Quand la personnalité du pape prend le pas sur la fonction qu'il exerce (28/06/2021)

De Leonardo Lugaresi sur Settimo Cielo :

Le problème de la personnalité dans l'Église. Le pape et les mouvements

Le décret du 3 juin 2021, approuvé sous une forme spécifique par le pape, par lequel le dicastère pour les laïcs a imposé des limites temporelles strictes aux mandats de gouvernement des associations et des mouvements reconnus par le Saint-Siège et a demandé que soit garantie la participation active de tous les membres aux procédures d'élection de leurs dirigeants, semble destiné à avoir un impact significatif sur la vie et la nature de nombre de ces réalités qui ont joué un rôle si notable dans le panorama ecclésial du dernier demi-siècle.

Il est légitime de se demander si ces normes ne tendent pas à annuler la différence entre mouvement et association, dissolvant en fait la première forme dans la seconde.

On dira que les mouvements avaient déjà pris une forme associative au moment où ils avaient demandé et obtenu la reconnaissance officielle de l'Église, mais jusqu'à présent il ne pouvait s'agir que d'un habillage formel, porté pour des besoins juridiques externes, mais qui intérieurement ne changeait pas la substance, qui restait - ou prétendait rester - celle d'une société librement agrégée et dynamisée par l'attraction d'une personnalité charismatique, dont l'autorité ne consiste pas en une somme de pouvoirs statutairement définis mais en une suprématie librement reconnue (qui s'étend dans une certaine mesure à ceux qu'il désigne comme ses collaborateurs), indépendamment de toute forme de consentement électoral et sans aucune limite temporelle. La "potestas" qui est reconnue à ce type de figure d'autorité, en d'autres termes, ressemble beaucoup plus à celle d'un père qu'à celle du représentant d'un système juridique.

Même après sa reconnaissance formelle en tant qu'association de fidèles, un mouvement peut donc continuer à avoir une forme de gouvernement inspirée de ce principe : les élections aux postes gouvernementaux, par exemple, peuvent certes être organisées, mais comme un simple accomplissement bureaucratique, étant entendu pacifiquement entre les membres du mouvement qu'il ne s'agit pas de véritables élections. Maintenant, probablement, tout cela devra changer, ou du moins c'est la volonté du Pape que cela change.

Il y a ceux qui, ces derniers jours, ont souligné comment l'intervention du Vatican s'inscrit dans une politique de régulation, sinon de réduction, des espaces de liberté des expériences communautaires au sein de l'Église, qui caractériserait le pontificat actuel et qui se serait déjà manifestée, par exemple, dans la constitution apostolique " Vultum Dei quaerere " de 2016 à propos de la vie contemplative des femmes.

Sans entrer dans les mérites de ce point de vue, qui est certainement digne d'attention, on ne peut toutefois pas rester silencieux sur le fait que, dans ce cas précis, derrière la disposition du dicastère pour les laïcs, il y a aussi le fait objectif constitué par le nombre important de cas, survenus ces dernières années, "d'appropriation du charisme, de personnalisme, de centralisation des fonctions ainsi que d'expressions d'autoréférence, qui provoquent facilement de graves violations de la dignité et de la liberté personnelle et, même, de véritables abus", comme l'indique la note explicative accompagnant le décret. On peut se demander si le remède proposé est adapté au défaut qu'il entend corriger, mais il est difficile de nier l'existence du problème.

Bien sûr, il faut se garder de tout mettre dans le même sac : chaque cas doit être considéré individuellement et doit être étudié en profondeur avant de porter un quelconque jugement sur son bien-fondé, étant donné l'extrême délicatesse du sujet ; cependant, le nombre de " scandales " qui se sont accumulés ces dernières années est si élevé que, à mon avis, on ne peut plus en parler comme s'il s'agissait de cas isolés, même s'ils se répètent. Peut-être devons-nous plutôt nous demander si nous ne sommes pas en présence d'un phénomène global, inquiétant et à certains égards mystérieux, que nous pourrions appeler une crise des charismes.

