Rapport Matić: La COMECE appelle les eurodéputés à prendre conscience de l’importance et de la complexité de la question et à voter avec responsabilité (18/06/2021)

Prise de position du secrétariat de la COMECE sur le RAPPORT SUR LA SITUATION DE LA SANTÉ ET DES DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS SEXUELLE ET REPRODUCTIVE DANS L'UE, DANS LE CADRE DE L'INITIATIVE SUR LA DE LA SANTÉ DES FEMMES [2020/2215(INI)].

Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen
Rapporteur : MPE Predrag Fred Matić

La santé humaine est au cœur des préoccupations de l'Église catholique. Le droit à la santé est un
droit humain fondamental et constitue une base essentielle pour une vie digne. La défense des droits de l'homme sur La défense des droits de l'homme est un élément central de la proclamation socio-éthique de l'Église. Elle considère les droits de l'homme comme la base d'une coexistence pacifique entre les peuples et est convaincuequ'ils correspondent profondément à la conception chrétienne et biblique de la dignité de l'être humain.

Dans ce contexte, nous apprécions positivement le souci fondamental du rapport de protéger la santé et les droits des femmes. En même temps, nous sommes très préoccupés par un certain nombre de représentations et d'arguments avancés dans le projet de résolution en question.

1. Nous constatons avec regret que le projet de résolution est caractérisé par une perspective unilatérale tout au long du texte, en particulier sur la question de la santé des femmes, qui ne tient pas pleinement compte des situations de vie des personnes concernées et des droits de l'homme correspondants. Le projet de résolution ne reflète pas la tragédie et la complexité des situations dans lesquelles se trouvent les mères qui envisagent d'avorter leurs enfants à naître. Un conflit de grossesse peut être envisagée sous l'angle d'une "relation entre trois personnes".

Cependant, "le droit indépendant à la vie de l'enfant est trop facilement laissé de côté et l'on oublie que l'enfant à naître n'a pas le droit de vivre. On oublie aussi que l'enfant à naître n'est pas la propriété des parents, mais que, précisément,  il leur est confié en raison de son absence de défense " (1).

Prendre soin de femmes qui sont en détresse ou en situation de conflit à cause de leur grossesse est  un élément central du ministère diaconal de l'Eglise et devrait également être un devoir de nos sociétés.

Dans le projet de résolution, l'avortement est présenté comme un "service de santé essentiel" qui devrait être accessible à tous (2) . Selon nous, cette classification est éthiquement indéfendable. Une intervention médicale d'une telle ampleur ne peut et ne doit pas devenir une pratique normale ; sa qualification de service essentiel dégrade l'enfant à naître. En tant qu'Église, nous sommes convaincus que la vie humaine depuis le début, y compris la vie à naître, possède sa propre dignité et un droit indépendant à la protection. Dans l'optique de l'Église l'avortement n'est pas un moyen de planification familiale ou une partie des soins de santé ordinaires.

Nous considérons l'enfant à naître comme une vie indépendante créée à l'image de Dieu et qui doit son existence à sa volonté. L'enfant à naître a un droit humain à la vie. Dans son arrêt Brüstle (3), la Cour de justice des Communautés européennes n'a pas pu exclure la possibilité que la vie humaine à naître soit dotée d'une dignité propre et a donc reconnu l'embryon comme porteur de cette dignité humaine.

La Cour européenne des droits de l'homme a confirmé dans sa jurisprudence que c'est une obligation légitime pour les États contractants de la Convention de protéger la vie à naître (4). En invoquant cet objectif, les États peuvent restreindre les droits de la mère garantis dans la Convention, plus particulièrement le droit au respect de la vie privée en vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et en particulier, créer un cadre légal pour la réalisation d'avortements.

