Des mesures inappropriées à la Basilique Saint-Pierre de Rome (14/03/2021)

Pope Francis celebrates Mass for the Solemnity of Pentecost at the Altar of the Chair inside St. Peter's Basilica, on May 31, 2020.

Du cardinal Burke (en traduction française sur le blog de Jeanne Smits) :

Le 12 mars 2021, la Première Section (Affaires générales) de la Secrétairerie d’État du Pape François a publié un document contenant certaines dispositions relatives à la célébration de la Sainte Messe dans la Basilique papale Saint-Pierre au Vatican. Le document est adressé au Commissaire Extraordinaire de la Fabrique de Saint Pierre (Commissario Straordinario della Fabbrica di San Pietro), à l’institut canonique chargé du soin de la Basilique papale, aux Chanoines du Chapitre du Vatican (Canonici del Capitolo Vaticano), et au Service des célébrations liturgiques de la Basilique (Servizio Celebrazioni liturgiche della Basilica). Tant la forme que le contenu du document soulèvent à juste titre les préoccupations les plus profondes des fidèles et, surtout, des prêtres. Ces préoccupations relèvent non seulement à la Basilique papale Saint-Pierre, mais aussi de l’Église universelle, dans la mesure où la Basilique papale Saint-Pierre est, d’une manière particulière, le foyer spirituel de tous les catholiques et, en tant que tel, se doit d’être un modèle de discipline liturgique pour les Églises particulières.
 
En ce qui concerne la forme du document, plusieurs préoccupations se font jour.
 
1.  Il s’agit d’un document non signé de la Première Section de la Secrétairerie d’État, sans numéro de protocole, et qui légifère sur l’aspect le plus sacré de la vie de l’Église, la célébration de la Sainte Messe. Il porte le sceau de la Première Section avec des initiales. Bien que le document semble être authentique, c’est-à-dire non falsifié, il ne peut être tenu pour un document contenant une législation valide pour la Sainte Liturgie.
 
2.  La Secrétairerie d’État n’est pas compétente pour la discipline liturgique de l’Église et, en particulier, pour la discipline liturgique à la Basilique Saint-Pierre au Vatican. A juste titre, on se demande par quelle autorité la Secrétairerie d’Etat a émis des directives qui sont contraires à la discipline de l’Eglise universelle. On peut également se demander quel processus a été suivi pour arriver à la publication d’un document d’une telle anomalie.
 
3.  Étant donné l’incompétence de la Secrétairerie d’État en la matière, les fidèles ont le droit de savoir quelle autorité compétente a donné mandat à la Secrétairerie d’État de légiférer en matière de Sainte Liturgie, c’est-à-dire d’émettre des directives concernant la célébration de la Sainte Messe dans la Basilique papale Saint-Pierre.
 
4.  La basilique pontificale Saint-Pierre au Vatican a désormais un cardinal archiprêtre, mais le document en question ne lui est pas officiellement communiqué. Il n’est pas non plus fait référence à sa responsabilité en matière de discipline liturgique dans la basilique qui lui est confiée.
 
Le contenu du document est également source de profondes inquiétudes.
1.  Le document prétend que les Saintes Messes sont actuellement célébrées dans la Basilique Saint Pierre dans un climat manquant, dans une certaine mesure, de recueillement et de décorum liturgique (« di raccoglimento e di decoro »). Ce n’est certainement pas mon expérience. Je connais de nombreux prêtres, résidant à Rome ou en visite à Rome, qui ont célébré ou célèbrent régulièrement la Sainte Messe à la Basilique Saint-Pierre. S’ils m’ont exprimé leur profonde gratitude du fait d’avoir eu l’occasion de célébrer la Sainte Messe dans la Basilique, ils n’ont pas indiqué que le climat dans lequel ils ont célébré la Sainte Messe dans la Basilique manquait en quoi que ce soit de la révérence, du recueillement et de la dignité qui conviennent au Sacrement des Sacrements.
 
2.  Le document impose la concélébration aux prêtres qui veulent célébrer la Sainte Messe dans la Basilique Saint-Pierre, ce qui est contraire au droit de l’Église universelle, et conditionne injustement le devoir premier du prêtre individuel de célébrer quotidiennement la Sainte Messe pour le salut du monde (can. 902). Dans quelle église un prêtre pourrait-il désirer, plus que dans la basilique Saint-Pierre, célébrer la sainte Messe, par laquelle il accomplit le plus parfaitement et le plus complètement sa mission sacerdotale ? Si un prêtre individuel souhaite célébrer la Sainte Messe dans la Basilique, une fois que les directives en question seront en vigueur, il sera contraint de concélébrer, en violation de sa liberté de célébrer la Sainte Messe individuellement.
 
