"Woke", le nouveau mot de cette année (11/08/2021)

De VA (Valeurs Actuelles) Confidentiel (La lettre quotidienne) via ce blog :

10 AOÛT 2021

“WOKISME”Woke, nouveau mot de l’année 2021

C’est sans nul doute le mot de l’année 2021. Et pourtant, quand on interroge les Français, 86 % d’entre eux n’ont aucune idée de ce que signifie “woke” (sondage Ifop pour l’Express). Ce mot nous vient tout droit des États-Unis : en anglais, il signifie “éveillé” — en l’occurrence aux injustices et autres inégalités inhérentes à la vie humaine, afin de les combattre.

Cette nouvelle mouvance idéologique trouve sa source dans la French Theory dont le philosophe français Michel Foucault est l’une des figures majeures. Selon celui-ci, « le savoir produit du pouvoir ». Dès lors, toute connaissance n’est que l’expression d’un pouvoir et peut donc être remise en cause, voire déconstruite. Cette idéologie part aussi du principe qu’il existe dans notre société des discriminations structurelles subies par les minorités raciales et sexuelles, qui doivent être combattues. Ainsi, le “wokisme” prône la déconstruction. Tout y passe : l’histoire nationale, la culture dans son ensemble, la vie politique, les personnalités qui ne baignent pas dans le politiquement correct… Les vagues de déboulonnement des statues qui ont commencé à l’été 2020 participent de ce mouvement.

En 2017, ce phénomène explose sur les campus américains. À l’université d’Evergreen, un traditionnel “jour d’absence” est observé chaque année. Ce jour-là, les non-Blancs sont invités à ne pas se rendre en cours et à se réunir ailleurs sur le campus, pour rappeler à quel point leur présence est précieuse dans la vie de l’université. Mais en 2017, un collectif d’étudiants décide d’inverser la tradition. Ils exigent que les étudiants blancs ne se rendent pas sur le campus. Un professeur de biologie s’y oppose. Selon lui, il y a une différence entre un groupe qui décide de lui-même de ne pas venir sur le campus et un groupe qui est exclu du campus contre son gré. Pourtant progressiste, ce professeur s’attire les foudres de ses étudiants et est contraint de démissionner et de déménager.

Il aura fallu quatre ans et la mort de George Floyd (mai 2020) pour que ce mouvement idéologique traverse l’Atlantique et vienne s’implanter en France, en commençant par les universités. Dans la mouvance des Black Lives Matter, les woke souhaitent réveiller les consciences quant aux injustices qui frappent les minorités raciales et sexuelles. On tombe dans une culture de la victimisation perpétuelle. Les “mâles blancs” deviennent l’ennemi numéro 1 à abattre. Au terme “woke” s’agrège alors un tout nouveau vocabulaire — racialisme, décolonialisme, cancel culture, intersectionnalité, privilège blanc… — qui rythme désormais notre vie sociale.

Cette idéologie s’installe dans toutes les sphères dans la société. D’abord dans les milieux estudiantins, où les élèves sont sommés de se soumettre au diktat antiraciste, où les cours dénoncent à longueur de journée le racisme systémique et où les associations victimisent sans cesse les minorités. L’univers de la culture est rapidement atteint également : les stars du showbiz deviennent les porte-parole de la cause woke. C’est maintenant au tour du monde de l’entreprise d’être concerné. Des séminaires de formation à la prise en compte des enjeux woke sont organisés dans de nombreuses sociétés.

Retour sur les événements de cette année 2021 qui marquent l’influence du “wokisme”.

ÇA SE PASSE EN FRANCE

Le “mois décolonial” à Grenoble« Je suis une femme racisée, cisgenre et venant d’un milieu populaire»Comprendre : “Je suis une femme de couleur, me sentant femme dans un corps de femme et venant d’un milieu populaire.” C’est dans ce tout nouveau vocabulaire woke que les intervenants du “mois décolonial” ont décidé de se présenter à leurs auditeurs. Du 10 au 30 juin 2021, des intervenants de cet acabit ont défilé à Grenoble, ville dirigée par l’écologiste Éric Piolle, pour un festival contre le racialisme. Au programme, des conférences et des rencontres afin de ne plus subir les affres de la colonisation et pour déconstruire le “privilège blanc”. Philosophes, sociologues, journalistes et autres personnalités de la mouvance “décoloniale” se sont succédé à la tribune. La venue de Rokhaya Diallo en clôture du festival a constitué l’acmé de cette rencontre inédite en France. La journaliste, qui lutte contre le racisme et pour la cause féministe, a fait sensation. L’occasion pour elle d’aborder le podcast Kiffe ta race, auquel elle participe fréquemment et qui a vocation à « exposer toutes les discriminations, même les plus occultes » comme « la langue française », qui serait un moyen d’oppression. Après trois semaines de débat sur un prétendu racisme systémique, le festival s’est clos sur la citation de l’auteur afro-américain James Baldwin : « C’est nous, les Noirs, qui devons intégrer les Blancs parce qu’ils sont malades» Un beau programme, en somme…

