Le pape et l'avortement : censure médiatique ou réserve pontificale? (17/12/2020)

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso. en traduction sur diakonos.be :

Non pas une censure mais un silence calculé.  Une lettre d’Argentine sur le Pape et l’avortement

L’article précédent de Settimo Cielo sur « Le Pape François censuré chaque fois qu’il s’exprime contre l’avortement » a provoqué la critique cinglante d’un lecteur argentin de premier ordre, le philosophe José Arturo Quarracino, neveu du cardinal Antonio Quarracino, le prédécesseur de Jorge Mario Bergoglio à la tête de l’archidiocèse de Buenos Aires.

Selon lui, même si le Pape François prononce des mots durs contre l’avortement, il le fait de telle manière que ceux-ci ne trouvent pas d’écho dans les grands médias, il ne subit donc pas une forme de censure mais c’est plutôt lui qui s’adapte volontairement à ce silence.

Car si le Pape voulait vraiment donner un plus grand impact à ses déclarations publiques sur l’avortement, pourquoi – se demande Quarracino – ne les prononce-t-il pas lors d’un Angélus dominical, ou au cours d’une grande audience publique, comme il le fait pour ses plaidoyers vibrants en défense de l’environnement ou des migrants, et pourquoi préfère-t-il les glisser dans des lettres privées dont même l’Osservatore Romano ne signalent pas l’existence ?

En effet, si l’on repense aux années de Jean-Paul II, tout le monde se rappelle du formidable impact public de la bataille menée par ce pape en défense de la vie à naître.

On se souviendra notamment de l’exemple donné en 1994, avant et pendant la Conférence internationale pour la population et le développement organisée au Caire par l’ONU.

L’objectif de cette conférence était d’« assurer les droits reproductifs », une formule que Jean-Paul II avait traduite en « mort systématique des enfants à naître ».

Et donc, à la veille de cet événement, ce Pape s’est dressé en défense de la vie et de la famille à l’occasion d’une série d’Angélus du dimanche, il a convoqué au Vatican les ambassadeurs du monde entier pour l’écouter, il a remis à tous les dirigeants de l’ONU un mémorandum avec toutes ses objections, il a reçu le président américain Bill Clinton dans une audience décrite comme « très tendue » par les témoins.

Avec pour résultat que la Conférence du Caire est devenue dans les médias du monde entier une bataille rangée du Pape contre les puissants de ce monde, pro et anti avortement, les contraceptifs et la stérilisation.  Les plus grands correspondants de guerre avaient même été dépêchés au Vatican pour l’occasion, dont Christiane Amanpour pour CNN.

Aujourd’hui, en revanche – objecte Quarracino – le Pape François préfère accompagner ses condamnations discrètes de l’avortement d’une cordiale entente avec les magnats du « capitalisme inclusif », ceux-là même qui financent les politiques d’avortement à grande échelle.

On trouvera ci-dessous sa lettre. 

Cher Sandro :

concernant votre article sur la censure qui serait appliquée au pape Bergoglio lorsqu'il fait référence à l'avortement, j'aimerais vous apporter quelques clarifications et corrections.

S'il est vrai que ces derniers temps, le pontife a rendu explicites les définitions que vous mentionnez, il ne faut pas oublier deux choses.

Premièrement, que depuis son triomphe à l'élection présidentielle, et avant de prendre ses fonctions de président, Alberto Fernández a déclaré à plusieurs reprises que la priorité de sa prochaine administration allait être la légalisation de l'avortement. À l'époque, la hiérarchie catholique n'a fait qu'une seule déclaration contraire, mais très doucement et "sans combattre". L'attitude épiscopale était alors si complaisante, comme le démontre un fait plus que significatif : le président est allé célébrer la veille de Noël dans la paroisse de San Cayetano, à Buenos Aires, où l'évêque "villageois" et auxiliaire de l'archevêque de Buenos Aires, Monseigneur Gustavo Carrara, a officié à la messe, avec une photo de camaraderie incluse.

Ensuite, à la fin du mois de janvier de cette année, le président argentin a été reçu en visite officielle par François, dans une atmosphère de généreuse cordialité. A cette occasion, non seulement les deux n'ont même pas fait allusion à la résolution d'Alberto Fernandez en faveur de l'avortement, mais en plus Monseigneur Marcelo Sanchez Sorondo a célébré une messe scandaleuse dans la crypte où est déposée la dépouille de Saint Pierre, lui donnant la communion, malgré sa "foi" avouée en l'avortement et sa décision de promouvoir la peine de mort prénatale.