Il y a quarante ans, beaucoup de gens, et "in primis" le Pape, regardaient avec enthousiasme la floraison des "mouvements" (j'utilise ici le mot dans un sens large, pour désigner en général l'ensemble des nouvelles fondations, indépendamment de leur auto-définition). Ils voyaient en eux le signe d'un nouveau printemps de l'Eglise, dans la perspective missionnaire d'une "nouvelle évangélisation" du monde qui n'était plus chrétien et d'un élan renouvelé de la première annonce aux peuples qui l'attendaient encore, et ils comparaient leur vigueur juvénile au déclin sénile d'autres formes historiques de la vie religieuse, espérant que toute l'Eglise, dans un certain sens, devienne un "mouvement" à leur exemple. Aujourd'hui, le climat a radicalement changé, non seulement parce que le pape François, à la différence de Jean-Paul II, semble avoir très peu de sympathie pour les mouvements ecclésiaux, mais aussi parce qu'entre-temps s'est produite une série d'événements qui ne peuvent manquer d'avoir un impact sur la perception actuelle du phénomène - qui, à mon avis, reste globalement grand - des "nouvelles fondations ecclésiales".

Le point sur lequel je voudrais me concentrer est que ces événements ont tous à voir, d'une manière ou d'une autre, avec la personnalité charismatique des fondateurs, et c'est pourquoi, à mon avis, il serait important d'élargir la perspective de notre réflexion à ce que nous pourrions appeler le problème de la personnalité dans l'Église.

Bien que, comme je l'ai dit, nous ayons affaire à des événements qui ne peuvent absolument pas être mis sur le même plan, on peut tenter une classification, même sommaire.

Dans certains cas, il y a eu le scandale résultant de la découverte de l'indignité du fondateur, ce qui implique naturellement la remise en question de la vérité de son charisme. Il suffit ici de citer le nom du fondateur des Légionnaires du Christ, Marcial Maciel, dont je n'ai rien à dire sur la sombre parabole existentielle. Mais on pourrait en faire d'autres dans le même sens : ce même site a rendu compte des lourdes ombres qui planent actuellement sur le père Josef Kentenich, fondateur du mouvement Schönstatt, dont la cause de béatification est également ouverte.

A un autre niveau, certainement moins scandaleux mais tout de même troublant, il y a les cas de fondateurs qui, même sans être accusés d'abus sexuels ou d'autres crimes graves, à un certain moment "donnent du scandale" (c'est-à-dire, au sens étymologique, ils sont un obstacle) à leur communauté parce qu'ils deviennent insupportables à cause de leur personnalité même. Un cas exemplaire, en ce sens, semble être celui d'Enzo Bianchi, fondateur de la communauté de Bose, qui, à la demande de son successeur et de la majorité des membres de la communauté qu'il a fondée, a été sévèrement puni par le pape qui l'a pratiquement expulsé de sa maison car sa présence était désormais considérée comme nuisible à la vie de la communauté. D'après les maigres nouvelles qui ont filtré, il est difficile de comprendre ce qu'il a fait de si grave et personnellement, peut-être à cause d'une "forma mentis" qui me pousse instinctivement à sympathiser avec les vaincus, je reste très perplexe devant la dureté de la mesure prise à son encontre. Mais le point est autre : quel que soit le responsable, le problème ici consiste précisément dans le fait paradoxal que la personnalité du fondateur, d'élément générateur du mouvement, se transforme en un facteur de division et d'hostilité à la poursuite de sa vie. Nous ne sommes pas confrontés à un père déformé, comme ci-dessus, mais à un père encombrant, qui ferait mieux de quitter la maison.

Une troisième situation, complètement différente des précédentes mais toujours problématique, est celle où, même si la personnalité du fondateur continue à se distinguer clairement et purement à la lumière d'une sainteté que le temps, loin d'atténuer, rend au contraire toujours plus splendide et convaincante (comme par exemple dans le cas de Don Luigi Giussani), des difficultés apparaissent en ce qui concerne la définition de la nature, du rôle et des tâches des successeurs. Dans ce cas, lorsque le père part, c'est la maison qui ne ressemble plus à ça. Et c'est à nouveau un problème qui a trait à la personnalité.