3.  En ce qui concerne la célébration individuelle de la Sainte Messe, il faut observer qu’il ne s’agit pas seulement d’un droit du prêtre, mais que celle-ci  porte également un grand fruit spirituel pour toute l’Eglise, puisque les mérites infinis du Saint Sacrifice de la Messe sont plus largement appliqués d’une manière adaptée à notre nature finie et temporelle. Il est utile de réfléchir à l’enseignement du Concile de Trente, concernant la situation d’un prêtre qui célèbre la Sainte Messe sans qu’aucun fidèle ne reçoive la Sainte Communion. En ce qui concerne la participation des fidèles à la Sainte Messe, le Concile enseigne : « Le saint concile souhaiterait à la vérité qu’à chaque messe tous les fidèles qui y assisteraient communiassent non seulement spirituellement et par un sentiment intérieur de dévotion, mais aussi par la réception sacramentelle de l’Eucharistie, afin qu’ils participassent plus abondamment au fruit de ce très-saint sacrifice. » Il poursuit : « Cependant, encore que cela ne se fasse pas toujours, il ne condamne pas pour cela comme illicites et à titre de particulières les messes auxquelles le prêtre seul communie sacramentellement ; mais il les approuve et les autorise même, puisque ces mêmes messes doivent être estimées véritablement communes, et parce que le peuple y communie spirituellement, et parce qu’elles sont célébrées par un ministre public de l’Eglise, non seulement pour lui, mais aussi pour tous les fidèles qui appartiennent au corps de Jésus-Christ » (Session XXII, chapitre 6). Il faut en outre observer que le prêtre ne célèbre jamais seul la sainte Messe, même s’il n’y a personne d’autre physiquement présent, car les anges et les saints assistent à chaque offrande de la sainte Messe (can. 903).
 
4.  En ce qui concerne la forme extraordinaire du rite romain, que le document appelle faussement le rite extraordinaire, le document se réfère aux « prêtres autorisés », mais aucun prêtre en règle n’a besoin d’autorisation pour célébrer la Sainte Messe selon la forme extraordinaire du rite romain (Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 2). De plus, le document limite l’offre de la Sainte Messe selon la Forme Extraordinaire ou Usus Antiquior du Rite Romain dans la Basilique papale de Saint Pierre à la Chapelle Clémentine, à quatre heures fixes. Est-il donc supposé que, chaque jour, seuls quatre prêtres seront autorisés à célébrer la Sainte Messe selon l’Usus Antiquior dans la Basilique papale Saint-Pierre ? Puisque le droit universel de l’Église permet au prêtre individuel, dans de telles circonstances, de célébrer la Sainte Messe, soit selon la forme ordinaire (Usus Recentior), soit selon la forme extraordinaire (Usus Antiquior), la directive en question est en violation directe du droit universel de l’Église.
 
5. Le document dispose également que les messes concélébrées doivent être animées liturgiquement (siano animate liturgicamente) par le service des lecteurs et des chantres. Bien que la discipline liturgique de l’Église prévoie le service des lecteurs et des chantres, leur but n’est pas d’animer la Sainte Liturgie. Le Christ seul, en la personne duquel le prêtre agit, anime la Sainte Liturgie. Il ne faut donc pas penser que la célébration individuelle de la Sainte Messe est en quelque sorte moins animée, au sens spirituel véritable, que la Messe concélébrée.
 
6.  Pour le bien de la foi catholique et pour le bon ordre de la Sainte Liturgie, l’expression la plus élevée et la plus parfaite de la vie de l’Église dans le Christ, le document en question devrait être révoqué immédiatement, c’est-à-dire avant sa date supposée d’entrée en vigueur, le 22 mars prochain. En outre, la pensée qui sous-tend un tel document devra être corrigée, en même temps que la discipline de l’Église universelle et la doctrine liturgique qui la sous-tend seront exposées aux fidèles.
 
En conclusion, la discipline de l’Église reconnaît le droit, et même le devoir, des fidèles chrétiens de faire connaître à leurs pasteurs leurs préoccupations sur les questions qui concernent le bien de l’Église et, de même, de faire connaître ces préoccupations à tous les fidèles chrétiens (can. 212 §3). Étant donné la gravité de la situation représentée par le document en question, j’espère que de nombreux fidèles chrétiens pour qui la basilique Saint-Pierre est, dans un sens tout particulier, leur église mère, et, surtout, de nombreux prêtres du monde entier feront connaître au pape François et à sa Secrétairerie d’État leur forte objection au document en question.

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