La plate-forme woke de France TV

En 2021, la chaîne France Télévisions peut se targuer de réunir à elle seule Camélia Jordana, Bilal Hassani et Médine sur une seule et même plate-forme numérique, Slash.

Que du beau monde au programme ! Sur le site de cette déclinaison de France Télévisions, le nouveau vocabulaire woke est en place : “harcèlement textuel”, “charge mentale”, “andrologie”… le tout en écriture inclusive, bien évidemment ! Ainsi, dans un mini-programme de la plate-forme, l’actrice et chanteuse Camélia Jordana se félicite que ses propos sur les « Noirs et les Arabes [qui] se font quotidiennement massacrer par la police dans les banlieues » aient ouvert la voie à de nombreux débats. Dans la série Skam, aux 28 millions de vues, ce sont les jeunes discriminés qui sont mis à l’honneur. Dans Étiquette, il s’agit cette fois-ci de dénoncer la société qui stigmatise certains citoyens français. Il n’y a aucun problème à ce que ces sujets soient traités dans les médias privés (tels que Brut ou Konbini, qui en ont fait leur marque de fabrique) : cela fait vivre le pluralisme d’idées et la liberté d’expression. En revanche, qu’une plate-forme du service public se serve de la redevance — autrement dit des impôts des Français — pour réaliser un soft power de la bien-pensance, cela pose question. Car aucun autre courant d’idées n’est présent dans les programmes de cette plate-forme. La redevance a du bon quand elle sert à “rééduquer” les Français en leur faisant prendre conscience de leurs “privilèges”… 

LE “WOKISME” OUTRE-MANCHE

Des étudiants retirent le portrait de la reine

Au début du mois de juin 2021, des étudiants de l’un des collèges d’Oxford — l’une des plus prestigieuses universités du Royaume-Uni — ont voté pour retirer le portrait de la reine Élisabeth II d’une salle commune. En cause, la souveraine de plus de 90 ans incarnerait le colonialisme de la Grande-Bretagne. « Les représentations de la souveraine et de la monarchie britannique représentent l’histoire coloniale récente »et donc heurteraient certains étudiants. Car le “wokisme” s’accompagne aussi de la cancel culture (culture de l’effacement ou de l’anéantissement). Désormais, le passé est jugé à l’aune du présent, sans aucun recul ni souci des anachronismes. Les militants woke ont par ailleurs une très mauvaise connaissance de l’histoire contemporaine : ils ne savent manifestement pas que la décolonisation de l’Empire britannique s’est déroulée en grande partie sous le règne d’Élisabeth II. Après les statues déboulonnées de Churchill et autres Européens aux États-Unis, après la censure d’Autant en emporte le vent, après la mise en contexte des films d’animation Disney, après avoir critiqué la créatrice de la sage Harry Potter, J. K. Rowling, lorsqu’elle s’était attaquée au délire transgenre, les militants woke s’en prennent donc à la reine du Royaume-Uni, personne la plus populaire outre-Manche. Le ministre de l’Éducation, Gavin Williamson, a immédiatement réagi et qualifié d’« absurde » la décision des étudiants. Mais il est presque certain qu’un communiqué ministériel n’effraie pas ces militants antiracistes, et que ceux-ci continueront leur travail de destruction du passé. 

LE DÉLIRE WOKE DE L’ANNÉE 

Une transition bridée

Toujours plus loin, toujours plus fort. Après l’effet de mode des transitions sexuelles (changement de sexe), le “wokisme” s’attaque maintenant aux origines. « Je ne m’identifie plus comme Britannique mais comme Coréen », explique sur ses réseaux sociaux l’influenceur et chanteur anglais Oli London. Le 26 juin dernier, après dix-huit opérations chirurgicales (qui lui permettent notamment d’avoir les yeux bridés), le jeune homme est devenu officiellement coréen. « Des gens pensent que c’est une blague mais vous ne pouvez pas comprendre ce que c’est d’être enfermé dans le mauvais corps », répond-il à ceux qui se moquent de sa démarche. Qui sait, son futur combat sera peut-être de vouloir que la cause du “transracialisme” soit défendue par les LGBT, et que cette cause apparaisse sur le drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel ? On n’arrête jamais le progrès !