Mais en quoi consiste le problème de la personnalité dans l'Église auquel je fais allusion ? Je ne peux ici qu'énoncer le thème, reconnaissant par avance à ceux qui voudront intégrer ou corriger mon approche très élémentaire. Il existe dans le christianisme une tension polaire entre deux dimensions, qui coexistent toujours : celle de l'universalité et celle de la personnalité (qui est génétiquement liée au mystère de l'élection). Dieu aime tous les hommes, sans exception, et se révèle donc à tous, ne laissant personne incapable de le connaître. Cependant, si son autorévélation est en partie universelle, sous la forme cosmique (cf. Romains 1, 19-20), elle s'accomplit surtout sous une forme historique et particulière, à travers le mystère de l'élection. Dieu, qui aurait pu se révéler universellement à tous les hommes de manière égale, a voulu, de manière impénétrable, se révéler en choisissant, c'est-à-dire en "discriminant" certains élus de tous les autres. Il existe une "krisis" divine, qui choisit Abraham de préférence à tous les autres hommes, puis ses descendants, de préférence à tous les autres peuples, et qui élit ensuite continuellement en son sein des prophètes pour raviver et corriger la foi du peuple élu. Dieu procède toujours de cette manière, jusqu'à l'élection suprême de Marie comme mère de son Fils incarné, qui à son tour choisit quelques hommes, douze, et à eux seuls "explique tout" (cf. Marc 4, 34), pour les envoyer enfin comme témoins "jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 1, 8).

Or, choisir des personnes, c'est nécessairement choisir des personnalités. Et la personnalité, par définition, est toujours particulière. Elle ne puise jamais dans la totalité, en ce sens qu'elle ne peut exprimer et correspondre qu'à certains aspects de l'ensemble de la réalité humaine, et pas à d'autres. Par conséquent, chaque personnalité est facilitée pour rencontrer, comprendre et valoriser certains aspects de l'être humain, tandis qu'elle est moins apte, voire incapable, d'entrer en relation avec d'autres.

C'est ici que se situe la faille, si je puis dire, dans laquelle se décharge la tension polaire évoquée plus haut. La manière dont cette tension est résolue dans la personne de Jésus-Christ, qui est vrai homme (c'est-à-dire une personne particulière) et vrai Dieu (c'est-à-dire la totalité de l'être), est le plus vertigineux des mystères et Romano Guardini, dans son précieux essai sur "La réalité humaine du Seigneur", avertit à juste titre que "la catégorie de "personnalité" ne lui convient pas" car "l'existence de Jésus n'a pas de "figure" propre qui puisse être indiquée et circonscrite humainement, [...]. elle ne se limite pas à une forme particulière de cette existence, mais est capable de s'adresser à toutes, de les pénétrer toutes et de les transformer toutes".

Mais ce qui est valable pour Jésus ne l'est plus pour aucun de ses disciples : chacun d'entre eux, quel que soit le sérieux avec lequel il s'efforce d'imiter le Christ et de le faire vivre en lui, a et conserve sa propre personnalité, donc aussi sa structure éthique et psychologique particulière qui sera inévitablement, pour certains, attrayante et facilitante pour la rencontre avec le Christ et, pour d'autres, repoussante et entravante (jusqu'à la limite de la tentation du scandale, dans les cas extrêmes).

L'histoire de l'Église assume pleinement ce fait de réalité et le met en valeur dans la conception des charismes comme des dons particuliers de l'Esprit qui s'incarnent précisément dans des personnalités charismatiques. Le Père Giussani, à cet égard, a fait des considérations éclairantes, analysant avec une grande finesse le rapport entre charisme et tempérament et observant, entre autres, que le tempérament " fait partie du charisme ", mais qu'il faut une " responsabilité envers son propre tempérament " pour éviter qu'il ne l'emporte sur le don de l'Esprit, dont il doit rester un humble instrument. Si la personnalité charismatique est, comme on l'a suggéré plus haut, la ligne de faille dans laquelle se décharge la tension entre les deux pôles de la totalité de la révélation divine et de la particularité de la personne élue pour en transmettre l'annonce, il n'est pas surprenant que des séismes même violents se produisent autour d'elle. Peut-être que l'épreuve que traverse l'Église, avec la crise des charismes à laquelle on a fait référence, est une secousse salutaire qui sert à purifier et à rectifier notre conscience de ce don.

