Décolonialisme: l’université de Kisangani s’insurge contre la « falsification de l’histoire » (02/07/2021)

De Marie-France Cros sut le site web de La Libre Afrique :

Stan 64 9a67c8188c822b79a6eb12eeeebd6cfc.jpg"La polémique en Belgique au sujet du “décolonialisme” – mouvement d’effacement des œuvres coloniales porté par des organisations antiracistes à la suite des protestations, aux États-Unis, contre l’assassinat du noir Georges Floyd par un policier blanc – se nourrit d’une participation inattendue. L’Université de Kisangani – ex-Stanleyville – s’inquiète, en effet, de la stigmatisation des para-commandos belges qui, le 24 novembre 1964, mirent fin aux exactions des rebelles Simbas dans cette ville.

En juillet 2020, sept associations d’anciens para-commandos et officiers belges ayant servi en Afrique avaient protesté auprès du Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren au sujet de la nouvelle présentation d’une des sculptures de l’époque coloniale ornant la grande rotonde de l’établissement. L’œuvre d’Arsène Matton, “La Belgique apportant la sécurité au Congo” représente la Belgique protégeant dans les plis de son drapeau un homme et un enfant endormi. À cette statue (comme aux quinze autres de la grande rotonde) est maintenant superposé un voile semi-transparent, où est imprimée une image post-coloniale censée créer “un choc visuel et sémantique, permettant une lecture nouvelle d’un lourd patrimoine”.

Ce voile représente un militaire en arme, avec le texte : “Un para-commando belge à Stanleyville en 1964, lors de l’écrasement des rebelles Simba. L’indépendance formelle du Congo en 1960 est loin d’avoir sonné le glas des interventions étrangères”. La première phrase a fait tiquer les associations plaignantes, qui avaient écrit une lettre ouverte au directeur général du musée, Guido Gryseels, y voyant une “atteinte à l’honneur et à la réputation des para-commandos belges”.

Plainte en justice

Ayant opté pour une vision “décoloniale” de son travail, ce dernier avait refusé de changer quoi que ce soit au dispositif. En janvier dernier, les associations de paras avaient donc cité à comparaître devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, Pierre-Yves Dermagne (PS), du cabinet du ministre du Travail et de l’Économie et compétent pour la Politique scientifique, et le secrétaire d’État Thomas Dermine (PS), qui a la Politique scientifique dans ses attributions.

L’affaire n’a pas encore été jugée. Mais les paras belges ont reçu un appui inattendu de six chercheurs en histoire du Droit et professeurs de l’Université de Kisangani – nouveau nom de Stanleyville.

Dans un ouvrage collectif sous la direction du professeur Ursil Lelo di Makungu, vice-doyen à la faculté de Droit de cette université, les auteurs soulignent “la grande difficulté” de “la transmission de la vérité vécue d’un peuple à une certaine période bien précise”. Et d’ajouter que “si la colonisation ne peut pas être considérée comme une valeur, elle ne peut pas non plus être considérée comme une permission pour la falsification de l’histoire”. Et de mettre en garde contre “la falsification de l’histoire par les mouvements antiracistes et décoloniaux en Belgique et en Europe”.

Les auteurs estiment que l’opération “Dragon Rouge” du 24 novembre 1964 était “une intervention d’humanité”. Et de rappeler que le gouvernement – rebelle à Léopoldville (ancien nom de Kinshasa) – de Christophe Gbenye retenait des centaines d’otages européens à Stanleyville. Lorsque les parachutistes belges prirent la ville, le 24 novembre,  ils “libérèrent environ 2.000 Européens, dont une centaine furent massacrés”, selon l’historien Isidore Ndaywel. Le 26 novembre, une opération de même type avait été menée à Paulis, où d’autres otages européens étaient prisonniers des Simbas. La défaite du gouvernement Gbenye ramènera Stanleyville et sa région dans le giron de l’État central.

“L’unanimité de l’histoire orale”

Les auteurs observent une “tension” à l’Onu entre les principes d’intervention humanitaire et de respect de la souveraineté d’un État. Mais assurent que le voile dénigrant l’opération “Dragon Rouge” qui a été déposé sur la statue du Musée de Tervuren “pose problème aussi pour les Stanleyvillois” parce qu’il “frise une contre-vérité face à l’unanimité de l’histoire orale racontée par les anciennes générations […] mais également les survivants de la guerre des rébellions, qui ne cessent de considérer cette opération comme essentiellement une opération d’humanité”.

Les auteurs insistent : les Boyomais (NDLR : habitants de Stanleyville/Kisangani) “considèrent cette révision volontaire et fantaisiste (NDLR : de l’histoire) comme un manque de respect considérable envers les morts et rescapés bénéficiaires de l’opération “Dragon Rouge”, un acte de mépris envers les otages, les victimes et les morts des graves massacres des rebelles Simbas, qui sont restés impunis”.

Rappelons que les rebelles Simbas avaient tué plusieurs dizaines d’Européens, missionnaires et civils, et des milliers de Congolais. Le consul de Belgique à Stanleyville, Patrick Nothomb (futur père de l’écrivain Amélie Nothomb) a fait une description saisissante de ces jours de peur dans son livre “Dans Stanleyville”, où il raconte la plus grande prise d’otages du XXè siècle".

Ref. Décolonialisme: l’université de Kisangani s’insurge contre la « falsification de l’histoire »

Quand les Congolais du Congo disent non aux falsifications « indigénistes » de leur histoire nationale : à verser au dossier des idéologues du Musée de Tervuren et de la Commission parlementaire belge qui prétendent rectifier l'histoire du Congo. Sur le même thème voir aussi notre écho à la parution de la trilogie  « Le Roi génial et batisseur de Lumumba » et singulièrement le troisième tome: Le Congo, 135 ans et +  publié voici peu par Marcel Yabili, avocat congolais de Lubumbashi (Elisabethville)

JPSC

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