UNE ÉTUDE FRANÇAISE

Anatomie du “wokisme”

Au début de l’été 2021, la Fondation pour l’innovation politique, dirigée par Dominique Reynié, a commandé à Pierre Valentin une analyse sur le “wokisme”. Dans un document d’une centaine de pages, l’étudiant en philosophie revient sur la genèse du mouvement idéologique en passant par les courants de la French Theory, du postmodernisme et du constructivisme. Pour les woke, la meilleure arme pour lutter contre les hiérarchies est non pas de viser l’égalité mais de renverser la hiérarchie. Ils souhaitent donc que la minorité domine la majorité. En ce sens, ils s’inscrivent pleinement dans la philosophie de Jacques Derrida et Michel Foucault. Pierre Valentin étudie ensuite l’émergence de ce courant de pensée. Selon lui, l’explosion du “wokisme”, au début des années 2020, est fortement liée aux réseaux sociaux, car c’est une idéologie de la victimisation, dont le caractère émotionnel passe par l’image et la captation de l’attention, ce que permettent très bien des réseaux comme Twitter. Pour Pierre Valentin, le “wokisme” va finir par s’autodétruire. En effet, à force de toujours vouloir inclure plus, de toujours vouloir défendre toutes les minorités, on finit par ne plus défendre personne et donc le mouvement n’a plus de sens. Espérons que cette autodestruction ne sera pas trop lente…

LA SOUMISSION WOKE

Un genou à terre

Pendant la compétition de l’Euro 2021, le mouvement Black Lives Matter (BLM) bat son plein. Les joueurs des équipes de football en lice sont sommés de mettre un genou à terre avant le coup d’envoi de leur match, en soutien aux victimes du racisme. Le geste a semé la discorde parmi les supporters et entre les nations. La France y a renoncé au dernier moment, mais des pays comme le Royaume-Uni et la Belgique se sont abaissés face à la pression des militants BLM. D’autres comme la Russie, la Hongrie ou la Croatie ont refusé de se soumettre à l’idéologie antiraciste. Après l’Euro, c’est pendant les jeux Olympiques de Tokyo que la polémique s’est poursuivie. 

LA PHRASE DU JOUR

« Le succès de cette mouvance s’explique parce qu’elle offre une lecture simple du monde, divisé entre dominants (l’homme blanc hétérosexuel occidental) et dominés. Ce système idéologique s’appuie sur la mentalité victimaire de notre époque et prospère sur le vide laissé par l’effondrement du marxisme. » Eugénie Bastié. 

Dans les colonnes de Valeurs actuelles, la journaliste explique les origines du “wokisme” en Europe occidentale. Dans son livre la Guerre des idées, elle dessine la généalogie du débat d’idées en France. La journaliste s’inquiète de cette mouvance qui ne laisse aucune place au pardon et supprime du débat de nombreuses personnalités.

LE “WOKISME” EN VIDÉO

L’idéologie woke, le nouveau totalitarisme ?

Rod Dreher, auteur du best-seller le Pari bénédictin, comment vivre en chrétien dans un monde qui ne l’est plus, revient avec un nouveau livre : Résister au mensonge. Dans cet ouvrage, le journaliste américain nous exhorte à la vigilance face à la mouvance woke. Parlez-vous le langage woke ? Male gazemansplainingpoop-shaming… À l’extrême gauche, de nouveaux mots naissent tous les jours pour décrire les microagressions dont peuvent être victimes les femmes, les racisés, les transgenres, etc. Décryptage d’une fournée de ces concepts qui constituent une partie du jargon des militants woke

LE CHIFFRE14 %

Selon un sondage Ifop pour l’Express, c’est le nombre de Français qui ont déjà entendu parler de “wokisme” sans nécessairement connaître la signification du terme. Les militants woke utilisent ce faible taux pour affirmer que le “wokisme” est une invention complotiste des militants de droite, quand bien même on en subit les ravages tous les jours. 

LA TOUCHE D’HUMOUR

Xavier Gorce se moque de l’antiracisme

Le dessinateur du Point a claqué la porte du journal le Monde en janvier dernier, après que la rédaction n’a pas soutenu l’un de ses dessins. Le “journal de référence” s’était alors offusqué que l’on puisse faire rire en parlant d’inceste. Avec ce dessin, Xavier Gorce met en lumière la division du monde imposée par les woke, entre les dominants (à abattre) et les dominés.

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