Il existe cependant un autre aspect du problème. Dans la situation ecclésiale actuelle, le problème de la personnalité semble en effet investir directement aussi l'institution, c'est-à-dire précisément ce pôle qui devrait être, par sa nature, en tension bénéfique avec les charismes personnels. Ici aussi, je me contente d'énoncer un thème dans l'espoir que d'autres le développeront avec plus de compétence.

En particulier, je voudrais souligner, "sine ira ac studio", qu'un processus que nous pourrions appeler la personnalisation de la papauté est en cours dans l'Église depuis un certain temps. Par cette expression, j'entends la prévalence, dans la perception des fidèles mais aussi dans le style d'exercice de l'autorité papale, d'éléments relevant de la personnalité de celui qui la détient "pro tempore", par opposition à son poids institutionnel, qui est au contraire indépendant de la personne qui la porte de temps en temps sur ses épaules.

En termes simples, cela signifie qu'à présent, pour la quasi-totalité d'entre nous, François, ou Benoît, ou Jean-Paul, ou qui que ce soit, compte bien plus que la fonction de pape en tant que telle. Il serait très intéressant d'étudier historiquement les étapes de ce processus, qui - comme j'espère que c'est clair - devrait être maintenu bien distinct de l'analyse, historiographiquement déjà bien développée, du développement institutionnel de la papauté.

Je ne suis pas un spécialiste de l'histoire de l'Église contemporaine et je ne peux pas dire s'il existe des études spécifiques organiquement axées sur le sujet, mais je risque l'hypothèse qu'une première étape de cette évolution personnaliste du pape "perçu", qui éclipse de plus en plus le pape réel, a eu lieu même autour de la figure de Pie IX. Ce n'est pas pour rien que Don Bosco (qui avait la vue longue !) avertissait ses garçons de ne jamais crier "Vive Pie IX !" mais plutôt "Vive le pape !".

Il est probable qu'une jonction décisive dans l'évolution personnaliste de la papauté soit alors représentée par le pontificat de Pie XII, le "Pastor angelicus" auquel, ce n'est pas pour rien, un célèbre film documentaire a été consacré en 1942. La centralisation de l'Église dans la figure du pape a été un trait caractéristique de ce pontificat et l'objection selon laquelle, dans ce cas, c'est la personne d'Eugenio Pacelli qui s'est annulée dans le rôle institutionnel et non l'inverse, n'est valable que jusqu'à un certain point, car de toute façon, même dans cette forme qui l'a apparemment niée, en la transcendant et en la sacralisant, c'est toujours la personnalité qui s'est imposée.

La perception du pontificat de Jean XXIII, dans le sentiment populaire universel, a également été déterminée essentiellement par la personnalité du "bon pape" (comme on disait alors, avec une formule inouïe sur la fortune de laquelle il y aurait beaucoup à réfléchir), qui depuis lors l'emporte largement sur tous les autres aspects de sa gouvernance.

Sous le pontificat de Jean-Paul II, donc, le processus de personnalisation - fondé cette fois sans prétention et sans complexe sur la gigantesque personnalité humaine de Karol Wojtyla, pour beaucoup d'entre nous si irrésistiblement fascinante - a fait des pas de géant, avec des effets probablement irréversibles ou très difficiles à inverser.

Dans tout cela, naturellement, ce phénomène plus général de la médiatisation de l'expérience a joué un rôle déterminant, qui nous concerne tous dans une égale mesure, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église, mais dont je ne sais pas s'il a encore été suffisamment étudié et compris précisément dans son influence sur les événements ecclésiaux des XXe et XXIe siècles.

La tension physiologique entre la dimension institutionnelle de l'autorité et la personnalité du sujet qui l'exerce "pro tempore", qui a toujours existé, est exaspérée (et en partie aussi déformée) dans la société actuelle du spectacle par le système de communication médiatique, qui exalte, amplifie et déforme la personnalité du leader et le rend illusoirement proche et familier du peuple, en projetant sa silhouette sur l'écran de la représentation publique de manière à couvrir sa fonction institutionnelle. Tout le monde croit le connaître, et même le connaître d'une certaine manière, parce qu'ils l'ont vu d'innombrables fois sur les écrans, mais plus encore parce qu'ils l'ont entendu parler et agir selon un style de communication conçu pour donner - à distance ! - l'impression qu'il s'adresse à chacun d'entre nous, comme dans une relation de proximité.

