Quand viendra la vieillesse (28/01/2021)

Lu sur le site web « cathobel »  ce 28 janvier 2021 cette méditation du Père Charles Delhez, s.j. Tempus fugit et vita brevis…

« Il y a des dates que l’on n’oublie pas. Celle de notre anniversaire, bien sûr. Mais aussi d’autres qui sont fixes: le 25 décembre, le 1er et le 6 janvier, le 14 février, le 15 août, le 1er novembre. On pourrait y ajouter le 2 février, fête de la Présentation de Jésus au Temple, dite de la Chandeleur. Ce jour-là, on mange des crêpes! C’est le pape Gélase Ier, au Ve siècle, qui aurait associé cette fête aux « chandelles », organisant des processions aux flambeaux et distribuant des galettes aux pèlerins. Selon une autre explication, les crêpes rondes évoqueraient le soleil qui revient à la fin de l’hiver. Les paysans faisaient sauter des crêpes avec la farine excédentaire. Pour la première, ils tenaient, dans la main gauche, une pièce en or, toute ronde elle-aussi. C’était un gage de prospérité pour les futures récoltes.

Se tourner vers l’avenir

Mais revenons aux chandelles. Ce rite provient de l’évangile du jour, celui du vieillard Syméon qui prend l’enfant Jésus dans ses bras et bénit Dieu:

Maintenant, ô Maître souverain,

tu peux laisser ton serviteur s’en aller

en paix, selon ta parole.

Car mes yeux ont vu le salut

que tu préparais à la face des peuples:

lumière qui se révèle aux nations

et donne gloire à ton peuple Israël.

J’aime cette figure de Syméon. Au terme de sa vie, il se tourne non vers le passé, mais vers l’avenir. En ce nouveau-né, il voit la promesse de jours plus lumineux pour toutes les nations. Dans les monastères, son cantique clôture encore chaque journée. Lorsque le jour prend fin, pour le croyant, une aurore éternelle s’annonce déjà.

Quand j’aurai fait mon temps

Au terme de ma propre vie, je voudrais ne pas être désabusé, désespéré ou résigné, mais aller vers le Seigneur sans fausse culpabilité et rempli d’espérance. Qu’au moment où ma vie deviendra peut-être davantage souffrance, ce qui a été vécu dans l’action trouve son achèvement… Puissé-je, à cette étape, donner la priorité à la prière, alors que je l’ai si souvent donnée à l’action.

Quand j’aurai fait mon temps, que j’aie assez de réalisme pour ne plus me mêler de ce qui sera la responsabilité de la génération suivante. Et si l’une ou l’autre personne me faisait l’honneur de me consulter, puissent-elles rencontrer un homme sage, dépouillé des impatiences de la jeunesse et de l’orgueil du midi de la vie. Que je trouve pour mon visiteur les mots qui encouragent. Qu’il perçoive en moi un homme de foi, capable d’un témoignage vrai, qui n’impose rien, mais propose avec douceur. J’aimerais également être le plus longtemps possible partie prenante d’une communauté chrétienne et m’y faire discret, mais présent par ma prière et ma bienveillance.

Bien sûr, j’espère ne pas trop souffrir lors des dernières heures. Mais si la maladie et la souffrance sont alors mon lot, j’aimerais les vivre en communion avec Celui qui, sans les sacraliser pour autant, les a transfigurées d’amour.

La « mercitude »

Le grand âge peut être aussi le temps de la gratitude et même des gratitudes, au pluriel, selon le titre du livre de Delphine de Vigan (1). Michka, avancée en âge, est toujours en train de perdre quelque chose et ne trouve plus ses mots ou trébuche dessus. Quand elle veut dire merci, c’est merdi qui sort de sa bouche! Pouvoir exprimer sa reconnaissance, sa « mercitude », est pour elle de la plus grande importance. C’est la trame du roman.

Dans la vie de tous les jours, il y a tant de merci à dire. Combien de fois ne prononçons-nous pas ce mot? Merci pour le sel, pour la porte, pour le renseignement. Il y a le merci de politesse, de convenance sociale, automatique, mécanique. Presque vide. Parfois omis. Mais il y a aussi de vrais mercis. « Vivre, écrit François Cheng cité en exergue de ce récit, c’est savoir que tout instant de vie est rayon d’or. Sur une mer de ténèbres, c’est savoir dire merci. »

Puisse un jour, le dernier de mes jours, avoir été vécu comme si c’était le premier. Puisse la mort me surprendre en train d’arroser mes plantes! Ce sera ma manière de dire merci à la vie!

Charles Delhez

Curé de Blocry,

Conseiller spirituel des Equipes Notre-Dame

(1) Delphine De Vigan, « Les gratitudes ». JC Lattès »

Ref. Quand viendra la vieillesse

JPSC

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