la mélodie grégorienne peut donner à un même texte des expressions très différentes. Le chant de l’Offertoire est généralement recueilli, intérieur et contemplatif. C’est le cas ici, et, tout en exprimant d’une manière profonde les sentiments de confiance et d’espérance qui sont ceux du texte, il présente en plus un caractère de prière très instante. On remarquera que le mot clef exspectant, qui est mis en évidence dans l’Introït par une montée à l’aigu, se trouve ici au contraire tout à fait au grave.

► Communion Dominus dabit

Le texte de l’antienne de Communion du premier dimanche de l’Avent est encore, comme le verset de l’Alléluia, un extrait du psaume 84, et on remarquera la grande unité assez exceptionnelle des chants de cette messe : non seulement la même phrase y revient trois fois, mais l’ensemble des textes est tiré en tout de deux psaumes.

Dominus dabit benignitatem et terra nostra dabit fructum suum.
Le Seigneur donnera sa bénédiction et notre terre donnera son fruit.

Ce verset est une réponse à celui que nous avons entendu à l’Alléluia. On y demandait au Seigneur de nous donner le salut, on affirme ici qu’Il nous le donnera. On pense évidemment en l’entendant à la magnifique prophétie d’Isaïe qui sera chantée à l’Introït du quatrième dimanche de l’Avent et dont le début est le refrain d’un chant populaire du temps de l’Avent.

O Rorate cæli desuper, et nubes pluant justum.
O cieux, versez votre rosée ; nuages, faites pleuvoir le juste !

Aperiatur terra et germinet salvatorem.
Que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur.

Oui, c’est le Sauveur, ce fruit que la terre doit nous donner. Et à cette pensée c’est la joie qui domine et envahit tout, joie que la mélodie exprime avec une ravissante délicatesse.

Le site nord-américain Musica Sacra nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette antienne de communion. C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter…

* Le père Hubert Dopf S.J., dans son introduction au panorama des chants de l’année liturgique proposé par la Choralschola, plante le décor spirituel. Les six programmes de chant grégorien, explique-t-il, ne doivent pas s’entendre comme des concerts, ni même comme des concerts de musique sacrée. « Nous voulons permettre à l’auditeur de s’immerger dans l’esprit de la plus ancienne musique liturgique de l’Église latine, musique qui, bien que liée aux formes des premiers siècles de la culture occidentale, est bien plus qu’un art extrêmement raffiné. Le chant grégorien est l’expression d’une profonde intériorité ; c’est une prière. Toute recherche d’effet superficiel lui est donc complètement étrangère ». Les cent soixante-dix chants grégoriens individuels, dont beaucoup sont associés au Saint Esprit ou à l’essence de Dieu, « chantent la bonté et la beauté de Dieu, et la bonne fortune de l’homme, que Dieu a favorisé ».

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