Une opération des forces de sécurité indiennes dans l’État du Chhattisgarh s’est soldée par la mort d’au moins 22 policiers, samedi 3 avril. C’est le plus lourd bilan humain depuis 2017 dans la lutte que mène le gouvernement contre la rébellion maoïste. 30 membres des forces de sécurité indiennes ont aussi été blessés dans l’affrontement, qui s’est déroulé durant plus de quatre heures samedi dernier. Les autorités ont, depuis, annoncé leur intention de renforcer leur activité dans cette région tropicale devenue bastion du groupe maoïste. Parsemée de collines et de denses forêts, elle abrite aussi d’immenses réserves de diamants, d’or, de charbon et d’autres minerais.

► Qui sont ces rebelles ?

Cette insurrection maoïste indienne, aussi connue sous le nom de « naxalite », opère depuis plusieurs décennies dans une diagonale de l’est du pays parfois qualifiée de « corridor rouge ». Tirant leur nom de Naxalbari, un village dans le Bengale occidental où le groupe est d’abord apparu en 1967, ils émergent comme mouvement de soutien aux paysans, mais mènent depuis le début des années 2000 des attaques régulières contre les forces de sécurité indiennes. Au point d’en faire, d’après une déclaration du premier ministre Manmohan Singh en 2009, « la plus grave menace à la sécurité intérieure de notre pays ».

Depuis, « les incidents de violence maoïste ont clairement diminué, si vous regardez les statistiques » assure Yashovardhan Azad, ancien directeur adjoint du renseignement intérieur indien. « La zone d’opération des naxalites s’est réduite, et elle est maintenant limitée à environ 90 districts dans tout le pays, mais les maoïstes se sont profondément enfoncés dans la jungle de Chhattisgarh, qui est extrêmement difficile d’accès » ajoute ce policier à la retraite, en notant tout de même qu’il « faut se méfier des statistiques : si ce groupe est capable d’attaquer et de tuer 22 membres des forces de sécurité, c’est qu’il représente encore une menace très sérieuse ».

► Quelles sont les conséquences du conflit ?

Le conflit entre le gouvernement indien et l’insurrection maoïste a fait près de 10 000 morts depuis le début des années 2000, d’après un décompte du « South Asia Terrorism Portal ». Et si des tentatives pour arriver à un accord de paix ont été réalisées durant cette période, le processus semble aujourd’hui au point mort.

« Le gouvernement combat ce problème uniquement par des méthodes militaires, critique Ghazala Wahab, une spécialiste des questions de sécurité en Inde et directrice du magazine Force IndiaL’approche du gouvernement a été de coincer les maoïstes, de les encercler, d’en tuer autant que possible, afin qu’une fois la zone nettoyée, ils puissent démarrer le travail de développement, construire des routes et des écoles pour convaincre les tribus locales de soutenir le gouvernement plutôt que l’insurrection. »

Tout en dénonçant l’attaque du 3 avril, l’Union populaire pour les libertés civiles (PUCL), une ONG de défense des droits de l’homme indienne, s’est inquiétée de la « militarisation extensive de la région », responsable selon elle de « l’aliénation des tribus locales »« Pris entre deux feux », les locaux sont « harcelés » par les forces de sécurité et parfois exécutés en tant qu’informateurs par les maoïstes, affirme l’organisation.

Dans un contexte de pauvreté, de débat sur la propriété des terres et d’accès aux richesses minières de la région, les autorités ont, d’après Ghazala Wahab, échoué à convaincre les autochtones du bien-fondé de leur politique. « Dans cette région, le gouvernement est représenté par la police ou les groupes paramilitaires, qui sont vus comme des outsiders » note-t-elle. Assurant ainsi au groupe un soutien toujours réel.