Par conséquent, il était clair que le premier magistrat argentin allait avancer de manière décisive dans son projet et que la hiérarchie ecclésiastique, tant argentine que vaticane, allait s'y opposer mollement, en réaffirmant sa position pro-vie et... rien de plus.

La pandémie du Covid-19 a forcé le report des plans gouvernementaux, jusqu'à ce qu'elle soit portée devant le Parlement national, comme vous l'avez mentionné.

C'est dans ce contexte que les revendications pro-vie et anti-avortement de Bergoglio-François sont connues, mais elles ne sont pas vraiment répercutées en public, et plutôt transmises par des lettres privées.

Dans le premier cas, dans le livre-interview "Let's Dream Together", édité par Austen Ivereigh. Ce sont des formulations doctrinalement justes et précises, mais quelques jours plus tard, on fait connaître la coopération du pontife avec le Conseil pour le capitalisme inclusif, comme s'il était l'aumônier de cette entreprise de la grande ploutocratie internationale, avec des entreprises et des personnages qui, dans leur ensemble, ont été responsables de la mise en œuvre du plus grand génocide connu dans l'histoire de l'humanité, celui des enfants à naître. En d'autres termes, Bergoglio s'engage dans une entreprise politico-économique, associé à ceux qui ont mis en œuvre et réalisé le génocide qu'il critique lui-même. En d'autres termes : critique en paroles contre l'avortement, mais partenaire en actes des promoteurs de l'avortement. N'est-ce pas un peu schizophrène ?

Dans le second cas, la réponse de Bergoglio aux femmes des quartiers populaires est que les deux questions sont bien posées, mais la demande des femmes a été de lui demander de l'aide pour faire face à l'offensive de l'avortement en cours.

Dans le troisième cas, le père José de Paola fait connaître ce que Bergoglio lui a écrit en privé : il dit ce que le pontife lui dit, ce qui n'est pas la même chose que ce qu'il exprime lui-même publiquement et officiellement.

Il en va de même pour le troisième cas, la lettre adressée à un groupe d'anciens étudiants argentins. Il le dit en privé (...)

Si sa position était ferme, ce qu'il devrait faire, et il est encore temps, c'est d'écrire publiquement et officiellement, sur du papier à en-tête, des lettres au président et à la vice-présidente argentine Cristina Kirchner, exprimant un rejet total et absolu, avec la même méthode que celle qu'il a utilisée avec les femmes, avec le père Pepe et avec ses anciens élèves.

Il pourrait également - et devrait - demander des prières pour que l'Argentine puisse faire face avec succès à l'offensive génocidaire en cours, que ce soit lors des audiences du mercredi ou de l'Angelus du dimanche. Si vous prenez un engagement public sur d'autres questions - l'environnement, les immigrants, l'inégalité économique mondiale - pourquoi ne le faites-vous pas sur cette question, qui est plus importante que celles mentionnées ?

Si l'on ajoute à cela que jusqu'à présent, l'épiscopat argentin n'a pas agi et n'agit pas de manière coordonnée, mais que ses membres se limitent à faire des déclarations à titre individuel, on peut alors constater que l'opposition à la légalisation est "molle", comme sa position classique semble le montrer, mais sans aller à l'encontre de l'initiative.

En ce qui concerne la relation avec Mme Cristina Kirchner, il est peut-être vrai qu'il n'a jamais eu de relation avec elle après avoir cessé d'être président, mais ce que Bergoglio ne dit pas, c'est qu'il est celui qui a personnellement géré en 2014 la rencontre et le lien entre elle et le sinistre George Soros, qui est le principal opérateur politique et financier de l'actuelle offensive de l'avortement ces dernières années en Argentine. C'est à partir de cette époque que son exhortation aux Argentins qui lui rendaient visite de "prendre soin de Cristina" est devenue célèbre.

Prenez soin de Cristina Kirchner afin qu'elle puisse être le principal et fondamental promoteur au Sénat argentin pour l'approbation de la loi génocidaire. C'est à elle qu'il doit écrire officiellement et publiquement les positions exprimées en privé. Si il ne le fait pas, nous serons alors en présence d'un montage pour couvrir une complicité de fait, même si cela semble - et c'est tout ce qu'il y a jusqu'à présent - une opposition totale. Jusqu'à présent, il s'agit d'une opposition apparente, déguisée par des formules théoriques.

Faire des affaires avec les propriétaires de World Power - les Rothschild, les Rockefeller, la Fondation Ford, etc. - n'est pas gratuit. Ils demandent le sang de ceux qui peuvent mettre en danger leur "règne" mondialiste, tout comme Hérode.

José Arturo Quarracino

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