À une époque, qui pouvait dire qu'il "connaissait le pape", à part les habitants de Rome ? Pour tous les autres membres de la communauté catholique, le pape en exercice n'était guère plus qu'un nom. Ses actes de gouvernement et son magistère passaient presque exclusivement par les institutions périphériques de l'Église, par une voie strictement hiérarchique : du pape aux évêques, des évêques aux curés, et de ceux-ci aux fidèles.

Aujourd'hui, au contraire, il y a de plus en plus de chrétiens qui ne savent peut-être même pas qui est leur curé, mais qui connaissent très bien le pape (c'est-à-dire qu'ils croient le connaître). L'idée du pape comme " curé du monde " gagne ainsi toujours plus de terrain : on pense, dans ce sens, à la fonction remplie par les messes quotidiennes de François à Santa Marta pendant les longs mois de la suspension pandémique de la liturgie.

Pourquoi alors j'avance la thèse qu'il y a ici non seulement une opportunité pastorale indéniable, mais aussi un problème pour l'Église ? Car, comme on l'a dit, la personnalité - chaque personnalité ! - dans sa fonction d'instrument de transmission de l'annonce chrétienne (c'est-à-dire comme un pot d'argile qui contient un trésor, selon l'incontournable métaphore de Saint Paul) ne peut qu'être une aide pour les uns et un obstacle (ou du moins une absence d'aide) pour les autres.

Or, en ce qui concerne les personnalités charismatiques mentionnées ci-dessus, ce fait est compensé par la liberté fondamentale que, par rapport à elles, chaque baptisé a d'adhérer ou de ne pas adhérer au type d'appel que chacune d'elles lance ; et les "nombreuses demeures" des différents charismes que l'Esprit suscite continuellement dans l'Église permettent à qui le veut de trouver celui qui convient le mieux à sa propre personnalité.

En ce qui concerne l'institution de l'Église, par contre, la question est plus compliquée, car d'une part ses structures hiérarchiques concernent et gouvernent tout le monde et personne ne peut impunément s'en extraire, tandis que d'autre part elle ne peut pas non plus se passer de s'incarner dans des personnes, chacune avec sa propre personnalité.

Si la relation entre la "personnalité institutionnelle" et l'institution n'est pas menée avec la plus grande authenticité chrétienne et la plus grande rigueur méthodologique, il est inévitable que des problèmes, même graves, surgissent.

Tant que l'on reste aux niveaux bas et intermédiaires, le problème constitué par une personnalité qui éclipse sa propre fonction institutionnelle d'une manière qui n'est pas positive pour la foi des autres peut être résolu de manière relativement facile, en vertu de la liberté reconnue aux fidèles. Si, par exemple, la personnalité débordante de mon curé n'est pas une aide pour moi mais un obstacle sur le chemin de la foi, rien ne m'empêche d'aller dans une autre paroisse.

Avec le pape, évidemment, tout cela ne fonctionne pas car il n'y a qu'un seul pape (même aujourd'hui, quoi qu'en disent certains mal informés !) et il s'applique à tous. Qu'il ait, comme tout le monde, une personnalité est naturel. Que, cependant, dans l'exercice concret de la fonction pétrinienne, au cours de ces cent cinquante dernières années, pour une série de raisons que je ne peux pas exposer ici, le poids de la personnalité papale ait toujours augmenté, jusqu'à devenir prédominant, comme c'est le cas aujourd'hui, je ne pense pas que ce soit une bonne chose.

L'excès de personnalité, si je puis m'exprimer ainsi, dans le cas du pape, peut devenir même source de division, aboutissant ainsi, paradoxalement, à contredire l'une des instances fondamentales du ministère de Pierre, la sauvegarde de l'unité.

Je m'arrêterai ici, car je ne prétends certainement pas pouvoir traiter d'un problème aussi délicat et complexe. Il me suffit de l'avoir posée, en avançant la thèse qu'il est nécessaire de protéger le "munus" pétrinien du risque de personnalisation, en corrigeant, dans la mesure du possible, une tendance qui dure depuis des décennies et que, peut-être, dans le passé, beaucoup d'entre nous ont considérée comme providentielle, en ne voyant que les aspects positifs, mais dont nous voyons mieux aujourd'hui les aspects négatifs.

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