Le projet de résolution présente le "service de santé" de l'avortement comme un droit de l'homme, de sorte que les États membres respectent leurs obligations en vertu des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme lorsqu'ils en assurent la prestation (5). Ce n'est pas le cas. Il n'existe aucun traité international sur les droits de l'homme, ni aucun autre traité international, qui prévoit un tel "droit de l'homme à l'avortement" ou une obligation correspondante pour les États. Même les traités internationaux mentionnés dans le projet de résolution de la Commission FEMM ne contiennent pas un tel droit. Cela s'applique particulièrement au Pacte international relatif aux droits civils et politiques [ICCPR], le Pacte international relatif aux droits économiques, culturels et sociaux
[ICESCR], la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes [CEDAW] et la Convention européenne des droits de l'homme [CEDH].

2. Nous notons également avec inquiétude et regret que le projet de résolution nie le droit fondamental à l'objection de conscience, qui est une émanation de la liberté de conscience (article 10.1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne).

Le droit humain de refuser un traitement médical pour des raisons de conscience a été reconnu par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, démocratiquement légitimée, dans sa résolution 1763 (2010) sur "Le droit à l'objection de conscience dans le cadre de traitements médical".

Comme indiqué dans sa première disposition : "Aucune personne, hôpital ou institution ne sera
contraint, tenu responsable ou discriminé de quelque manière que ce soit en raison d'un refus de pratiquer, d'accueillir, d'assister ou de se soumettre à un avortement, à la réalisation d'une fausse couche humaine, à l'euthanasie ou à tout acte qui pourrait provoquer la mort d'un fœtus ou d'un embryon humain, pour quelque raison que ce soit".

Bien que d'autres droits, tels que le droit à la vie, puissent avoir la priorité dans des situations spécifiques, nous sommes alarmés par le fait que le texte remet en question la simple existence d'un droit des institutions médicales et de leur personnel à refuser de fournir des soins médicaux, dont l'avortement, sur la base de clauses de conscience. Cette référence entraîne un mépris flagrant pour le droit des organisations fondées sur la religion ou les convictions de suivre leur philosophie et d'organiser leurs services en fonction de celle-ci. Elle néglige également le droit des individus à suivre leur conscience.

3. Nous nous félicitons du fait qu'en principe, le projet de résolution reconnaît la compétence législative des États membres dans le domaine décrit par le terme collectif "santé et droits sexuels et reproductifs". Cependant, dans son argumentation, le rapport ne rend pas justice à ce principe.
Nous rappelons qu'un des principes fondamentaux de l'Union européenne est le principe d'attribution, selon lequel l'Union n'agit que dans les limites des compétences qui lui sont conférées par les États membres dans les traités pour atteindre les objectifs qui y sont énoncés (article 5, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne).

En principe, le Parlement européen peut également s'exprimer sur des questions politiques pour lesquelles il ne dispose pas de pouvoirs législatifs. Dans le domaine de la santé, cependant, les dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne vont au-delà d'une simple attribution de pouvoirs législatifs : selon l'article 168, paragraphe 7, du TFUE, toute "action de l'Union respecte les responsabilités des États membres pour la définition de leur politique de santé ainsi que pour l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux". Avec ses appels détaillés aux États membres en vue d'une conception spécifique des questions couvertes par l'article 168(7) du TFUE, le projet de résolution ignore cette responsabilité des États membres. Ceci est également et surtout vrai dans des domaines très sensibles tels que les réglementations adoptées par les États membres sur les conditions d'avortement.

L'accompagnement médical des personnes est une tâche noble, mais aussi sensible et complexe. Elle nécessite un équilibre légal et éthique de tous les droits impliqués. Nous demandons au Parlement européen d'en tenir compte dans la position qu'il adoptera dans ce domaine.

-------------------

1 Dignité humaine et droits de l'homme dès le début, Parole pastorale commune des évêques allemands sur l'évaluation éthique de l'avortement, n° 57, 26 septembre 1996, p. 4.
2 Par exemple, aux considérants I, J et V.
3 Arrêt de la Cour (grande chambre) du 18 octobre 2011, Oliver Brüstle contre Greenpeace eV., points 32 à 36.
4 CourEDH (GC) 16.12.2010, A, B et C c. Irlande, n° 25579/05, points 222 et suivants.
5 Par exemple, le considérant 35

09:50 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |