L’Eglise et le jeûne
Les chrétiens sont, eux aussi, invités à jeûner durant le Carême, mais ce jeûne est une loi de liberté. La seule prescription formelle concerne le Mercredi des cendres et le Vendredi saint au cours desquels le jeûne est prescrit, ainsi que l’abstinence de viande tous les vendredis de Carême. Pour le reste, les chrétiens sont appelés à toutes les privations que leur conscience leur indique devant Dieu : l’alimentation et le tabac bien sûr, mais aussi toute autre privation (sorties, télévision, cinéma, lectures, etc.) afin de « s’établir avec foi dans une attitude d’humilité pour accueillir l’action de Dieu et se mettre en sa présence » (Vocabulaire de théologie biblique de X.L. Léon-Dufour p. 609) et de laisser plus de place à la prière et à l’attention aux autres. En outre, la sobriété est requise et il n’est pas question de compenser le soir ce dont on s’est privé durant la journée.
UN RITE COMMUNAUTAIRE
Le temps du Ramadan revêt une importante dimension communautaire et sociale. Il ne laisse aucune place à la liberté et à la conscience individuelles.
Priorité à la contrainte
Le Ramadan manifeste la solidarité des membres de l’Oumma, la communauté des croyants. Celle-ci s’accompagne d’une surveillance étroite de chaque musulman. C’est pourquoi le Ramadan est le « pilier » le plus suivi. Même des musulmans non croyants jeûnent sous la pression sociale de leur entourage [voire de la police]. Cette surveillance s’exerce aussi dans les quartiers de villes françaises à forte concentration islamique. Un sondage effectué en 2001 révélait que 70 % des musulmans de France observaient les règles du Ramadan.
Dans certains pays musulmans, la loi sanctionne la non observance du jeûne en public. Ainsi, au Maroc, l’article 222 du Code pénal en vigueur prévoit de un à six mois de prison, plus une amende, applicable à tout musulman manquant à l’obligation du jeûne.
A l’inverse, le chrétien est appelé à jeûner dans le secret et à se comporter aux yeux du monde comme s’il ne jeûnait pas « pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 16-18).
Les conséquences économiques et sociales
Le jeûne diurne et les réjouissances nocturnes du Ramadan entraînent un ralentissement des activités, notamment dans le travail. Par ailleurs, ce « pilier » de l’Islam coûte cher. Les banques consentent aussi des prêts pour couvrir ces dépenses inhabituelles.
QUELLE SIGNIFICATION SPIRITUELLE ?
Dans le Ramadan, l’accent est mis sur l’exercice de la volonté et l’obéissance à Dieu qui en a commandé l’observance. Mais cet ordre est dépourvu de toute signification autre que la soumission qui est le sens même du mot « islam ».
La perspective musulmane
La tradition et la pratique atténuent cependant la sècheresse de la prescription pour lui conférer une signification spirituelle qui se base sur deux propos attribués à Mahomet :
– « Le mois de Ramadan est venu à vous ; c’est un mois de bénédictions en lequel Dieu vous enveloppe de sa miséricorde. Il pardonne les fautes et exauce les demandes ». De là découle l’instauration de certains rites : récitation intégrale du Coran pendant le Ramadan, prières nocturnes à la mosquée.
– « La meilleure des aumônes est celle qui est faite au mois de Ramadan ». Cette remarque a pour but d’inciter les musulmans à une plus grande attention à leurs frères en religion démunis, d’où l’instauration des repas populaires et gratuits servis après l’heure de la rupture du jeûne.
La perspective chrétienne
Le Carême est une réalité avant tout spirituelle et personnelle. C’est le temps du combat pour purifier l’âme, le temps durant lequel l’homme est invité à se souvenir de son état de pécheur, de sa vulnérabilité aux tentations. Il n’est en rien un exercice ascétique ou méritoire, mais un acte d’humilité de l’âme, un acte d’abandon confiant en l’amour de Dieu et en sa Parole. A Satan venu le tenter après un jeûne de 40 jours, le Christ répond : « Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8, 3 et Mat 4, 4). Autrement dit, le Carême est entièrement tourné vers la Semaine sainte et Pâques, le mystère de Dieu fait homme, « mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification » (Rm 4, 25).
Annie LAURENT